Pierre Laurent : "Il est exclu pour les communistes de soutenir François Hollande en 2017"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Pierre Laurent : "Il est exclu pour les communistes de soutenir François Hollande en 2017"
©Reuters

100% contre Hollande

Auteur de 99% aux éditions Cherche-Midi, le secrétaire national du Parti communiste français explique pourquoi la lutte contre les inégalités sociales n'est pas forcément incompatible avec la croissance et l'emploi. Parmi ses objectifs dans les prochains mois : rallier Jean-Luc Mélenchon à l'idée d'une primaire citoyenne de la gauche.

Pierre Laurent

Pierre Laurent

Pierre Laurent est le secrétaire national du Parti communiste français depuis 2010. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont 99% aux éditions du Cherche-Midi, qui décrypte le creusement des inégalités sociales dans le monde.

Voir la bio »

Atlantico : François Hollande a déclaré lors de l'émission "dialogues citoyens" qu'il se prononcerait sur sa candidature pour sa réélection en fin d'année. Il a ajouté que la France, si elle n'allait pas bien, allait "mieux" qu'avant son élection. L'avez-vous regardée, et y a-t-il malgré tout des constats sur lesquels vous vous retrouvez avec le Président ?

Pierre Laurent : François Hollande persiste à préparer sa candidature sur une voie suicidaire pour la gauche. Nous ne le suivrons pas. Son émission n'a rien apporté de neuf à part la confirmation de son isolement et de son aveuglement sur le bilan de son quinquennat. L'urgence est de construire une autre voie à gauche.

Vous venez de publier "99%", dans lequel vous partez du constat réalisé par Oxfam, indiquant que les 1% détiennent plus que les 99%. Cependant, en vous focalisant sur le "système", sur les riches, les paradis fiscaux, ne risquez-vous pas de rater l'essentiel, c'est-à-dire de mettre en place un système permettant aux plus pauvres, aux classes moyennes de retrouver la voie d'une élévation de leur niveau de vie ?

Au contraire je pense que la dénonciation du système de domination des 1% est au cœur du problème. Le creusement des inégalités n'appauvrit pas seulement les plus démunis de la planète, qui au passage sont quelques milliards, mais aussi les classes moyennes. Au-delà des personnes, c'est aussi tout un tissu économique de PME et d'entreprises innovantes qui sont victimes du système de prédation financière organisée dans la mondialisation actuelle.

Ce que j'essaie de décrypter dans ce livre, c'est que derrière ce chiffre extravagant des inégalités mondiales, il y a un système de prédation d'une part croissante des richesses créées par les forces productives. Et cette richesse est détournée au détriment du plus grand nombre.

Quand les 1% organisent leur évasion fiscale, que ce soit par la fraude ou par l'optimisation - on estime que 10% de la richesse mondiale est abritée dans les paradis fiscaux - ce sont tous ceux qui produisent des richesses qui sont spoliés. Quand les multinationales pompent la valeur créées dans les petites entreprises pour les concentrer  dans des mains de plus en plus étroites, c'est l'ensemble de la société qui est spoliée.

Je dis dans le livre que c'est en comprenant la nature de ce système que des catégories de la population qui peuvent sembler opposées entre elles comprendront leur intérêt commun à construire un autre système de création et de répartition des richesses.

Au-delà du fait de ponctionner là où se trouvent les richesses pour réduire les inégalités, n'y a-t-il pas également un autre levier pour améliorer le pouvoir d'achat des Français, consistant lui à favoriser l'activité économique du pays ? Que proposez-vous pour soutenir le tissu de petites et moyennes entreprises, importants pourvoyeurs d'emplois ?

Bien entendu, il faut mieux organiser la redistribution de la richesse dans les entreprises, ce qui passe par exemple par un encadrement des salaires. Nous proposons à ce titre une échelle de salaire de 1 à 20, afin d'en finir avec les revenus astronomiques, déconnectés de la création de richesse réelle de certains patrons comme nous venons de le voir chez PSA mais aussi dans des entreprises moins importantes.

Cette redistribution plus égalitaire est urgente dans la mesure où le nombre de salariés pauvres, ceux dont les revenus sont inférieurs à 1 000 euros ne sont plus des cas marginaux. Et cet appauvrissement tire d'ailleurs vers le bas l'ensemble de l'activité économique.

Pour financer de tels dispositifs, mettre le secteur bancaire à contribution est une solution intéressante. Il faut écraser les revenus de la finance et relever avec ces gains les revenus du travail. Mais il faut aussi développer les conditions de l'accès des entreprises au marché public, et revoir la politique d'accès au marché public pour favoriser la relocalisation de leur activité, ou encore combattre le travail détaché à l'intérieur même de l'Europe qui tire les salaires vers le bas, tout en sabordant notre activité économique.

S'agissant du développement de la croissance économique, elle est essentiellement pompée par les multinationales ainsi que par des réseaux de groupes géants. Je crois qu'il faut donc procéder à plusieurs choses : d'abord obliger à la transparence financière pour que ces multinationales déclarent leurs comptes pays par pays pour qu'elles puissent être imposées normalement, pour que cette richesse puisse retourner au développement collectif.

Ensuite il faut changer l'orientation du système bancaire, qui devrait financer le développement productif, dont celui des PME, de l'initiative publique et privée. Or aujourd'hui ce même système bancaire est tourné vers l'optimisation de rendements financiers dans des proportions toujours plus délirantes, totalement déconnectée de l'activité réelle. Il faut donc reprendre en main ce système, pour le mettre à nouveau au service du développement industriel : il ferait sens de recréer un pôle public bancaire large qui regrouperait à la fois les outils publics comme la Caisse des dépôts ou la Banque publique d'investissement, et renationaliser une partie du secteur bancaire pour orienter la politique d'utilisation financière des richesses. Cela permettrait par exemple de changer les critères de crédit actuels qui privilégient les rendements plutôt que la prise de risque, au bon sens du terme, ou encore les initiatives utiles à la société. Les mêmes qui sophistiquent leurs systèmes de sociétés offshore comme la Société générale ne seront jamais au rendez-vous pour soutenir des initiatives de développement.

Enfin, je crois qu'il faudrait repenser autrement la répartition du pouvoir dans les entreprises car il est aujourd'hui dans l'unique main des actionnaires. Or tous ceux qui participent à la création de richesses, les salariés compris, doivent avoir leur mot à dire quant à la manière dont on utilise les richesses crées par le travail. Il faut donc partager davantage le pouvoir sur les choix d'investissement, de production, et d'utilisation des richesses créées.  

Vous évoquez principalement la situation de personnes déjà salariées… Quelles sont vos propositions pour résorber le chômage actuel ?

Il y a un besoin de fortes impulsions économiques, et cela passe par la création de débouchés et de plans d'investissements massifs. D'ailleurs les besoins sont énormes : nous avons besoin de construire des centaines de milliers de logements, d'une politique ambitieuse de l'habitat pour la mise aux normes écologiques, et d'une nouvelle relance agricole. Il y a aussi une nécessité à équiper en haut débit le territoire.

Ces investissements, massifs, créeront de l'emploi. Mais pour cela il faut sortir des logiques d'austérité actuelles qui ont étouffé l'activité économique et qui sont en train de tuer l'investissement public local, notamment si l'on continue sur le rythme actuel de restriction des dotations aux collectivités territoriales.

D'autre part il faut aussi réduire le temps de travail. Nous vivons avec une logique aberrante : des millions de jeunes ne peuvent pas accéder au marché du travail. L'âge moyen d'accès à un CDI est de 30 ans. En parallèle, des millions de salariés sont poussés hors de l'entreprise après 50-55 ans alors même que l'on recule l'âge de départ à la retraite, et la partie de la population qui est au travail est soumise à des conditions de travail de plus en plus difficiles et une souffrance toujours plus grande.

L'explosion des possibilités de la révolution numérique devrait nous pousser à cette réduction grâce aux gains de productivités gagné, à rendre les conditions de travail meilleures.

Nous faisons donc la proposition de construire un nouvel âge de la Sécurité sociale que nous appelons la sécurité de l'emploi et de formation, un système qui permettrait de sécuriser les parcours de vie, professionnels et de formation, plutôt que de faire de la case chômage une case obligatoire. Il faut au contraire leur permettre d'évoluer entre l'emploi, la formation et des temps de vie disponibles pour renouveler des projets professionnels ou personnels, tout en sécurisant leurs revenus.

Nous pourrions utiliser l'argent gâché dans les aides publiques aux entreprises visant soi-disant à créer de l'emploi comme récemment avec le CICE -qui n'en a pas créé-, et celui dans l'indemnisation du chômage - utile par ailleurs pour protéger des salariés - et qui pourraient être utilisées dans des plans de formation pour l'emploi. Il faut donc faire preuve d'audace, tout comme ceux qui ont créé la Sécurité sociale ont pu le faire après la guerre. Il faut inventer un nouveau modèle de rapport au travail qui soit innovant du point de vue du rapport à l'emploi pour sortir la société du chômage. 

L'idée du partage de l'emploi pour résoudre le chômage est plus que controversée par les économistes… L'offre de travail se partage-t-elle vraiment dans un monde globalisé et concurrentiel ?

Le chômage est en soi une réduction du temps de travail ! La seule différence est qu'elle est imposée alors que l'on fait travailler toujours plus durement les autres. Nous nous pensons qu'il serait plus intelligent de penser autrement la répartition du travail dans la société et de financer un système de sécurisation de l'emploi. Si nous ne sortons pas du modèle actuel, avec le numérique, nous allons aller vers des sociétés de chômage et de précarisation grandissants où une part croissante de la société ne sera plus en mesure de vivre correctement. Cette société d'inégalité nous paraît être une impasse sociale, mais même au-delà une impasse pour créer des sociétés capables de vivre en paix, ensemble et en harmonie. Nous irons vers un monde toujours plus chaotique, de tensions et de divisions grandissantes.

Mais effectivement si la politique de réduction du temps de travail n'est pas accompagnée d'une politique de ré-allocation des richesses comme expliqué en début d'entretien, elle ne fonctionnera pas pour financer cette réduction du temps de travail, comme cela ne s'est pas fait avec les 35 heures, qui s'apparente plutôt à une désorganisation du temps de travail, avec des situations comme dans les hôpitaux où les salariés cumulent des RTT qu'ils ne peuvent pas prendre, et tout cela parce que l'on n'a pas voulu créer les emplois nécessaires à l'allègement du temps de travail de ceux passés aux 35 heures. Le système ne marche donc plus que sur une jambe.

Mais cela oblige bien sûr à comprimer les coûts, et nous pensons qu'il est préférable de comprimer les coûts du capital. Je rappelle que l'ensemble des charges financières et des intérêts bancaires supportés par les entreprises représente en France 300 milliards d'euros, soit deux fois plus que la totalité des cotisations sociales patronales payées par les entreprises. Le problème n'est donc pas le coût du travail, mais le coût de la finance. Ce sont ces coûts-là qu'il faut comprimer pour financer la réduction du temps de travail.

Seriez-vous plus favorable à l'idée, évoquée notamment par Mario Draghi et proposée à l'origine par l'économiste libéral Milton Friedman, de mettre en place une politique de "monnaie hélicoptère", consistant à distribuer l'argent créé directement à l'économie, sans passer par le système bancaire ?

La politique de quantitative easing (assouplissement monétaire ndlr), bien qu'elle n'arrête pas d'augmenter puisqu'elle vient de passer à 80 milliards d'euros par mois, ne marche pas parce qu'elle ne finance pas de projets de développement de l'emploi. Cet argent injecté s'évapore immédiatement dans l'organisation actuelle des circuits bancaires qui cherchent du profit financier au lieu de soutenir l'activité.

Ce qui est un problème actuellement dans la politique de la BCE, c'est donc effectivement la destination de ce qui est financé. Aujourd'hui nous vivons dans un système aberrant : la BCE prête à des banques à des taux zéro sur le dos des Etats et de l'économie réelle. Je pense que la BCE devrait plutôt re-financer des Etats pour qu'ils se chargent de financer le développement public et l'économie réelle à condition qu'il s'agisse de projets, publics et privés, utiles aux besoins. Il faut donc critériser différemment l'argent injecté dans la machine.

Nous proposons nous de créer un fond de développement social économique, écologique européen, adossé à la BCE, doté en liquidités par ces fonds pour qu'il puisse financer des projets, comme par exemple dans les infrastructures et le transport, la transition énergétique, ou la formation professionnelle au niveau européen.

Alors que de nombreuses études économiques ont pointé les dégâts causés par la mondialisation sous sa forme actuelle, notamment sur les classes populaires, considérez-vous que ce projet-même de mondialisation doit être inversé, ou celui-ci doit-il simplement être ajusté ?

La mondialisation des échanges et de la circulation des humains est un processus irréversible. D'autant qu'elle est inscrite dans la progression de la numérisation des échanges. Le problème est qu'aujourd'hui, cette mondialisation est dominée par des logiques capitalistes et financières qui poussent à creuser les inégalités, c'est ce que je tente de décrypter dans le livre.

Je crois qu'une autre mondialisation est possible, elle pourrait se donner l'objectif au niveau mondial du développement social partagé, de la réduction des inégalités, du développement de politiques publiques qui visent l'égalité d'accès aux services publics, à la protection des ressources de la planète et de la lutte contre le réchauffement climatique ; c'est-à-dire du soutien à des politiques publiques énergétiques concertées pour un autre modèle de développement.

Les richesses autant que les possibilités techniques du monde le permettent, mais il faut pour cela sortir de la logique actuelle. Les inégalités que je dénonce, le problème n'est pas seulement qu'elles soient importantes mais qu'elles sont exponentielles. Si l'on continue ainsi, nous allons vers des tensions, des conflits voire des guerres à la surface de la planète.

Plusieurs études montrent que le Parti communiste est particulièrement touché par la désaffection de ses électeurs au profit du Front national. Que souhaitez-vous leur dire, que proposez-vous pour répondre à leurs attentes et à leurs angoisses ?

Je crois qu'à tous ces électeurs, il faut rendre l'espoir d'une société où l'égalité et le développement social partagé sera le moteur de son développement. Je pense qu'à cause des politiques inégalitaires qui se sont beaucoup amplifiées ces dernières années, avec des politiques de chômage, beaucoup de salariés, de jeunes, de paysans ont en effet perdu l'espoir d'une société de développement social partagé. Dans ces conditions, ces femmes et ces hommes se disent que si l'on ne peut pas faire le développement de tous, il faut protéger ceux qui doivent l'être. Et l'on trouve facilement chez ses voisins, proches, où chez ceux qui se trouvent au-delà des frontières, ceux qui pourraient peut-être passer après les autres. C'est vrai que ces idées ont progressé, et je crois qu'il faut mener un travail de reconquête des consciences car je suis convaincu que ces idées sont une impasse.

Plus nous accepterons le développement des inégalités, du fait que certains peuvent rester au bord du chemin, plus nous irons vers des inégalités grandissantes et insupportables, et nous seront tous touchés. Je pense qu'il faut retrouver confiance dans la possibilité de construire du développement social partagé. Et Pour en convaincre, il faut montrer où sont les richesses, les mécanismes, les responsabilités qui soustraient au plus grand nombre les richesses très importantes qui existent. Si la conscience de ces mécanismes n'existe pas, l'incompréhension devant le monde actuel l'emporte sur la conscience des solutions. Il faut dire à ceux qui l'ont perdu que cette possibilité existe si nous nous y mettons tous car nous sommes une très grande force collective, 99%. Et c'est parce que ceux qui détiennent le pouvoir nous divisent, nous fragmentent que nous ne sommes pas assez puissants pour imposer nos idées de partage. 

Dans une société décrite comme historiquement fracturée, ne risquez-vous pas de nourrir un peu plus les tensions ? Comment mettre en œuvre cette stratégie de reconquête des consciences en prenant en compte ce paramètre ?

Il ne s'agit pas justement de désigner tel ou tel bouc-émissaire. Lorsque les paysans disent que les géants de la grande distribution ont des marges trop importantes à leur détriment ainsi que de celui de leurs consommateurs, ils mettent le doigt sur le système que je dénonce.

Comment se fait-il que nous achetions des téléphones portables le prix que nous les achetons quand on connaît leur coût réel de production ? Comment expliquer que des géants mondiaux exploitent le travail de centaines de milliers travailleurs asiatiques pour nous faire payer à nous des sommes astronomiques ? Il faut reprendre le pouvoir et faire reculer ces logiques de prédation financière, et c'est possible à condition d'avoir le courage de s'attaquer à ces privilégiés.

Lorsque j'entends Pierre Gattaz expliquer qu'il ne faut pas confondre fraude fiscale et optimisation fiscale, je me dis que c'est là qu'est le problème.  Je suis contre les systèmes d'optimisation. En tant que salarié, je paye mes impôts sur mon salaire, et je ne comprends pas pourquoi les entreprises, elles, auraient le droit de multiplier les circuits d'optimisation fiscales. Je ne désigne pas de bouc émissaire, je dis qu'il faut désamorcer les logiques actuelles qui elles nourrissent les tensions grandissantes, au niveau national comme au niveau mondial. Ce qui provoque aujourd'hui les conflits et les guerres, et cela ira en grandissant si l'on n'agit pas, ce sont justement ces inégalités qui deviennent trop importantes, à fortiori dans une société mondialisée où tout le monde peut avoir accès à ce qui se passe ailleurs.

Si l'on ne peut pas développer de politique de développement social partagé pour l'Europe, l'Afrique, le Grand Moyen-Orient, il y aura toujours des millions de gens qui auront l'intention de vivre ailleurs pour vivre mieux. Nous ne pouvons pas laisser des milliards de gens dans la pauvreté et penser à l'heure de la mondialisation qu'ils ne se déplaceront pas pour améliorer leur vie. 

En 1981, Georges Marchais déclarait "En raison de la présence en France de près de 4 millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l'immigration pose aujourd'hui de graves problèmes. Il faut stopper l'immigration officielle et clandestine. Dans la crise actuelle, l'immigration constitue pour les patrons et les gouvernements un moyen d'aggraver le chômage, les bas salaires, les conditions de travail, la répression contre tous les travailleurs, aussi bien immigrés que Français." Dans le contexte actuel, structuré entre le chômage de masse en Europe et une forte crise migratoire, ces mots sont-ils à nouveau d'actualité pour le Parti communiste français ?

Ce discours est un discours de dénonciation de la mise en concurrence des travailleurs dans le monde. Il serait intéressant d'en faire lire l'intégralité…

Mais effectivement sur ce point nous avons changé de position. Je ne partage pas cette citation car je pense qu'aujourd'hui, dans un monde où la circulation des hommes va aller grandissant, la meilleure manière de combattre le dumping social organisé est de ne rien lâcher sur l'exigence de développement social partagé. Par exemple en Europe, je suis pour l'abrogation de la directive sur les travailleurs détachés qui permet à des entreprises d'embaucher des travailleurs de l'Est européens, 25% moins chers qu'un travailleur français. Cela devrait être interdit au nom d'un principe simple : à travail égal, salaire égal.

Les travailleurs d'Europe, de France et d'ailleurs ont un intérêt commun à lutter contre ce système-là. Je comprends les gens qui refusent les situations qui les mettent en concurrence avec des travailleurs moins chers qu'eux. Mais ce n'est pas propre aux travailleurs immigrés : regardez ce qu'il se passe entre les chauffeurs de taxi et d'Uber : c'est une forme de concurrence entre les travailleurs qui habitent pourtant les mêmes banlieues. Et qui les met en concurrence ? Des multinationales comme Uber qui utilisent les progrès de la technologie pour les mettre en concurrence, et faire remonter leurs profits vers les holdings (société visant notamment à regrouper les revenus d'un groupe et de ses filiales ndlr) de Uber. C'est ce système-là qu'il faut mettre en cause.

Georges Marchais mettait le doigt sur ce problème en 1981 en apportant une réponse qui me paraît dépassée car je ne pense pas que nous puissions aujourd'hui fermer les frontières. La bonne manière de réguler la circulation, à l'heure de la mondialisation, est de lutter contre les inégalités du monde. Pour le moment il y a trop de richesses à certains endroits et pas assez ailleurs. La France doit agir pour changer la mondialisation et construire un monde social différent. 

Le système électoral français empêche le Parti communiste de peser dans une élection présidentielle sans alliance. S'il n'y avait pas de primaire, une alliance, soit avec François Hollande, soit avec Jean-Luc Mélenchon, ne serait-elle pas bénéfique pour vous ? Et quel serait votre choix de ralliement ?

Je ne pense pas que nous soyons aussi faibles que vous le laissez entendre. Nous faisons partie des quelques partis politiques qui peuvent compter sur une représentation parlementaire dans les deux chambres. Et nous faisons partie des forces politiques qui maintiennent une existence et un ancrage populaire importants.

Pour la présidentielle, et compte tenu du caractère extrêmement personnalisé de cette élection et de la menace du Front national, nous pensons qu'il faut construire une candidature de gauche avec le socle le plus large possible. Pour nous il est exclu de le faire pour se trouver en position de soutien de François Hollande ou de tout autre qui porterait la même politique car celle-ci vient précisément d'échouer. Et celle-ci a tourné le dos aux personnes de gauche.

Or il est nécessaire aujourd'hui de les rassembler. Parmi ces forces il y en a chez les socialistes, les écologistes et évidemment au Front de gauche. Il ne sera pas facile de construire un processus commun avec un projet partagé, plusieurs obstacles sont mis sur cette route car certains socialistes qui ne soutiennent pourtant pas François Hollande hésitent encore à rentrer dans ce processus. Jean-Luc Mélenchon, lui, a déclaré une candidature en solitaire alors que nous pensons qu'il devrait revenir dans ce processus collectif. Nous allons donc continuer dans cette démarche de primaire citoyenne pour rassembler l'ensemble de ces forces.

Dans les sondages, la grande majorité des électeurs de gauche voudraient un processus commun, et en même temps ils disent ne pas vouloir de la candidature de François Hollande. C'est exactement notre état d'esprit. Il faut une grande et belle candidature de gauche, et celle-ci ne peut pas être incarnée par François Hollande ou un représentant de la même politique.

Propos recueillis par Alexis Franco

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !