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Quel avenir pour une femme 
à Kaboul ?
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Prof en Afghanistan

Dans un livre témoignage, Philippe Richetto raconte une année de travail en tant que professeur de français à Kaboul et décrit objectivement le triste quotidien d'une population prise en otage par un conflit sans fin (Extraits 1/2).

Philippe Richetto

Philippe Richetto

Philippe Richetto est écrivain.

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Ma première confrontation avec une classe fut un cours de didactique destiné aux élèves de troisième année. Dans la salle, à ma grande surprise, il y avait autant de filles que de garçons. Mais les filles, les cheveux voilés, s’étaient toutes regroupées d’un côté et les garçons, habillés à l’occidentale, de l’autre, comme s’il s’agissait de deux classes différentes ! Il n’y avait pas de table mais des chaises équipées d’une tablette pliable fixée à droite sur l’accoudoir (tant pis pour les gauchers !).

Je leur demandai tout de suite de former avec leur chaise un grand U ouvert devant le tableau afin d’avoir une vue d’ensemble. Pédagogiquement, cette disposition permettait de mettre chaque étudiant au même rang devant « la scène » de cours, mais, également, à l’enseignant d’avoir un regard circulaire sur toute la classe. Cela évitait aussi à certains élèves, confortablement planqués derrière l’épaule bienveillante de leur voisin de devant, de se laisser tenter par ces inévitables petites siestes de fin de matinée ou d’après déjeuner ! Je les invitai également à se mélanger. Échec, je me retrouvai avec un magnifique U, mais les garçons s’étaient alignés sur ma droite et les filles sur ma gauche, formant ainsi deux beaux L dont les deux extrémités des pieds se rejoignaient juste en face de moi, avec une distance respectable séparant toujours les deux sexes. Malgré la mixité de la classe, je sentais une barrière des sexes très présente, ce qui ne me surprenait guère. En effet, dans la ville, j’avais pu découvrir une culture où la plupart des femmes portait une burka qui les cachait aux regards de la tête aux pieds, où tous les emplois de commerces ou de services étaient exclusivement masculins et où même les restaurants étaient prévus pour ne pas mélanger les deux sexes.

Paradoxalement, les seules Afghanes salariées que j’avais pu côtoyer travaillaient dans les Ministères, dans l’enseignement ou dans les ONG. Il y avait même dans une de mes classes une jeune doctoresse, toute timide, qui désirait apprendre le français pour se recycler dans l’éducation car elle ne trouvait aucun emploi dans sa formation malgré les grands besoins du pays. Toutes ces obligations culturelles perturbaient fortement les manières de se comporter de tout un chacun telles qu’on pouvait les imaginer dans une société occidentale. Ma classe avait peut-être constitué, pour les étudiants, leur premier face à face hommes-femmes, étranger à la famille. Cette volte-face brutale à la Tradition avait des effets secondaires perturbants pour le bon déroulement de mon cours.

En effet, devant une telle parité, les esprits s’évadaient et les commentaires à voix basse s’animaient. Je fus alors sans arrêt contraint de les rappeler à l’ordre et au sujet de la leçon. Cette expérience n’était pas de tout repos pour moi, car elle m’obligeait à des rappels à l’ordre constants pour maintenir un minimum de discipline, mais ne pouvait que s’avérer positive pour eux car l’année serait aussi l’apprentissage d’une activité sociale ou professionnelle dans la mixité.

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Extraits deUn an en Afghanistan ou les Tribulations d'un Prof de Français a Kabou, L'Harmattan (26 décembre 2011)

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