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Présidentielle 2017, l’embarras des mauvais choix : que se passe-t-il quand on ne va plus voter pour le meilleur, mais seulement contre (ou pour) le pire ?
©Reuters

Effet Sarandon

Impopulaire mais fascinant, attractif et répulsif, Donald Trump attire les foules aux Etats-Unis. Alors que la prochaine présidentielle outre-Atlantique pourrait bien se décider "contre" et non pas "pour" un candidat, ce constat pourrait également s'inviter dans le débat français de 2017.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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  1. Atlantico : Aux Etats-Unis, Donald Trump est le candidat le plus impopulaire jamais présenté par un parti, mais il a également provoqué une très forte mobilisation à la primaire des Républicains, et un regain d'intérêt pour la politique de la part de nombreux Américains qui s'en étaient détournés. Comment expliquer ce paradoxe ?

Jean Petaux : Une candidature comme celle de Donald Trump parce qu’elle est éminemment atypique et qu’elle apparaît profondément "hors système"  (alors que lui-même est totalement un insider représentatif d’une partie du mythe américain) est forcément une candidature qui attire, aussi bien positivement que négative. Autrement dit, qui "mobilise" dans un sens ou dans un autre. C’est toute l’ambiguité de la dimension spectaculaire de la "politique sur scène" ou "mise en scène". Donald Trump est un bouffon à tendance délirante, il dit tout haut (et surtout très fort) ce que nombre d’Américains ont envie d’entendre ou, s’ils ne partagent pas le fond de sa pensée, trouvent au moins très amusant qu’un empêcheur de tourner en rond dans le politiquement correct, balance des tartines de confiture pendant le repas des professionnels washingtoniens de la politique et renverse son assiette de soupe sur la belle nappe blanche comme "la Maison" qu’a occupé en tant que First Lady une certaine Hillary Clinton ou un certain Jeb Bush en sa qualité de fils et de frère de président des Etats-Unis d’Amérique. Car c’est bien cela que représente Trump finalement : une sorte d’anarcho-libertaire de droite, qui se propose tout simplement de "renverser la table" des pratiques politiques quasi-immémoriales dans l’establishment étatsunien.

Une célèbre actrice, Susan Sarandon, ouvertement affichée à gauche et fervente supportrice de Bernie, Sanders vient récemment de faire une déclaration qui peut apparaitre surprenante. Répondant à la question insistante d’un journaliste de télévision, l’actrice fétiche de Ridley Scott dans Thelma et Louise, à la filmographie impressionnante depuis 1970, est l’archétype de la New-Yorkaise "libérale" (ce qui signifie aux USA très marquée et engagée à gauche), tendance grande bourgeoise distribuant des certificats de vertu de" gauche authentique" (ou les retirant aussi d’ailleurs… telle une maîtresse d’école sévère). Alors que le journaliste lui demande pour qui elle voterait (elle soutient à 200% la candidature du démocrate "socialiste" Bernie Sanders dans la primaire démocrate contre Hillary Clinton) dans l’hypothèse d’un duel final Trump-Clinton, Madame Sarandon prend un air faussement troublé et dit : "Je ne sais pas encore". Le journaliste joue (à son tour) le grand étonnement et dit : "Je n’arrive pas à croire que vous Susan Sarandon, vous puissiez imaginer voter pour Donald Trump...". Et la réponse de l’actrice est révélatrice : "Vous savez, beaucoup de gens pensent que s’il est élu Donald Trump provoquera une révolution immédiatement, que beaucoup de choses changeront…".

En visionnant à plusieurs reprises l’entretien de Susan Sarandon, on constate la grande confusion qui règne aussi "à gauche" aux Etats-Unis. Confusion politique qui trouve une réification sans détour dans la confusion mentale d’une Susan Sarandon incapable d’expliquer son "non-choix"… Hillary Clinton est identifiée par Susan Sarandon comme totalement "tenue" par les grands groupes, les lobbies, les "super-pacs" (ces organisations de contributeurs financiers qui peuvent aider tel ou tel candidat de manière illimitée). Donc une femme de gauche (autoproclamée) comme Susan Sarandon dit clairement qu’elle a du mal à choisir entre Hillary Clinton (la "démocrate pervertie" en somme) et Donald Trump qu’elle exècre pourtant et qu’elle a même traité "d’oncle alcoolique"…

Le "cas Sarandon", au-delà de la spécificité américaine (et même hollywoodienne) n’est pas propre à la future présidentielle de novembre 2016… On le retrouve aussi en France, pour les primaires à droite les 20 et 27 novembre prochains et pour la présidentielle en avril-mai 2017. Ce qui est en cause ici est la question du ressort du vote. Quand on vote, est-ce que l’on adhère ou est-ce que l’on rejette ? Le vote ne se résumerait-t-il pas finalement à un acte négatif où le choix se porterait vers ce que l’on déteste le moins ? Susan Sarandon, d’évidence, juge sévèrement Hillary Clinton et déteste Donald Trump, mais entre ces deux maux elle se demande si, finalement, l’élection de Donald Trump n’aurait pas des effets déstabilisateurs du système. Système qu’elle estime elle aussi condamné à plus ou moins court terme. Trump (malgré son délire) devient une sorte d’allié objectif de Madame Sarandon…

  1. Doit-on s'attendre à ce que la présidentielle française de 2017 consiste elle aussi à voter pour ou contre l'avènement du "pire" (Hollande, Sarkozy, Marine Le Pen, selon l'idée que chacun s'en fait...), davantage que pour un candidat qui serait vu comme "le meilleur" ? Le nouveau clivage ne risque-t-il pas, chez nous aussi, d'opposer les partisans d'une accélération de l'effondrement du système aux partisans de son maintien à tout prix ?

Jérôme Fourquet : Le vote "contre" a toujours existé dans la vie politique, mais on peut effectivement penser, en regardant un certain nombre de sondages, que la dimension "contre", "par défaut", sera plus importante en 2017. Ce serait une traduction du désaveu des politiques et de la défiance généralisée de l'opinion. Ce vote "contre" prendra d'autant plus d'ampleur en 2017 pour deux raisons.

D'une part, le Front national risque de faire un score très élevé, et une partie de ses électeurs votent FN "contre" les autres.A contrario, un FN très élevé suscite aussi une mobilisation contre cette dynamique (nous l'avons vu très clairement lors des dernières élections régionales). Cela peut se reproduire une nouvelle fois : soit au second tour si le FN et Marine Le Pen y sont présents, notamment s'il y a un duel LR-FN puisque l'électorat de gauche votera massivement "contre" le FN comme ils l'ont fait en PACA et en Nord-Pas de Calais-Picardie ; soit dès le premier tour avec le fameux vote utile pour essayer de bloquer ce scénario du pire.

D'autre part, l'affiche électorale risque vraisemblablement de ressembler à celle de 2012. C'est déjà le cas pour toutes les petites formations politiques et pour le Front national. Il y a encore une vraie incertitude sur les deux plus grosses formations, Les Républicains et le Parti socialiste. On ne prendra pas les paris aujourd'hui, il serait hasardeux de dire que c'est Nicolas Sarkozy qui va sortir du chapeau de la primaire, mais cela reste une hypothèse. Même si François Hollande est aujourd'hui très affaibli personnellement au niveau de sa popularité, on ne voit pas bien aujourd'hui quelle pourrait être l'alternative au PS ou sur sa gauche. Or, de nombreux sondages ont montré que les Français ne voulaient absolument pas d'un remake de 2012. Ce facteur peut aussi générer un vote "contre", de façon à sortir les sortants ou ceux que les Français estiment avoir déjà trop vus.

Toutefois, si l'affiche est rigoureusement est identique et que l'on ne veut pas revoter pour eux, le "contre" peut aussi être l'abstention...

Jean Petaux : Votre question transpose parfaitement la situation américaine et le "cas Sarandon" que je viens d’évoquer à la situation et au contexte franco-français. Ce rapprochement et la configuration que vous évoquez sont significatifs, l’un et l’autre, d’un affaiblissement considérable du niveau de conscience politique… Il révèle ce qu’à l’occasion d’une autre situation le grand Stefan Zweig a nommé "la confusion des sentiments". C’est bien parce que la société civile française est de plus en plus inculte politiquement parlant, de plus en plus ignorante de l’histoire politique contemporaine que le clivage que vous évoquez peut s’opérer. Le choix de tel ou tel candidat ne répondrait pas de critères "objectivables" (quels choix politiques en matière d’éducation, de santé, de défense et de sécurité, de politique économique ou étrangère…) mais relèverait bien plutôt du refus de tel ou tel autre candidat. Dès lors, les propositions importent peu, ce qui compte c’est essentiellement de "sortir les sortants". Ce slogan, la France l’a connu et l’a entendu, c’était en 1956 et c’était le slogan des poujadistes alignés derrière la figure de leur leader populiste Pierre Poujade (dont Jean-Marie Le Pen fut le plus jeune député élu au Palais-Bourbon à l’âge de 28 ans). C’est un slogan qui n’a aucun contenu programmatique, son alpha et son oméga sont concentrés en une même "unité acte" : renverser le système. En ce sens, toutes les alliances opportunistes peuvent ainsi se nouer. La coalition des "antis" devient majoritaire, sans, aucunement, que ceux-ci soient d’accord sur le contenu alternatif proposé puisqu’ils n’ont besoin de l’être que sur un seul élément : "retourner la table"…

Quel rôle jouera l'abstention selon vous dans cette élection ? Qui sont les électeurs les plus susceptibles de ne pas se déplacer le jour J ? Quel candidat pourrait en profiter le plus, ou le moins ?

Jérôme Fourquet : C'est difficile à déterminer car il y a d'abord une partie structurelle dans l'abstention (les jeunes, les catégories populaires, etc.), même si nous avons la chance en France que l'élection présidentielle au suffrage universel direct mobilise encore, quoi qu'on en dise, les Français : 80%, c'est un taux de participation que beaucoup de pays nous envieraient. Les 20% restants se recrutent un peu partout.

Ensuite, l'abstention varie également en fonction du contexte politique et de l'offre à un moment donné. C'est pourquoi il est difficile de répondre à la question puisqu'on ne connaît pas tout à fait toutes les données du problème. Toutefois, on peut d'ores et déjà penser en observant les scrutins intermédiaires que parallèlement à ce qu'il s'est passé en 2012, nous aurons un camp présidentiel affaibli par une insatisfaction, une déception, un mécontentement voire même une colère d'une partie de son électorat, au vu du bilan des cinq années de gouvernement. Les enquêtes montrent, y compris chez les électeurs de gauche, que ce quinquennat est jugé soit insatisfaisant, soit décevant, soit même révoltant (cf. les mobilisations contre la loi El Khomri et contre la déchéance de nationalité).

On peut donc s'attendre à une abstention mécaniquement plus forte dans les rangs de l'actuelle majorité et de ses électorats périphériques (écologistes, Front de Gauche). Ce serait dans la logique des choses : la situation s'est présentée pour la droite en 2012, et on se souvient également qu'en 2002, avec un bilan gouvernemental sans doute meilleur, Lionel Jospin avait souffert de la dispersion des voix – cela avait été beaucoup commenté – mais également d'une participation plus faible. A l'époque, la déception ne s'était toutefois pas transformée en colère froide. Quand vous voyez le succès de la pétition contre le projet El Khomri, quand vous entendez la véhémence d'un certain nombre de grandes voix de gauche à un an de la présidentielle, on ne voit pas bien comment cet électorat peut mettre tous ses sentiments au fond de sa poche et aller voter pour François Hollande dans la joie et la bonne humeur au premier tour de la présidentielle.

Il peut aussi y avoir une abstention dans les rangs de la droite. Cela dépendra en partie du profil du candidat qui sera désigné vainqueur de la primaire et de la façon dont cette primaire se sera déroulée. Serons-nous dans le pugilat absolu avec des coups bas sanglants qui s'échangent, ce qui engendrera un affaiblissement du candidat désigné ? Il y a là aussi des fractures qui semblent irréparables dans un laps de temps de quelques mois. Pour exister et se différencier, chacun va pousser ses spécificités durant cette primaire, du coup les différences entre chacun seront bien soulignées. Les membres du noyau dur du candidat principal qui sera battu, par exemple Nicolas Sarkozy, pourraient se dire qu'ils ne peuvent décemment pas soutenir l'autre candidat car il a été notre adversaire pendant des mois. La logique inverse est également valable : au cas où la primaire se gagne très à droite et que Nicolas Sarkozy soit vainqueur, les juppéistes modérés pourraient eux aussi faire défaut.

Malgré tout, il y aura à droite un puissant aiguillon : la perspective de l'alternance. Les électeurs pourront se dire que même si le candidat désigné n'est pas leur préféré, il fait partie de la famille. De plus, la menace du Front national à droite est de nature à mobiliser l'électorat LR, pour éviter que sur un coup de poker ou un malentendu, ce soit la gauche qui reparte pour un tour.

Y a-t-il un candidat qui, comme Donald Trump, pourrait "ramener" à la politique des abstentionnistes ?

Jean Petaux : Cette idée de "ramener à la politique des abstentionnistes" est généreuse et pétrie d’humanisme. La gauche bien-pensante a tendance à l’évoquer avec des trémolos dans la voix en souvenir d’un pseudo âge d’or où  le peuple votait (et surtout "votait bien" de son point de vue, autrement dit "à gauche")… Outre que cela n’a pas grand sens au regard de la réalité historique depuis 1945 par exemple (on ne fera pas l’injure à certains "purs esprits" de la gauche intellectuelle, "zélotes engagés", de remonter plus en amont encore au début du XXème siècle), cette posture "civique" est une pure sottise. Ramener à la chose électorale des ignares et des incultes, non formés politiquement, c’est tout simplement se tirer une balle dans le pied. Les militants de gauche qui s’imaginent faire œuvre de "salut public" en tirant les sonnettes des cages d’escalier pour inviter les gens à aller voter dimanche devraient s’interroger sur les effets réels de leur pratique. La réalité, c’est qu’ils "réveillent" des adversaires potentiels : des électeurs qui découvrent qu’une élection existe et qui sont trop heureux d’aller voter contre ceux qui gouvernent.

Il existe une autre opportunité pour "ramener à la politique" des électeurs potentiels : la présence dans la compétition, à un moment ou à un autre, d’une sorte de "mouche du coche", d’un "guignol" qui fait le spectacle, qui séduit par sa gouaille, son humour, son sens du show et qui, surtout, "taille des croupières" dans tous les sens et à tous les niveaux. Ce fut, un temps, le rôle que joua Coluche avec sa pseudo-candidature à la présidentielle à partir du 30 octobre 1980. Le coup va s’arrêter en mars 1981 mais les intentions de vote en faveur de Coluche auront atteint le chiffre de 16%, même si la question posée lors de ce sondage au résultat spectaculaire était plus que biaisée... Toujours est-il que des intellectuels célèbres, grandes figures de la gauche "authentique", comme Pierre Bourdieu, Gilles Deleuze, Félix Guattari, soutiennent le comique. Le Nouvel Obs (organe officiel de la gauche non-communiste) lui consacre sa Une. Lui-même au fil des semaines commence à la "jouer sérieuse" et devient donc très ennuyeux, pour ne pas dire plutôt pitoyable. Le discours de Coluche est totalement teinté de populisme. Ses slogans sont : "Un  pour tous, tous pourris" ou encore "Voter pour moi, c’est voter contre la politique". Incontestablement, une fraction traditionnellement abstentionniste va se prendre au jeu d’écouter d’abord, de rire ensuite et de soutenir enfin, cet "anar" ni de droite ni de gauche, qui est un "fou du roi" sympathique.

Les Italiens vont connaitre, 30 ans plus tard, un phénomène comparable à celui de Coluche avec Beppe Grillo, à la différence notoire qu’avec son mouvement Cinq étoiles (Cinque Stelle) les listes des candidats du comique provocateur italien vont faire un carton aux élections générales italiennes de février 2013 (plus de 23% des voix) et obtenir 17 parlementaires aux élections européennes de 2014. Le fond de commerce de Beppe Grillo est clair : écologisme et antipartisme.

Trump, d’une certaine façon, dans un genre différent, représente aussi ce type de "candidat-dérivant", qui fait slogan du refus de tout ce qui est pour et qui se déclare pour tout ce qui est contre.

Si les Français votent davantage contre un candidat que pour, qu'est-ce que cela nous dit de leur état de confiance envers le politique ? Le désir de renouveau de la classe politique, s'il n'est pas exaucé, représente-t-il une forme de danger pour une démocratie ?

Jean Petaux : Très clairement, cela nous dit que le degré de confiance envers le et la politique est asymptotique à zéro… Si le refus devient le ressort principal du vote, tout candidat qui sera élu sur cette base sera lui-même l’objet d’un refus probable qui ne tardera pas à se manifester. Les dirigeants des sociétés ayant connu des "moments révolutionnaires" qui ont pu se traduire dans l’histoire par des renversements de régime ont été constamment confrontées à ce dilemme fondateur : comment, consécutivement à la phase dite "d'agitation", revenir à une phase de calme sous peine d’être également renversé par le vent puissant de l’agitation révolutionnaire ? Pour répondre à cette question, ces mêmes dirigeants ont alors inventé "la propagande". C’est ainsi que le binôme agit’/prop’ s’est constitué. Les marxistes-léninistes ont parfaitement mis en œuvre ce couple à partir de 1917 jusqu’au "culte de la personnalité" cher à Staline à partir des années 1930…

Pour celle ou celui qui sera élu(e) en 2017 sur l’éventuel registre "sortez les sortants", "renversons l’ancien régime", "du passé faisons table rase", il sera impératif non pas forcément de rétablir le lien de confiance (vœux pieu…) brisé entre classe politique et citoyens, mais surtout de faire croire à la réalité du renouveau politique. C’est ce qu’a fait François Mitterrand après le 10 mai 1981 en multipliant les gestes symboliques d’une forme de renouveau politique : peine de mort abolie, cinquième semaine de congés payés, 39 heures payées 40, désarmement des avions de chasse au Salon du Bourget en juin 1981, etc. Jusqu’à ce que la réalité le rattrape, que s’amorce le tournant de la rigueur en 1983 et que disparaisse à tout jamais le "socialisme à la française" imaginé et défendu par ce même Mitterrand et ses apôtres pendant dix années, du congrès d’Epinay en juin 1971 à la présidentielle de mai 1981.

Dans les faits, après la présidentielle de 2017, l’histoire nous l’a suffisamment appris, le renouveau politique sera limité, symbolique et essentiellement mis en scène (ou mis en musique si l’on préfère). Dire cela, ce n’est pas rejoindre la cohorte des désabusés, c’est tout simplement faire preuve de mesure et de lucidité. C’est peut-être d’ailleurs le meilleur service à rendre à la démocratie, si tant est qu’elle soit menacée (ce qui reste à prouver au demeurant…).  Cesser de faire croire que le "grand soir" aura lieu après la victoire de tel ou tel. Cesser de laisser penser qu’il y aura "passage de la nuit à la lumière". Cesser tout simplement de confondre "renouveau" et "transformation" ou, pire encore, de croire que "renouveau" est forcément synonyme de "progrès"…

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