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Des Thomson TO7 à l'Ipad, une brève histoire du numérique à l'école (et pourquoi rien ne remplacera l'apprentissage des savoirs fondamentaux)
©Reuters

Bonnes feuilles

L’auteur analyse la manière dont la jeunesse a (sur-)investi les univers numériques, pour le meilleur et pour le pire. Il explique qu’une utilisation optimale des ressources culturelles de la Toile dépend en grande partie de l’environnement, mais aussi des " stratégies " mises en place par les adultes. Extrait de "Génération 3.0", de Pascal Lardellier aux éditions EMS 2/2

Pascal Lardellier

Pascal Lardellier

Pascal Lardellier est professeur à l'université de Bourgogne, spécialiste du couple et du célibat. Les Réseaux du coeur. Sexe, amour et séduction sur Internet (F. Bourin, 2013) est son dernier livre paru sur le sujet.

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Alors, demain quelle école pour quelle société ?

Si l’on prend un peu de hauteur, ce qui est perceptible, c’est que le numérique se combine aux mutations plus générales des sociétés contemporaines à partir des années 1970-1980 : la multiplicité des accès aux savoirs bat en brèche la centralité de l’enseignement scolaire : " au fond, nous vivons une époque où l’autorité cherche à s’annuler elle-même, et la révolution numérique apparaît comme un moyen inespéré d’accomplir cette utopie ". Il est évident que c’est d’abord l’autorité morale de l’Education nationale qui se trouve affaiblie par la " révolution numérique ". De la même façon dont Internet et les réseaux sociaux ont laissé croire que n’importe quelle personne connectée à Internet pouvait être journaliste, on a vu petit à petit s’effriter l’autorité et la crédibilité des enseignants face aux énormes ressources pédagogiques et documentaires présentes sur le Net. Ceci s’inscrit d’ailleurs dans un mouvement plus large, ayant vu au fil des siècles une évolution des grands modèles culturels de référence. Ainsi, et pour aller vite, on peut dire qu’on est passé historiquement du modèle humaniste (quelques hommes savaient tout sur tout, Erasme en est l’exemple le plus frappant), à un modèle encyclopédique (un savant savait tout sur un sujet donné), lui-même rapidement supplanté par un modèle dit de la modernité (là, ils sont nombreux à savoir un peu sur chaque domaine) ; sachant qu’avec Internet et les médias, tout le monde entend et voit tout, et exprime un avis – pas forcément fondé, pas forcément avisé et quelquefois même partial et biaisé – sur tout. L’école, dans son évolution historique, et principalement dans les années 1970 et 1980, a, bien-sûr, pris en compte ces changements de fond, en s’ouvrant, en se libéralisant, en s’adaptant de son mieux aux mouvements d’envergure et aux tendances qui agitent en profondeur la société. Parallèlement à ces phénomènes, le système éducatif a rapidement été considéré comme l’élément le plus indispensable de la " société de la connaissance ", qui s’appuie sur une forte diffusion des informations et un processus d’agrégation des connaissances. Cette " société de la connaissance " – parfois appelée " société de l’information " tant les technologies de l’information y jouent un rôle fondamental – est celle qu’appellent de leurs voeux l’ensemble des pays industrialisés et développés dans le monde.

La " société de la connaissance " a pour principale conséquence d’encourager vivement une marchandisation de plus en plus galopante des systèmes éducatifs. Il n’y a qu’à voir le fol essor des sites Internet dédiés au soutien scolaire, à l’aide aux devoirs, au tutorat en ligne, etc. Or, ils se surajoutent à des institutions d’enseignement public et privé qui, du primaire au supérieur, reposent sur l’idée qu’un enseignement de qualité se monnaie forcément. " Ce nouveau libéralisme, précisément calqué sur le modèle d’Internet (réseaux, " employabilité ", " court-termisme " revendiqué, culte de la nouveauté) constitue le soubassement de la société numérique qui triomphe ".

Et c’est là que l’on perçoit le dilemme actuellement vécu par l’école républicaine : de plus en plus, les élèves ne sont plus jugés sur leurs connaissances mais sur leur savoir-faire. L’idée est d’aider les jeunes à se débrouiller demain sur le marché du travail. On évalue leur esprit d’initiative, leur capacité à prendre la parole en public. Mais il y a le corpus de valeurs et de connaissances dont se prévaut notre école, et qui ne peut pas passer entièrement par pertes et profits. La maîtrise des outils numériques est une compétence supplémentaire qui s’ajoute à la lecture, l’écriture et le calcul et à la culture générale.

On peut gloser longtemps sur les vices et vertus comparés d'Internet et de ses effets/méfaits sur une "culture traditionnelle " (qu'il ne faut pas trop rêver "pure"» sauf à se fourvoyer). La "culture sur Internet " globalement est le prolongement.technologiquement amplifié de ce que sont les " industries culturelles " depuis des décennies. Et le premier des bienfaits de celà est déjà la mise à la disposition du plus grand nombre de contenus culturels diversifiés.

En effet, les nouvelles technologies supposent de renforcer certains aspects de l’institution scolaire. Ainsi en va-t-il de la formation des enseignants, qui doit être d’autant plus solide que les TICE modifient en profondeur leur travail. Et ils doivent s’auto-former en permanence pour maîtriser les nouveautés technologiques au moins aussi bien que leurs élèves (ce qui leur est difficile !). Parlant formation, certains de mes lecteurs se souviendront des heures à essayer de maîtriser (ou d’expliquer à leurs élèves… ou leurs enseignants comment fonctionnaient !) les TO7 et MO5 de Thomson, ou des cours de Basic et autre Logo… De plus, le numérique ne transformera pas totalement l’école : les systèmes éducatifs sont enracinés dans des logiques institutionnelles, socio-économiques et culturelles qui sont cohérentes et ne disparaîtront pas de sitôt. 

Extrait de Génération 3.0 - Enfants et ados à l'ère des cultures numérisées, de Pascal Lardellier aux éditions EMSPour acheter ce livre cliquez ici

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