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Immobilier : comment le boom de la construction en Île-de-France pourrait (à terme) freiner les départs vers la France périphérique
©Reuters

Comme des champignons

Après des années d'atonie, le nombre de mises en chantier en 2015 a augmenté de 15,1% en Île de France par rapport à l'année précédente. Une hausse qui ne touche pas toutes les périphéries de Paris, mais qui laisse présager une sortie de la crise du logement dans cette zone particulièrement tendue.

Atlantico : Les chiffres sur la construction de logements neufs en Île de France en 2015 ont été en hausse de 15,1% par rapport à 2014. "Le cumul des ouvertures de chantier sur 12 mois s’approche du niveau maximum observé depuis 15 ans. [...] Si les estimations se confirment, 2015 enregistrerait un record d’ouvertures de chantier, dans la mesure où les années 2012 et 2013, les meilleures depuis 2000, n'avaient pas dépassé les 62.000 logements" a déclaré la Direction régionale et interdépartementale de l’Equipement et de l’Aménagement d’IDF. Peut-on considérer que c'est une bonne nouvelle, l’Île de France étant considéré comme l'une des zones les plus tendues du pays ?

Laurent Chalard : Ces chiffres peuvent effectivement être considérés comme une bonne nouvelle, dans le sens où l’Ile de France se caractérise depuis la crise immobilière du début des années 1990 par une sous-production de logements par rapport aux besoins. En effet, alors qu’elle est la région la plus peuplée du pays, certaines années, la construction de logements a été équivalente à celle de la région Bretagne, pourtant près de quatre fois moins peuplée ! Or, la région Ile de France connaît une croissance démographique certaine, qui justifierait un taux de construction sensiblement plus élevé. 

Deux principaux facteurs sont à l’origine de cette situation. 

Le premier est le refus de construire des logements qui ne soient pas de standing dans de nombreuses communes par crainte, non assumée, de l’arrivée de populations d’origine étrangère, la croissance démographique francilienne étant essentiellement le produit de ces dernières. Cette frilosité des édiles locaux, qu’ils justifient par l’argument passe partout de la protection de l’environnement, ne fait que refléter les souhaits de leur électorat. 

Le second facteur explicatif de la faiblesse de la construction est la sous-estimation de la croissance démographique francilienne dans les années 1990, du fait de la mauvaise qualité du recensement de 1999, qui a entraîné dans de nombreuses communes une sous-estimation des besoins en logement. En effet, les politiques communales du logement menées dans les années 2000 reposaient sur la prolongation des tendances démographiques erronées constatées entre 1990 et 1999, très peu de techniciens territoriaux n’osant remettre en cause les données de l’Insee. 

La situation immobilière de la région semble bloquée avec des ghettos de riches, des ghettos de pauvres... En quoi une accélération de la construction structurelle pourrait permettre de faire baisser les prix, et in fine atténuer ces barrières ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ?

Etant donné que les tensions considérables sur le marché du logement francilien sont la conséquence d’une offre très inférieure à la demande, logiquement, un rééquilibrage de l’offre et de la demande devrait permettre aux prix de l’immobilier de revenir à des niveaux plus raisonnables, en particulier dans les territoires où ils sont très élevés, facilitant l’arrivée de populations moins aisées dans certains quartiers privilégiés, sous réserve qu’ils proposent une offre en logements intermédiaires. 

Cependant, pour une réelle efficacité, il faudrait que la tendance s’inscrive sur le long terme et que la spéculation dans les quartiers riches soit moins importante qu’à l’heure actuelle, ce dont rien n’est moins sûr. En effet, seule une perte d’attractivité de la métropole parisienne vis-à-vis des investisseurs étrangers, voire des riches nationaux, pourrait conduire à une baisse de la spéculation, mais cela ne serait pas forcément bon signe pour le devenir de la métropole… Il ne faut donc pas s’attendre à des miracles, l’accélération de la construction de logements devrait principalement améliorer les conditions de logements des catégories intermédiaires et populaires, mais ne devrait guère conduire à un rééquilibrage social de la métropole.

Si une telle tendance venait à perdurer, permettant de durablement soutenir l'offre immobilière en Ile de France, et ainsi provoquer une baisse des prix, quels seraient les avantages pour la population ? Peut-on envisager une décélération des départs de l'Île de France vers les zones de la France périphérique ?

La population francilienne pourrait tirer deux principaux avantages de la diminution des prix du logement. Le premier serait une baisse de la part consacrée au logement dans le budget des ménages, conduisant mécaniquement à une amélioration de leur niveau de vie et à une réduction de leur endettement, qui pèse sur la consommation. Le second avantage serait l’amélioration de la qualité des logements et une réduction du surpeuplement, en gardant en tête que le mal-logement touche un nombre non négligeable de personnes en Ile de France, puisque beaucoup plus de personnes résideraient dans des logements neufs et que la décohabitation des jeunes serait facilitée.

Ces deux éléments pourraient effectivement permettre de réduire le déficit migratoire considérable de l’Ile de France avec le reste du territoire, que ce soit avec les autres grandes métropoles jugées plus attractives du fait d’une meilleure qualité de vie, ou avec des territoires de la France Périphérique pour les classes moyennes basses. En effet, le processus de dualisation socio-économique actuelle de la région conduit à un amenuisement des catégories sociales intermédiaires, qui, s’il était poussé à son paroxysme, pourrait conduire à des tensions sociales considérables dans une métropole coupée en deux, entre d’un côté de riches cadres globalisés principalement d’ascendance européenne et de l’autre, des pauvres issus de l’immigration extra-européenne accomplissant les basses taches de la métropole. Le principal enjeu de l’Ile de France est donc de maintenir dans la métropole des catégories sociales intermédiaires, ce qui passe par la construction massive de logements leur étant destinés, c’est-à-dire des logements intermédiaires.

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