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Brexit, épisode 2 : le pire n’est toujours pas certain
©Reuters

Rien n'est joué

Alors que la date du référendum sur le Brexit approche, personne ne sait encore qui du "oui" ou du "non" a le plus de chance de l'emporter. Par médias interposés, eurosceptiques et européistes avancent leurs arguments.

Pierre Haas

Pierre Haas

Pierre Haas, après avoir servi comme officier dans les Forces françaises libres du Général de Gaulle, a fait carrière de 1950 à 1965 comme directeur général de Continental Grain France, puis à partir de 1963 à la Banque Paribas comme directeur des affaires financières internationales, puis président de Paribas International.

Il a été membre de nombreux conseils d’administration parmi lesquels on citera : Schneider S.A., Newmont Gold à Denver, Power Corporation du Canada et Power Financial.

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Un premier épisode a décrit comment le ministre de la Justice, Michael Gove, en rejetant les concessions négociées à Bruxelles par le Premier ministre, David Cameron, qui permettaient le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne (UE) avait déstabilisé le chef du gouvernement, ouvert un schisme au sein du Parti conservateur et créé une dissension durable dans la majorité au pouvoir.

Le timing de cet incident, probablement sans précédent dans l’histoire parlementaire britannique, est d’autant plus fâcheux que les Anglais devront faire connaitre leur choix dans à peine plus de trois mois le 23 juin prochain.

L’euroscepticisme latent, déjà renforcé par cette fronde, a depuis reçu l’appui involontaire d’une source inattendue.

Un quotidien londonien a fait état d’une indiscrétion selon laquelle, la Reine, dont la neutralité politique est, constitutionnellement la règle, aurait fait connaitre sa préférence pour un Royaume-Uni libre de toutes interférences extérieures. Le démenti indigné du Palais n’y a rien changé, la rumeur transformée en vérité subsistera.

Dans ces conditions, la campagne s’ouvre, outre-Manche, dans un climat de confusion où l’émotion dispute sa place au rationnel.

Le paradoxe veut que cette agitation soit complètement ignorée de ce côté de la Manche. Le sentiment général en France, quand il y en a un, étant de considérer les Anglais comme des troubles fêtes cherchant à créer le désordre sur le continent, comme si leur décision finale n’allait avoir aucun impact sur notre avenir politique et économique.

Une opinion, traduisant cette indifférence, a d’ailleurs été exprimée dans le Cahier du 25 Février dernier du Point. Jean-Louis Bourlanges, dans des termes inutilement hostiles, manifeste une incompréhension des tréfonds de l’âme britannique, qui se déploie, on le sait, sous le signe d’un tropisme d’insularité, décrit par André Siegfried, mon éminent professeur de Géographie aux Sciences-Po en 1938, comme "exprimant profondément la revendication d’indépendance […] de chaque Anglais" (Citation tirée du Petit Robert).

Aussi, quand M. Bourlanges affirme que l’attitude des Anglais traduit "une europhobie hystérisée", il oublie que c’est la mise en œuvre, en juin 1940, de ce tropisme, à travers le courage et l’esprit de sacrifice des centaines de pilotes de Spitfire qui ont préféré la mort à la servitude pour gagner la bataille d’Angleterre qui nous permet de vivre en femmes et hommes libres.

Le désarroi régnant chez nos amis et alliés coïncidant avec une indifférence, qu’il faut espérer momentanée, des 27 membres continentaux tient, principalement, aux différences existant dans l’exercice du pouvoir des deux côtés de la Manche.

Sur le continent, à l’exception de l’Allemagne fédérale, la démocratie a le plus souvent une forme relativement centralisée où le Parlement n’agit pas comme un censeur permanent du gouvernement, alors qu’en Grande-Bretagne, les Communes sont le lieu où les lois se font, se modifient, se défont. Or, l’exercice de ce droit est menacé puisque les députés anglais se voient obliger d’accepter tels quels les textes émanant de Bruxelles.

Ce phénomène donne une dimension spécifique à la grogne dans les îles britanniques qui, sur le fond, comme chez les 27, est engendrée par l’ignorance des cultures et traditions nationales telles qu’elles s’expriment dans les règlements de Bruxelles.

Ce constat soulève une question de caractère existentiel. Pourquoi les Anglais ont-ils attendu 43 ans pour formuler cette objection ? Bien-sûr, ils peuvent alléguer que le monde a changé et qu’en devenant plus dangereux, le lien entre souveraineté et liberté a gagné en importance.

Il demeure que le niveau de l’activité économique, plus élevé en Angleterre qu’en France et en Allemagne, prouve une insertion dans l’écosystème mondialisé mieux achevée. Résultat n’ayant été obtenu que grâce à des abandons de souveraineté de nature économique et politique, qui, il est vrai, ne représentent pas une entorse trop visible aux droits des députés aux Communes. 

A cet égard, le choix par David Cameron d’une date aussi rapprochée pour le référendum que celle du 23 juin prochain est une sérieuse erreur. Erreur qui aurait été évitée si le Premier ministre avait suivi l’avis de deux hauts-fonctionnaires, conseillers de l’ombre, recommandant de reculer la consultation jusqu’en 2017. En habile négociateur, le Premier ministre aurait utilisé le temps gagné, pour ne pas se rendre à Bruxelles, où il aurait été demandeur, mais pour, au contraire, prendre l’attache de ses homologues français et allemands. A Paris ou à Berlin, il aurait démontré à ses interlocuteurs que la multiplicité et l’ampleur des problèmes assaillant l’UE imposait la recherche de solutions comportant l’octroi par Bruxelles, dans l’urgence, de concessions.

S’appuyant sur le constat qu’une action de cette nature, à 28, était condamnée à l’échec et qu’il n’existait pas dans la Communauté une instance adéquate, les trois grandes puissances, pour permettre à l’UE de demeurer en état de marche, n’avaient d’autre choix que d’agir de concert.

Survie qui, jusqu’à présent, a permis aux 28 membres de la Communauté de vivre en paix depuis 71 ans, phénomène sans précédent sur ce petit cap de l’Asie qu’est l’Europe, selon Paul Valéry.

Une politique économique et financière coordonnée de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne dotée d’un socle de 500 millions de consommateurs - même les nourrissons consomment - représentent un potentiel de puissance permettant une négociation entre égaux avec les Etats-Unis et la Chine.

Atout utile à un moment où il semble que quelque soit l’issue de l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, les thèses protectionnistes ont tellement progressé au cours de la campagne qu’il sera difficile au nouveau Congrès d’éviter que certaines d’entres-elles ne se traduisent pas des lois.

Cette approche avait pour nos amis d’outre-Manche le grand intérêt d’éviter une négociation sur le Brexit, tout en sachant malheureusement qu’il existe un sérieux obstacle s’opposant à cette manière d’agir, i.e. la perte de crédibilité de la France en Allemagne.

Perte de crédibilité qui est le résultat de quatre années de procrastination sur la mise en œuvre de réformes structurelles capables de relancer l’activité économique en France et par voie de conséquence, de contribuer à l’essor de celle de l’ensemble communautaire.

Le cafouillage récent sur la loi El-Khomri se serait également opposé au rétablissement de ce crédit.

Dans ces conditions, David Cameron ne peut compter ni sur la France ni sur l’Allemagne pour appuyer, d’une manière efficace, sa campagne en faveur du statu quo.

L’intérêt de l’Europe est pourtant d’éviter une sortie du Royaume-Uni qui, en ajoutant sa dynamique aux difficultés de toutes sortes la menaçant de dislocation, deviendrait difficile à contrer.

Paradoxalement le principal partisan du maintien du Royaume-Uni dans la Communauté est le Foreign Office. Pendant des siècles, la diplomatie britannique s’est employée à entretenir les divisions entre les puissances continentales pour éviter que l’une d’entre-elles n’occupe une position dominante. Aujourd’hui, le monde tripolaire USA, Europe, Chine, conduit cette diplomatie à vouloir maintenir la Communauté européenne en l’état. Une victoire lors du prochain référendum des partisans du statu quo est le seul moyen d’avoir l’espoir d’y parvenir.

Sur ce sujet capital, nous savons, par expérience, que pour les Anglais, un combat mal engagé n’est pas nécessairement perdu. Espérons-le.

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