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L’erreur fatale du général De Gaulle : avoir perdu de vue l’évolution des mœurs, au profit des démagogues progressistes et réactionnaires
©DR

Bonnes feuilles

Tous en appellent à la France. Certains prétendent sauver la Nation. D'autres la République. D'autres encore, la démocratie. D'où viennent ces oppositions ? Elles paralysent l’action et sont suicidaires. Comment réconcilier ces faux contraires ? Convoquant la philosophie, l'auteur révèle le patriotisme méconnu de Rousseau et de l’esprit des Lumières. Extrait de "Le retour du peuple - An I" de Vincent Coussedière, éditions du Cerf 1/2

Vincent Coussedière

Vincent Coussedière

Vincent Coussedière est agrégé de philosophie, collaborateur du Figaro et du Figaro Vox. Enseignant, élu local, il a été révélé au grand public avec son premier livre Eloge du populisme (2012). 

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Le précédent de Gaulle et son échec : les moeurs. Toute grande politique de refondation républicaine, c’est-à-dire de refondation du peuple français en Rrépublique, doit méditer à la fois la réussite de De Gaulle et son échec. La réussite de De Gaulle est d’avoir restauré la souveraineté du peuple français, et d’avoir gouverné en obtenant le consentement de ce même peuple. L’échec de De Gaulle, mais plus encore du gaullisme, c’est d’avoir laissé s’éroder cette légitimité en abandonnant les moeurs et l’opinion à elles-mêmes, abandon qui débouchera sur la revendication d’anarchie des moeurs de mai 1968, amplifiée par le développement du gauchisme dans les années 1970. Le gouvernement républicain de De Gaulle a échoué à conserver l’appui des moeurs et de l’opinion nationale qui l’avaient pourtant porté au pouvoir en 1944.

La présidence de De Gaulle fut magistrale mais elle pêcha en matière éducative au sens large, en matière de gouvernement des opinions et des moeurs. C’est l’évolution de l’éducation au sens large, c’est-à-dire de l’opinion et des moeurs, qui a perdu de Gaulle. A l’ombre de son oeuvre lumineuse sur les plans de la politique étrangère, du développement scientifique et économique, de la dignité et de la grandeur de la parole publique, se développait, sous l’influence du socialisme et du gauchisme, comme de la médiocrité d’un certain " gaullisme ", un processus de dissolution des moeurs. A travers la crise de l’éducation au sens de paideia, c’est-à-dire au sens de transmission et assimilation d’une forme nationale, au sens de " processus de civilisation ", se perdait toute base pour l’édification d’une " vertu républicaine ".

De Gaulle se reprochera de n’avoir pas vu venir mai 1968. C’est que l'oeil rivé sur les grands problèmes politiques, il avait perdu de vue l’évolution des moeurs, évolution dont Pompidou sera par la suite beaucoup plus conscient, mais qu’il demeurera impuissant à juguler. Encore y avait-il tardivement chez De Gaulle, et tragiquement chez Pompidou, la conscience aiguë que cette évolution des moeurs pourrait devenir contradictoire avec le maintien d’un régime républicain. Lorsqu’ils eurent conscience de ces problèmes, il était trop tard, les moeurs laissées à elles-mêmes, ou plutôt à leur " formation " par la " société du spectacle ", rendraient l’individu malléable et désemparé par rapport aux exigences d’une " société " se mondialisant sous domination américaine. Dans le même temps, l’individu devenait influençable, sensible aux discours des démagogues qui accompagnaient cette décomposition des moeurs pour mieux asseoir leur pouvoir personnel

Avec le recul, il est frappant de constater le rôle symétrique qu’eurent les deux démagogues, Mitterrand et Le Pen dans cette histoire. Le premier proposa une démagogie progressiste adaptée à l’évolution des moeurs. Le second proposa une démagogie réactionnaire accompagnant cette même évolution. Pour le premier, le slogan " changer la vie " ne servira qu’à réenchanter, tout en le masquant, un bouleversement effectif de toutes les conditions de la vie passée, afin de réconcilier définitivement les citoyens devenus individus avec l’ideé de la consommation et du progrès tel qu’il va. Jamais le slogan " laisser-passer laisser-faire " ne s’appliqua aussi systématiquement. Pour le second, il s’agira d’en appeler à la nostalgie de la grandeur et d’une identité perdues, en faisant passer un processus de décomposition des moeurs avant tout interne pour la conséquence d’une invasion extérieure. Ce faisant, Le Pen entérinait tout autant l’évolution des moeurs, les siennes d’ailleurs ressemblaient étrangement à celles d’un enfant de 68, et il ne proposait aucun contre-modèle pour les instituer autrement.

Le gaullisme, quant à lui, se révéla impuissant à juguler ce fossé grandissant entre les moeurs, absolutisant à la liberté de l’individu, et les institutions républicaines. Toute décision collective apparaissant comme allant à l’encontre de cela devenait impossible à prendre et à justifier. La dissolution des institutions suivrait bientôt : ce sera l’oeuvre de Mitterrand, puis de Chirac. La Vème République subsistera comme une coque constitutionnelle vide, privée du substrat de moeurs nationales capables de faire vivre les institutions voulues par De Gaulle.

Extrait de Le retour du peuple - An I de Vincent Coussedière, publié aux éditions du Cerf, mars 2016.  Pour acheter ce livre cliquez ici

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