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Les taxis et les VTC enterrent la hache de guerre, mais c'est le client qui les a obligés à signer la paix
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Atlantico Business

Sauf départ de feu accidentel, les taxis et les VTC ont baissé les armes. Et c'est le client qui les a contraints au cessez-le-feu.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Les taxis et les VTC viennent en six mois d'offrir un superbe cas d'école de conflit à peu près résolu sous la pression des clients et au bénéfice de ces mêmes clients.

La dernière manifestation a fait flop, faute de candidats. Grâce à l'intervention régulatrice de l'état, et surtout sous la pression des clients, les grandes entreprises de chauffeurs privés (VTC) et les compagnies de taxis ont de façon discrète mais très intelligente, sifflé la fin des hostilités.

Cette guerre était perdue pour tout le monde. La modernité d'un côté contre l'archaïsme de l'autre, dans la France d'aujourd'hui, ne débouchait pas sur une évolution positive. Il y aurait eu des morts.

Au début du XXe siècle, quand Louis Renault a voulu lancer dans Paris ses voitures automobiles, il a tout de suite essuyé la colère des cochers qui allaient perdre leur job. Louis Renault les a invités et leur a appris à conduire les engins à moteurs qui au demeurant étaient très simples à faire fonctionner.

Les cochers ont compris tout de suite que les taxis Renault étaient plus rapides, plus propres que les voitures à cheval, et surtout moins capricieux que les chevaux en fin de journée. Les taxis se sont imposés très rapidement au cœur de la capitale.

Depuis qu’Uber a lâché ses hordes de limousines noires aux vitres teintées dans Paris, on savait que la profession de taxis aurait du mal à s'en remettre.

Uber et les autres chauffeurs privés apportaient un service que les taxis n'avaient jamais songé à offrir à leurs clients. Une voiture propre et confortable, un chauffeur, propre aussi et surtout aimable, un système de paiement clair et fiable, et une tarification pas suspecte de petits arrangements.

De l'autre côté, les chauffeurs de taxis promenaient pour la plupart leur fatigue et leur désinvolture dans des voitures à peine propres. Quant au paiement, c'était souvent la loterie. Selon que vous étiez Parisien ou étranger, qu'on vous chargeait dans une gare ou au pied de votre immeuble, le prix variait, les cartes de paiement n'étaient acceptées qu'un jour sur deux et l'horodateur ne fonctionnait pas comme par hasard avec les clients chinois ou brésiliens.

Il ne fallait pas être grand clerc pour deviner quelle serait la formule gagnante. Les chauffeurs de taxis ont fait de la résistance en dénonçant les formules fiscales et administratives qui leur étaient imposées. Mais plutôt que de demander qu'ils en soient déchargés, ils réclamaient qu'on les applique aux VTC. En fait la majorité des taxis ne travaillait pas à la restauration de leur puissance d'antan, ils préféraient travailler à la mort de ces chevaliers de l'ubérisation triomphant. "Peu importe de mourir, l'essentiel étaient que les autres meurent aussi", tout cela pourquoi ? Pour protéger un pseudo privilège, un semblant de monopole et une barre de lingot d'or qui tenait lieu de plaque ou de licence.

Lassée de voir les grands axes de la capitale bloqués, l'administration a, pour une fois fait son métier.
D'abord, elle a coupé certaines facilités dont s'étaient emparés les VTC, mais n'a supprimé aucune des innovations commerciales, parfaitement consciente que les VTC avaient inventé une formule de transport innovante et créatrice d'emplois (10 000 en 18 mois ce n'est pas si mal)

Ensuite elle a calmé le jeu au niveau des risques de perte de valeur des plaques ou licences. Cette question se règlera au coup par coup, parce que la réalité de ce problème ne concerne que les plaques d'occasion. Jamais l'état n'a vendu des licences. L'état n'a commis qu'une seule erreur, il a organisé la rareté.
Résultat, il a créé un marché secondaire des autorisations de circuler, et c'est sur ce marché que les chauffeurs spéculaient.
Si l'offre devient plus abondante, les prix vont baisser. Quoi de plus normal. Comment espérer une société de progrès quand la richesse ne serait créée que par la pénurie.

Donc l'administration a fait son métier … mais celui qui a rendu possible la mutation, c'est le client, l'utilisateur. Lorsqu’Uber est arrivé, on n'a jamais obligé le parisien à abandonner le taxi pour emprunter le VTC. Il avait toutes les raisons de le faire. Le service était sécurisé, confortable et moins cher.

L'erreur des grandes compagnies de taxis est de ne pas avoir compris assez vite ce mécanisme de base de l'économie de marché. A savoir qu'en situation de concurrence, le client va vers le meilleur rapport qualité/prix.

L'intelligence des patrons de compagnies de taxis est d'avoir décidé de réagir non pas en se protégeant, mais en activant aussi les innovations clientes. La G7 par exemple a commencé à offrir dans ses voitures le meilleur de ce qu'on trouve chez un VTC.
La voiture est propre, le chauffeur aussi. La musique n'est pas imposée. La bouteille d'eau est disponible. Le chauffeur est poli. Il dit bonjour, charge la valise puis la décharge à l'arrivée.
Le traitement administratif de la course n'est pas encore aussi simplifié que chez Uber. Il faut sortir sa carte et bonheur, le lecteur de la carte fonctionne ce qui n'était pas le cas, il y a six mois.
Les tarifs ne sont pas forcément plus faibles mais ils sont transparents. On sait ce qu'on paie, à qui on paie et pourquoi on le paie.

Reste les applications mobiles pour appeler les voitures. Elles se mettent en place, avec la formation des chauffeurs correspondante. Pas facile la modernité, mais ça paie.

Ce qui est intéressant dans ce cas de mutation aux multiples dimensions, (technique, financières et humaines) c'est que le véritable facteur du changement aura été le comportement du client face à l'offre innovante du chef d'entreprise. Lorsque la rencontre entre le client et l'entreprise se fait, le mouvement est incontournable.

Dans les grandes capitales du monde où le système de taxis était plébiscité par la clientèle, à New York par exemple, Uber a beaucoup de mal à s'implanter.

A Moscou, c'était différent, le système de taxis ressemblait plus à une jungle ou tout était permis. Les autorités ont confié l'organisation du nouveau système à... Uber.

C'est vrai des transports, mais c'est aussi dans tous les produits et services. L'entreprise ne crée la richesse que si le client la réalise. Quant aux concurrents de l'entreprise innovante, ils n’ont rien d'autre à faire que de suivre l'innovation et l'améliorer.

C'est un peu ce qu'ont fait les compagnies de taxis à Paris. Elles auraient refusé de s'adapter et surtout leurs chauffeurs se seraient obstinés à ne pas changer d'offre. Tout le monde serait mort.

Joseph Schumpeter, qui a expliqué que l'économie est la science de la création de richesse, a montré aussi que le facteur clef de la création de richesse c'est l'innovation. Avec une alternative redoutable, ou on s'adapte au changement ou on meurt.

Une dernière info. Les services de recherche de’Uber aux Etats-Unis préparent déjà la prochaine révolution. Celle qui va déferler avec la mise au point de la voiture connectée. A ce moment-là, la voiture n'aura plus de chauffeur. Les plus pessimistes pensent que la voiture connectée, c'est à dire celle qui se conduit toute seule, sera d'un usage courant dans 20 ans. Les plus pessimistes. Mais 20 ans ce n'est rien. C'est demain. Ce jour-là Schumpeter va encore frapper.

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