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Pourquoi tous les journalistes politiques déjeunent avec nos dirigeants… même Jean-Jacques Bourdin
©Capture vidéo RMC

Bonnes feuilles

Une chronique dans les coulisses de la vie politique française à travers les propos tenus hors caméra par les politiciens, des attentats de janvier 2015 au retour en politique de Nicolas Sarkozy, en passant par la rupture Hollande-Trierweiler. Extrait de "Le bal des dézingueurs - Ce que les politiques disent vraiment micros fermés" de Laurent Bazin et Alba Ventura, aux éditions Flammarion. 2/2

Laurent Bazin

Laurent Bazin

Laurent Bazin est un journaliste français, animateur de radio et de télévision. Il a notamment animé RTL Matin, la matinale de la station de radio RTL, de septembre 2012 à juin 2014, et a présenté occasionnellement l'émission C dans l'air sur France 5 entre 2011 et 2014. Depuis juillet 2014, il présente Docu-Débat sur Public Sénat. Il est l'auteur de "Tous paranos ? : Pourquoi nous aimons tant les complots..." aux éditions de l’Aube, coll. « Monde en cours », 2012. Il vient d'écrire "Le bal des dézingueurs" avec sa compagne, la journaliste de RTL Alba Ventura (Flammarion).

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Cachez ces déjeuners…

Jean-Jacques Bourdin " ne déjeune pas avec les politiques. Jamais ! ". L’animateur de la matinale de RMC en a fait une marque de fabrique, presque un slogan publicitaire : c’est sa réputation d’" homme libre" qui est en jeu. Ce jour d’avril 2013, à un auditeur qui l’interroge sur la " connivence " entre journalistes et élus, il livre une anecdote personnelle, censée démontrer sa distance avec ceux qu’il reçoit quotidiennement. Devant les animateurs et les chroniqueurs des Grandes Gueules, il attrape son téléphone portable, chausse ses lunettes et livre le contenu de SMS échangés la veille avec l’un des ténors de la droite à qui il demandait d’être son invité.

- "Cher Jean-Jacques, je ne pourrai pas car j’ai un bureau politique à la même heure", s’excuse d’abord son interlocuteur avant d’ajouter : " Mais, ça me ferait plaisir qu’on déjeune ensemble un de ces jours. Amitiés".

- "Cher JF, je décline votre amicale invitation car je me suis imposé de ne jamais déjeuner avec un responsable politique, même quand je serais tenté ! — Oups… Désolé, je l’ignorais. JFC . "

Et Bourdin goguenard, de jouer aux devinettes avec les journalistes : " JFC… Vous trouvez ? Est-ce que vous trouvez ? "

Personne ne prononce le nom de Jean-François Copé mais tout le monde a deviné et rigole franchement. Dans cette saynète improvisée, l’ancien patron de l’UMP est le dindon de la farce et le politique a bon dos. Mais combien de ceux qui étaient présents dans le studio ce jour-là peuvent-ils jurer qu’ils n’ont jamais déjeuné avec un élu ou un ministre ? Jean-Jacques Bourdin lui-même reconnaît avoir des amis qui font de la politique et avec qui il " dîne de temps en temps ". Il fut aussi un temps où il participait aux fameux " déjeuners de rédaction " que les favoris de la course présidentielle organisent et qui rassemblent les dirigeants et les journalistes d’un même média. À l’époque, il fallait accepter de s’asseoir à table pour avoir le droit de recevoir le candidat au micro. En décembre 2006, lorsque Nicolas Sarkozy a commencé à recevoir à déjeuner, au ministère de l’Intérieur, des représentants de chaque rédaction, il ne serait venu à l’esprit de personne de refuser. Bourdin pas plus qu’un autre.

Le reconnaître n’enlèverait rien à ses qualités de journaliste, à sa pugnacité d’intervieweur ou à son indépendance professionnelle. Mais voilà : le déjeuner a mauvaise presse. Aux yeux du grand public, la fréquentation des politiques est devenue un signe extérieur de compromission. Comme on se défendait hier d’avoir " couché pour y arriver ", on se garde bien d’afficher ces moments de proximité. " Les Français ne comprendraient pas… "

Dans le petit monde des journalistes spécialisés, pourtant, tout le monde déjeune. Et plutôt deux fois qu’une ! Il n’est pas rare de voir des chroniqueurs ou des éditorialistes s’attabler trois à quatre fois par semaine avec des politiques. Souvent aux mêmes tables et dans les mêmes restaurants. Le plus actif des deux auteurs a ainsi déjeuné en six mois avec dix ministres parmi les plus en vue, quarante députés, dix sénateurs, douze " visiteurs du soir " et autant de spin doctors . Elle est allée cinq fois à l’Élysée dont trois pour déjeuner avec le président Hollande et trois fois à Matignon à l’invitation du premier ministre. C’est que ces moments sont précieux. À table, les hommes et les femmes de pouvoir se posent enfin. Ils prennent leur temps, se détendent. Ils se livrent plus facilement. Ces moments suspendus sont des pépites dont les articles et les pages confidentielles des journaux ne sont que le lointain écho. Au risque de se répéter, il faut bien comprendre que la première utilité du déjeuner est journalistique : il s’agit de récolter des informations que votre interlocuteur ne donnerait jamais au micro, de sonder les cœurs et les ambitions, autrement dit : de " sentir l’animal ". C’est à table que la parole se libère. Les carnets de notes des journalistes sont pleins de ces instants étonnants durant lesquels les responsables politiques se lâchent et livrent leur vérité entre deux coups de fourchette. Même les plus méfiants se prennent alors à parler d’eux avec une étonnante franchise.

Extrait de Le bal des dézingueurs de Laurent Bazin et Alba Ventura, publié aux éditions Flammarion, 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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