Quand le burn-out touche les enfants : mais pourquoi leur demandons-nous autant ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Quand le burn-out touche les enfants : mais pourquoi leur demandons-nous autant ?
©www.flickr.com/photos/adrian_s/11386276

Jeunes sous pression

Généralement associé aux adultes salariés, le phénomène du "burn-out" touche de plus en plus de jeunes, enfants ou adolescents. Un constat inquiétant, dont les causes proviennent en grande partie de notre société qui ne donne plus le droit à l'erreur, influençant ainsi parents et enseignants pour pousser toujours plus les élèves.

Béatrice Millêtre

Béatrice Millêtre

Béatrice Millêtre, docteur en psychologie, spécialiste en sciences cognitives, est psychothérapeute. Elle est notamment l'auteure de "Reussir grâce à son intuition", du "Livre des bonnes questions à se poser pour avancer dans la vie",  de "Le burn-out des enfants" et plus récemment du "Livre des vrais surdoués", publié aux Éditions Payot. Elle vient également de publier chez Payot "Cahier de vacances pour enfants précoces".

 

 

Voir la bio »

Atlantico : La notion de "burn-out", qui concerne au départ le monde du travail, a été élargie depuis quelques années aux enfants épuisés nerveusement. Vous écrivez même qu'un adolescent sur trois est aujourd'hui en burn-out, ou en passe de l’être. Qu'entendez-vous précisément par là, puisque que les enfants et les adolescents ne sont pas censés "travailler" ?

Béatrice Millêtre : Ils ne sont pas censés travailler, mais on leur parle souvent de leur travail d'enfant. Et puis, à l'école, il y a les maîtres  et autres intervenants qui n'existaient pas avant, qui sont aussi là pour leur apprendre leur métier d'élève.

Fondamentalement, ils ne devraient pas être concernés, mais on a élargi cette notion de burn-out aux enfants car on se retrouve avec exactement la même symptomatologie que chez les adultes, c'est-à-dire un épuisement nerveux, principalement dans un contexte "professionnel" qui est celui de l'école. Ils ont l'impression de travailler en vain et que tous les efforts ne servent à rien : plus ils travaillent, moins ça marche. Ils ont ainsi une perte de repères, du sens.

Concernant les chiffres, ce ne sont pas mes observations, mais les chiffres de l'UNICEF. De mon côté, j'ai écrit ce livre car je suis passée d'un enfant reçu par an à cinq par semaine. Je voulais comprendre les raisons. L'étude sur laquelle je me base, c'est le rapport de l'UNICEF de 2014 : 40 % de nos enfants (6-18 ans) ressentent une souffrance psychologique. Chez les ados, 30 % ont des idées suicidaires. Il faut prendre ce dernier pourcentage évidemment avec précaution. Le rapport évoque aussi le chiffre de 11 % de tentatives de suicides. La réalité est effrayante.

À quoi est dû ce type d'effondrement physique et moral dans le cas des enfants et des ados ?

Tout d'abord, les parents ne sont pas les seuls responsables. C'est l'ensemble du système de la société actuelle qui ne donne plus le droit à l'erreur et pousse. Il y a une autre étude effrayante : un adulte sur deux aujourd'hui a peur d'être SDF. Vous imaginez, quand vous avez des enfants, vous avez cette peur pour eux aussi.

Il faut donc réussir sa vie. Réussir sa vie est souvent lié à la réussite professionnelle, c'est-à-dire avoir un bon métier et beaucoup d'argent. Pour avoir un bon métier, il faut faire de bonnes études et avoir de bons résultats à l'école. C'est la cascade.

Vous avez des parents qui poussent, j'en vois. Certains imposent à leurs enfants d'avoir 20/20 tout le temps en disant qu'il a les capacités. Mais, quand l'enfant obtient 19/20 et qu'il est en larmes, c'est dramatique… Vous avez aussi les copains qui mettent la pression avec des phrases comme "Tu es nul, tu n'as que 17/20, moi j'ai eu 20/20." Enfin, il y a les enseignants. Un enfant est venu dans mon cabinet cette semaine car il a eu un avertissement parce qu'il a entre 12 et 15 de moyenne générale. La maman que j'ai reçue était déconfite. Et ce phénomène existe dès la maternelle. Des collégiens viennent me voir en me disant "Je suis nul, je n'ai eu que 14/20 à mon dernier devoir. Je dois aller au soutien." Je leur réponds : "Mais avec 14/20, tu as une mention au bac", et Ils ne me croient pas. C'est une pression générale.

Effectivement, ces enfants peuvent avoir plus. Ils pourraient obtenir de meilleures notes, mais pourquoi ? Moi-même je n'ai pas la réponse. Ce n'est pas parce que vous aurez une mention "Très Bien" au Bac que vous entrerez en Prépa puisque l'entrée en Prépa s'obtient avant de passer le Bac. Ce sera une satisfaction personnelle, mais ça ne sert à rien concrètement. Je caricature un peu, mais la question essentielle est " Pourquoi demande-t-on de tels résultats à nos enfants ?"

Comment l'éviter, et comment peut-on aider les enfants qui craquent ?

La première façon de les aider, c'est de prendre conscience des raisons pour lesquelles on demande autant à nos enfants. En outre, l'épuisement nerveux est accentué par les activités, trop nombreuses, qu'ils font.  Ils n'ont plus le temps pour souffler, se reposer…

Il faut prendre du recul, mais cela est plus facile à dire qu'à faire. En effet, il y a la pression sociale, celle des autres, etc. Mais il faut essayer de comprendre les raisons qui poussent à demander autant à nos enfants. Quand cette maman vient me voir et m'explique que les professeurs lui disent que son fils a des problèmes, il est compliqué pour elle de leur répondre à tous qu'il travaille et fait de son mieux. Ce n'est pas facile car même si vous avez conscience de la situation, il y a ce pilonnage social qui veut vous monter que vous avez tort.

Quand on voit qu'ils craquent, c'est-à-dire qu'ils sont exténués – le burn-out en français signifie l'épuisement nerveux –, ont du mal à dormir. J'ai reçu ce mardi, soit deux jours seulement après la fin des vacances, une jeune fille totalement exténuée. La fatigue est telle que son cerveau répond en dépit du bon sens. L'enfant peut aussi être au bord des larmes souvent. Si ces situations se présentent, il faut les aider.

Il faut s'arrêter, les faire souffler : partir. Mais, ponctuellement. Les gens ont peur quand je dis ça car ils pensent qu'une simple pause empêche les enfants de travailler par la suite. L'enfant a la jambe cassée, il faut lui réparer; pour le reste, on verra après.

Il faut leur apprendre à jouer, ils ne savent plus jouer, ils n'ont plus le temps.

Ce n'est pas à cause des parents que les enfants vont craquer ; en revanche, c'est grâce à eux que l'enfant va s'en sortir. Le parent doit être celui qui apporte un deuxième son de cloche. Il doit dire "C'est bien 15/20, on s'en fiche de ce qu'ils pensent. Tu iras en seconde et tu réussiras ta vie". Les parents ont cette responsabilité-là.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !