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Oups… La psychologie des erreurs vraiment stupides (et pourquoi nous sommes tous amenés à en commettre)
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La boulette

Une nouvelle recherche parue dans la revue Intelligence a démontré qu'il existait trois types de facteurs comportementaux qui nous pousseraient à faire des choses stupides, et ce, quelque soit notre niveau de QI.

Julie Roussin

Julie Roussin

Julie Roussin est une psychologue comportementale. 

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Atlantico : Une personne serait selon cette étude amenée à faire des choses stupides si elle a trop confiance en elle par rapport à ses compétences réelles. En d'autres termes, avoir trop confiance en soi pourrait amener à faire des choses stupides (c'est "l'effet Dunning-Kruger"). Pensez-vous que l'analyse de ce comportement soit juste ?

Julie Roussin : Oui parfois, une surconfiance en soi peut pousser à se mettre dans une situation d'échec.

Par contre, je dirais aussi qu’une surconfiance en soi peut souvent mener au succès. On sait que les gens narcissiques (qui se sur-estiment) se retrouvent souvent dans des positions hiérarchiques élevées. Il faut donc nuancer ce facteur.

Une personne serait selon cette étude amenée à faire des choses stupides lorsqu'elle est trop impulsive, c'est-à-dire quand elle perd souvent le contrôle d'elle-même. Pensez-vous que l'analyse de ce comportement soit juste ?

Prendre de la drogue, conduire trop rapidement, engueuler un collègue, avoir des relations sexuelles non-protégées, trop manger, trop dépenser... ce sont des comportements qui participent souvent de l’impulsivité.

Ces personnes n'arrivent pas à réprimer des gratifications à court terme pour des bénéfices plus grands à long terme. Les adolescents sont particulièrement impulsifs, par exemple.

Une personne qui aurait du mal à se concentrer, c'est-à-dire à focaliser son attention sur quelque chose, serait aussi amenée à faire des choses stupides. Pensez-vous que l'analyse de ce comportement soit juste ? 

La difficulté à se concentrer amène des problèmes de mémorisation et de planification, mais cela n’est pas synonyme de "stupidité". Le stress, le manque de sommeil ou des troubles déficitaires de l’attention peuvent expliquer des actes jugés stupides.

Les personnes qui sont qualifiées de "stupides" sont-elles en fait victimes des trois types de comportements dégagés par l'étude?

Oui, et de nombreux autres mécanismes.

À la lecture de cette étude, je me demande si le terme "stupidité" ne devrait pas être remplacé par celui "d’irrationalité". On considère un comportement irrationnel lorsque nos comportements sont en contradiction avec nos buts, attentes ou nos croyances. (Auteur de référence sur le sujet de l’irrationalité : Dan Ariely).

Pensons par exemple à :

- Fumer alors qu’on souhaite vivre longtemps.

- Procrastiner en attendant pour faire un travail à la dernière minute alors qu’on souhaite obtenir une bonne note.

- Considérer épouvantable que des enfant meurent de faim en Afrique et ne pas faire de dons de charité.

- On sait qu’à partir d’un certain niveau de revenu, il n’y a pas d’augmentation du niveau de bonheur. Pourtant on cherche toujours à faire plus d’argent, en achetant des billets de loterie par exemple.

- On sait que dépenser de l’argent pour des biens rend moins heureux que de se payer des expériences, mais on consomme quand même des biens matériels en croyant augmenter notre bien-être.

- On traite d’imbécile sur le coup de la colère notre ami (sœur, frère etc.), et le conflit créé nous rend encore plus mal que nous l’étions.

- Tous les comportements risqués : consommer de l’alcool excessivement, les relations sexuelles non-protégées...

- Les erreurs de planifications : ne pas avoir considéré une éventualité évidente.

L’article attribue ce genre de comportements à trois causes : la surconfiance en soi (i.e. la mauvaise évaluation de ses compétence), l’impulsivité et la difficulté à se concentrer. Je crois que les comportements que je préfère appeler "irrationnels" peuvent être aussi attribuables à plusieurs autres causes psychologiques.

1) La motivation pour le renforcement à court terme versus à long terme. Les théories du conditionnement opérant (behavorisme) explique le comportement par les conséquences agréables ou désagréables qui les accompagnent et qui nous motivent. Le problème est que parfois les conséquences à court terme sont agréables et celles à moyen ou long terme ne le sont pas. Comme les conséquences immédiates sont plus "motivantes" souvent que celles à long terme, cela nous amène souvent à poser des gestes irrationnels. Pensons à la personne qui mange du chocolat alors qu’elle souhaite perdre du poids. Plusieurs comportements irrationnels sont explicables à la lumière de ce mécanisme.

2) La sagesse rétrospective. C’est un biais cognitif connu en psychologie sociale. On a tendance à croire que les conséquences d’une action/ situation étaient beaucoup plus prévisibles qu’elle ne l’étaient en fait au moment où se sont passés les événements. Par exemple, une victime de viol aurait dû savoir que cet homme était un agresseur, un médecin aurait dû détecter cette tumeur, cette femme qui se sépare se disant que la fin de sa relation était prévisible dès le début... Mais l’était-ce vraiment ? 

Qu'est-ce qui fait que l'on perçoit quelque chose de stupide alors qu'il s'agit des fois de malchance, de divergence d'opinion ou d'irrationalité ? Comment définir précisément la stupidité ou un acte stupide ?

La réelle "stupidité" est relative au manque de jugement.

On jugera donc comme "stupide" des erreurs de prévision des autres, mais en exagérant souvent le degré de prévoyance qu’il était possible d’avoir connaissant les faits ultérieurs a posteriori.

Les réels comportements "stupides" témoignent d’un manque de jugement. Le jugement est une capacité mentale faisant partie de l’intelligence.

Par exemple :

- Une personne qui lors d’un entrevue d’embauche révèle à son futur employeur qu’elle a dû quitter son emploi parce qu’elle arrivait trop souvent en retard (elle manque de jugement concernant ce qu’il est judicieux de dévoiler ou pas dans ce contexte social).

- Une personne qui laisse un enfant de 6 ans seul à la maison parce qu’elle manque de jugement sur les capacités d’autonomie de l'enfant à cet âge.

- Une personne qui parle sans arrêt de son ex-conjoint dans un premier rendez-vous galant.

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