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La France officiellement en déflation : pourquoi l'idée d’une BCE qui ne pourrait rien faire de plus est sans fondement
©Reuters

Quand on veut on peut

Pendant qu'Eurostat annonce le retour de la déflation au sein de la zone euro, l'institut Markit dévoile une activité manufacturière européenne au plus bas depuis 12 mois. Pourtant, cette situation ne traduit en rien que la BCE est arrivée au bout de ses capacités.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Selon les différentes publications de ce début mars, l'activité manufacturière européenne serait au plus bas depuis 12 mois alors que la zone euro serait à nouveau en proie à la déflation. Comment expliquer que la politique économique européenne soit à nouveau en situation d'échec ?

Nicolas Goetzmann : Les différentes mesures qui ont pu être mises en place au cours de l'année 2015 avaient pour ambition de traiter la crise dans laquelle la zone euro s'est enfermée depuis 2008. C’est-à-dire que ces outils ont été actionnés 7 années après le déclenchement de la grande récession, donc, évidemment, avec beaucoup trop de retard. Il n'en reste pas moins que l'opération d'assouplissement quantitatif élaborée par la Banque centrale européenne (BCE) en janvier 2015 a produit des effets positifs pour l'économie européenne, qui, sans cela, serait dans une situation encore plus dramatique que celle que nous connaissons aujourd'hui. Mais cela ne veut pas dire non plus que c'était suffisant. En résumé, la BCE a donc agi trop peu, trop tard. Et le problème actuel est qu'une nouvelle crise est en formation, ce qui vient doucher les espoirs d'une éventuelle reprise au niveau européen. Or, cette nouvelle crise n'a pas encore été prise en compte par les autorités. Ainsi, l'affaiblissement des chiffres européens ne signe pas l'échec de ce qui a été entrepris, mais, encore une fois, un manque flagrant de réactivité couplé à une incapacité à prendre la mesure des risques encourus.

Il est donc important de dissocier l'ensemble de ces événements pour ne pas tomber dans la facilité. La crise que connaît l'Europe depuis 8 ans concerne principalement son marché intérieur, alors que cette nouvelle menace concerne essentiellement les marchés étrangers, et donc, notre capacité d'exportation. Mais la solution qui peut permettre d'affronter ces deux situations est identique ; il s'agit de renforcer la demande intérieure européenne, ceci, aussi bien pour remettre l'ensemble de la population au travail que pour contrer les effets du ralentissement mondial.

Lors du G20 de Shanghai, le gouverneur de la Banque D'Angleterre, Mark Carney, a déclaré "Certains commentateurs colportent le mythe que les politiques monétaires auraient épuisé leurs munitions", pendant que l'économie mondiale "risque d'être coincée entre une croissance médiocre, une inflation faible et des taux d'intérêts très bas". La BCE dispose-t-elle encore de moyens permettant de contrer le choc actuel ? N'a-t-elle pas atteint les limites de son action ?

Cette déclaration de Mark Carney est une réponse directe au ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, qui affirmait, au cours du même G20, que les politiques monétaires expansionnistes étaient contreproductives. Théoriquement, l'idée que les politiques monétaires seraient actuellement au maximum de leur capacité, idée en vogue en ce moment, repose sur du sable. Une banque centrale dispose du pouvoir illimité de création monétaire, ce qui implique une capacité d'action infinie. Pour prendre un exemple grotesque, il suffit de regarder ce qui a pu se passer en Argentine ou au Zimbabwe pour se rendre compte qu'une banque centrale peut aller très loin, beaucoup trop loin en l'occurrence. Le problème actuel est que les grandes banques centrales, la BCE en tête, ne veulent prendre aucun risque. Si l'Argentine et le Zimbabwe ont effectivement fait n'importe quoi en usant de l'outil monétaire de façon totalement incontrôlée, les Européens restent simplement dans l'idée d'obtenir des résultats tout en évitant tout risque potentiel de dérapage. Une politique des petits pas au milieu de la plus grande crise que connaît le continent depuis les années 30. Mais dans les deux cas, les politiques sont inadaptées au contexte, l'un surprend par ses excès, l'autre par sa timidité. Mais au regard des efforts réalisés par la BCE, soit le strict minimum, il est hasardeux de conclure que la politique monétaire n'a plus de pouvoir. En disant cela, on confond les moyens mis en œuvre et les résultats. Mais justement, la leçon à tirer de cette grande crise de 2008 est que plus les banques centrales sont lentes à réagir, plus les moyens à mettre en œuvre pour obtenir le résultat souhaité seront importants. En bloquant la BCE aujourd'hui, on oblige une action encore plus lourde dans le futur. Parce que le Japon a attendu près de 20 ans pour réagir à sa situation de déflation, les moyens mis en œuvre depuis 2012 paraissent surdimensionnés. C'est le prix de l'inaction. Mais encore une fois, une politique monétaire se juge à ses résultats, et non pas au regard des moyens qu'elle met en œuvre. 

La prochaine réunion de la BCE aura lieu le 10 mars prochain, et diverses actions sont attendues par les marchés financiers. Au regard du contexte actuel, doit-on s'attendre à une opération de grande ampleur ? Quelles en sont les chances de succès ?

Tout en restant dans le domaine du faisable, de l'efficace, et du crédible, la BCE dispose encore des tous les outils pour parvenir à soutenir la croissance de la zone euro. Il lui suffirait d'annoncer un objectif clair et chiffré, soit d'inflation, soit de croissance nominale, puis d'indiquer aux marchés financiers que le plan d'assouplissement quantitatif sera maintenu jusqu'à ce que cet objectif soit atteint. Ce qui n'est pas le cas actuellement. A ce jour, le plan comporte bien un objectif, mais sa fin n'est pas conditionnée à la réalisation de celui-ci, ce qui fait peser une trop grande incertitude sur les marchés financiers. Est-ce que les moyens mis en œuvre suffiront à atteindre l'objectif ? Aussi longtemps que cette question restera en suspens, et que la BCE restera vague sur ce point, l'efficacité ne pourra pas être au rendez-vous.

Mais ce n'est malheureusement pas ce qui se profile, car la BCE va plutôt se contenter d'une action a minima, qui pourrait, au mieux, éviter que la situation ne se dégrade encore. Depuis le début de la crise de 2008, et encore aujourd'hui, la BCE est un acteur purement défensif alors qu'il s'agit de prendre le taureau par les cornes et de provoquer une réponse adaptée au contexte ; soit une croissance 0 pour le total des 8 dernières années, et un chômage supérieur à 10%. Une véritable honte pour la BCE et pour les dirigeants européens, qui, pourtant, n'a pas l'air de suffire pour provoquer une réaction d'une ampleur suffisante pour espérer obtenir des résultats tangibles, c’est-à-dire le plein emploi.

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