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Plus de 20 ans après son attaque (réussie) contre la Livre Sterling, le financier George Soros pourrait réitérer son "exploit" en s’attaquant à la Chine
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Grand manitou

Le financier George Soros, qui avait mené un raid contre la Livre Sterling en 1992, s'attaque désormais à la Chine en pariant sur une baisse du Yuan. Une action qui a suscité la réaction des médias locaux qui dénoncent une déclaration de "guerre" contre la Chine. Mais, au fond, le financier parie sur une attitude rationnelle des autorités chinoises et entre en guerre contre les taux de changes fixes.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Plus de 20 ans après son attaque contre la Livre Sterling, le financier George Soros aurait décidé de parier à la baisse sur la monnaie chinoise ; le Yuan. La presse locale a ainsi pu s'indigner face à ce qu'elle appelle une "déclaration de guerre contre la Chine". (voir ici) Alors que les autorités chinoises sont régulièrement accusées de manipuler leur monnaie, comment expliquer cette décision de George Soros ?

Nicolas Goetzmann : La réaction de la presse chinoise est naturelle, mais elle est irrationnelle. Car George Soros, malgré des moyens financiers très importants, est incapable de provoquer à lui seul une baisse de la monnaie chinoise. Les montants en jeu sont bien trop importants pour qu'un seul acteur puisse influer sur le résultat. De son côté, George Soros ne fait que parier sur une faille béante de la Chine actuelle, qui repose sur un problème d'ordre monétaire. Le point crucial, ici, est que le Yuan est une monnaie qui est liée à l'évolution du dollar, les autorités chinoises ajustent leur politique monétaire pour que le cours du Yuan s'aligne sur les mouvements de la monnaie américaine. C'est un taux de change fixe (pour être précis, le Yuan évolue dans une bande restrictive autour du dollar). Le problème avec une telle politique est que le destin des deux économies est donc lié, mais ce sont les Etats Unis qui en fixent les règles.

Tout se passe bien aussi longtemps que la politique américaine sert les mêmes intérêts que ceux de la Chine, mais les problèmes peuvent vite arriver lorsque les Etats Unis changent de cap. C'est ce qui a pu se passer lorsque les Etats Unis ont choisi de resserrer leur politique monétaire voici deux ans, ce qui a entraîné une hausse du dollar, et en conséquence, une hausse du Yuan.  Or, cette hausse est insoutenable pour la Chine, ce qui apparaît très clairement au regard des actions des autorités. Alors que la Chine avait accumulé 4 000 milliards de dollars de réserves au cours de la dernière décennie, la tendance s'est inversée depuis la mi 2014. Depuis lors, la Chine a vu ces réserves de change fondre de plus de 700 milliards, et le rythme actuel est supérieur à 100 milliards par mois. La Chine vend des dollars et rachète des Yuans, ce qui soutien sa monnaie à la hausse, pour que celle-ci reste bien "collée" au dollar. Le pari de George Soros est que la Chine ne va pas pouvoir pratiquer une telle politique indéfiniment, et que les autorités, un jour ou l'autre, seront obligées de cesser la politique de taux de change fixe. Ce qui aura pour effet de voir le Yuan perdre une partie de sa valeur, et de faire la fortune, une nouvelle fois, de George Soros.

Quels sont les moyens dont disposent la Chine pour contrer cette spéculation à la baisse sur sa monnaie ? Une telle politique pourrait-elle être efficace ?

La Chine se moque de George Soros. Ce dernier ne fait qu'identifier une anomalie dans la politique menée par les autorités. Tout au plus, les chinois fustigent une personnalité qui met en avant un profond dysfonctionnement interne, et qui va chercher à en profiter. Et tout le problème est là. Si la Chine veut faire perdre George Soros en continuant de soutenir sa monnaie à la hausse, et ce, contre toute logique, elle aggravera sa situation économique. Finalement, le pari du financier est que les autorités chinoises vont agir raisonnablement, c’est-à-dire soutenir leur économie en laissant leur monnaie évoluer selon un régime de taux de change libre.

Pour Soros, le risque le plus sérieux provient des Etats Unis. Car si la FED décide d'en finir avec sa politique de restriction monétaire, et commence à soutenir massivement son économie, le dollar pourrait suivre une nouvelle tendance à la baisse, ce qui permettra aux autorités chinoises de souffler un peu, et d'éviter la dévaluation. Toutes les autres solutions sont mauvaises, notamment celles visant à mettre en place des politiques de contrôle de capitaux, ce qui nuirait aux intérêts du pays.

En quoi est-il possible de dresser un parallèle entre la situation du Royaume Uni des années 90 et celle de la Chine contemporaine ? S'agit-il des mêmes mécanismes ?

Le mécanisme initial est identique, puisqu'il s'agit de lutter contre l'aberration que peut représenter un taux de change fixe. A cette époque, le Royaume Uni tentait de se qualifier dans la course à l'euro, ce qui supposait des efforts importants pour rester dans le couloir de qualification à la monnaie unique. A cette même époque, la France menait en parallèle sa politique du Franc fort. George Soros avait jugé cet espoir irréaliste au regard des fondamentaux de l'économie du Royaume, ce qui s'est avéré exact. Mais la différence importante entre le Royaume Uni de 1992 et la Chine de 2016 est que les opérations menées il y a plus de 20 ans sur la livre Sterling étaient suffisamment importantes pour avoir un impact réel sur cette monnaie.

Soros a ouvert une brèche et a été suivi par d'autres. Ce qui n'est pas le cas avec la Chine d'aujourd'hui, qui est la seconde économie mondiale. Il est possible d'en conclure que George Soros est, au moins en partie, personnellement responsable de l'absence du Royaume Uni au sein de la zone euro. Le point à retenir de ce type de raids financiers est que si l'analyse de départ est erronée alors le pari sera perdant et coûtera très cher à ses initiateurs. Ces grands fonds d'investissement sont là pour identifier des failles et les exploiter, et si les gouvernements peuvent les accuser de tous les maux, pour trouver des boucs émissaires, cela ne change pas la réalité de l'existence d'une faille. 

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