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L’information sur la radioactivité va devenir obligatoire lors de la signature d'un bail de logement ou de sa vente
©Reuters

Immobilier

Gaz radioactif, le radon est naturellement présent dans l'air. Il devient nocif lorsqu'il s'accumule dans un logement mal aéré et serait la deuxième cause de cancer du poumon en France. Le gouvernement a entrepris un encadrement législatif de l'information adressée aux futurs habitants d'un logement.

Julien Syren

Julien Syren

Julien SYREN est ingénieur géologue, responsable du service radon au laboratoire CRIIRAD à Valence. Il est diplômé de l'Ecole Normale Supérieure de Géologie de Nancy.

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Alain  Rannou

Alain Rannou

Alain Rannou est actuellement adjoint à la directrice de la protection de l’homme. Il a été directeur adjoint de la protection radiologique et de la santé au sein de la division de la radioprotection de l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En tant qu'expert principal il devait gérer les évaluations radiologiques et de fournir un soutien technique aux autorités compétentes. L'IRSN est partie prenante dans les discussions de conseil au gouvernement concernant l'encadrement de l'information sur la radioactivité des logements.

Il est titulaire d'une maîtrise en physique et de d'une autre en géologie, ainsi que d'un doctorat en géophysique. Il s'était intéressé au sujet du radon dès la rédaction de sa thèse.

 

 
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Atlantico : Le gouvernement entend modifier un certain nombre de dispositions en matière de nucléaire, la ministre de l'Ecolologie Ségolène Royal en a rendu compte le 10 février en Conseil des ministres. Certains médias  évoquent l'obligation d'un diagnostic d'exposition au radon en 2017. Or, d'après le texte publié sur Legifrance (à consulter ici), le résultat escompté n'en est pas encore atteint. A quelle étape en sommes-nous quant à cet encadrement ? Un décret est-il prévu ?

Alain Rannou : La Loi du 21 juillet 2009 portant sur la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) prévoyait que les mesures de dépistage du radon dans l’habitat soient rendues obligatoires dans les zones particulièrement exposées au radon. Faute de consensus des services de l’état sur leur pertinence et leur efficacité, les exigences réglementaires initialement prévues n’ont pas été publiées. Un certain nombre d’actions ont cependant été poursuivies dans le cadre du Plan national d’actions pour la gestion du risque radon, notamment la mise en place d’expérimentations d’un dispositif d’accompagnement de la nouvelle réglementation dans trois zones pilotes.

Egalement, la cartographie des zones à risque radon à l’échelle communale a été entreprise sur la base des travaux de l’IRSN concernant le potentiel d’exhalation du radon par les sols. Par ailleurs, le code a été modifié par la LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article 49) pour que soient définis des niveaux de référence pour le radon, comme demandés par la directive européenne n°2013/59 du 5 décembre 2013. Ces niveaux de référence seront fixés par décret en Conseil d’état, attendu au cours de l’année 2017, ou par arrêté d’application.

Enfin l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février portant diverses dispositions en matière nucléaire est venue renforcer le dispositif en vigueur avec l’obligation que les propriétaires ou à défaut les exploitants de certaines catégories d’immeubles bâtis situés dans les zones à potentiel radon élevé mettent en œuvre une surveillance de l’exposition au radon et des mesures nécessaires pour réduire cette exposition. Cette ordonnance a également amendé le code de l’environnement pour intégrer le radon dans les risques naturels et rendre obligatoire l’information sur l’existence de ce risque, par le vendeur ou le bailleur, des acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans les zones à risque radon.

Pourquoi le gouvernement souhaite-t-il encadrer davantage l'information concernant l'exposition à ce gaz ? Quelle est son niveau de dangerosité ?

Alain Rannou : Le radon est un gaz radioactif reconnu par l’OMS comme cancérogène certain depuis 1988. Des études épidémiologiques récentes, y compris en Europe, ont démontré une augmentation statistiquement significative du risque de cancer du poumon résultant d'une exposition prolongée au radon à l'intérieur des bâtiments. Selon l’étude européenne à laquelle a participé l’IRSN, l’excès de risque relatif (ERR) de cancer du poumon est de 0,16 pour une exposition à une concentration moyenne de 100 Bq.m-3 dans l’habitat pendant 25 ans. Sur la base de ces résultats et des recommandations internationales qui en ont résulté (OMS, CIPR), la directive 2013/59/ a renforcé les exigences relatives au risque radon dans l’habitat et les lieux de travail.

Cette directive, qui s’impose à tous les états membres de l’Europe, et doit être transposée en droit national d’ici février 2018 demande que soient mis en place des plans d'action nationaux de gestion des risques à long terme dus à l'exposition au radon. L’un des éléments indiqués dans la directive comme devant être pris en compte dans les plans nationaux d’action est une stratégie de communication visant à sensibiliser le public et à informer les décideurs locaux, les employeurs et les employés en ce qui concerne les risques liés au radon, y compris liés à l’interaction entre le radon et le tabac. 

Qu'est-ce que le radon ?

Julien Syren: Le radon est un gaz radioactif naturel issu de la désintégration de l’uranium, présent dans toutes les roches de la croûte terrestre en plus ou moins grandes quantités. Présent en concentration élevée dans les sols, le radon se dilue rapidement dans l’air extérieur. En revanche, lorsque les émanations sont importantes et/ou le renouvellement d’air insuffisant, le radon peut s’accumuler dans les bâtiments. Le radon est la seconde cause de cancer du poumon après le tabac. En France, parmi les 25 000 cancers du poumon qui surviennent chaque année, 5 à 12% (soit 1 200 à 3 000 cas) seraient attribuables au radon.

Quelles sont les types de bâtisses ou les zones géographiques les plus à risques ?

Julien Syren: Le risque est en moyenne plus élevé dans les zones où le sol est plus riche en uranium. C’est le cas des régions à dominante granitique : le Limousin, le Massif Central, la Bretagne ou encore la Corse. Mais la configuration des bâtiments jouant un grand rôle, il est possible de détecter des concentrations élevées sur tout type de sol, notamment dans le cas des habitations semi-enterrées, des bâtiments bien isolés mais dépourvus de systèmes de renouvellement d’air et des bâtiments équipés de puits canadiens non étanches.

Comment vérifier si son logement est "radioactif" ? A partir de quel niveau de radioactivité un logement peut-il être considéré comme dangereux pour ses occupants ?

Julien Syren: La méthode la plus simple consiste à utiliser des "dosimètres radon". Les appareils sont mis en place pendant au moins deux mois en période froide, plus propice à l’accumulation de radon. Ils sont ensuite développés et les résultats sont comparés à des valeurs de référence.

Les études épidémiologiques n’ont pas mis en évidence de seuil au-dessous duquel le radon ne présenterait aucun risque. L’OMS préconise un niveau de référence de 100 Becquerels par mètre cube (Bq/m3), pouvant être porté au maximum à 300 Bq/m3 dans les zones les plus à risque. La directive Euratom 2013/59 a retenu la valeur de 300 Bq/m3. En attendant la transcription de ce texte, la réglementation française actuelle impose la mise en œuvre d’actions correctrices au-delà de 400 Bq/m3, mais uniquement dans certains lieux ouverts au public et lieux de travail (pour le moment, l’habitat n’est pas concerné).

Que faire pour s'en protéger si besoin est ?

Julien Syren: L’accumulation de radon peut être réduite :

  •  en empêchant le radon d’entrer (étanchéification et drainage de la surface de contact entre terrain et bâtiment)
  •  en ventilant suffisamment les pièces de vie (le système choisi ne doit toutefois pas mettre les pièces desservies en situation de dépression).

Dans l'hypothèse où un diagnostic d'exposition au radon deviendrait obligatoire lors de la location ou de la vente d'un bien immobilier, existe-t-il suffisamment de professionnels qualifiés pour répondre à la demande ?

Alain Rannou : Des formations de professionnels du bâtiment pour la gestion du risque radon commencent à voir le jour. Ainsi l’Université de Franche-Comté a pris l’initiative de former les futurs professionnels du bâtiment. Des sessions de formation sont également proposées par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Un certain nombre d’expériences locales sont plutôt positives. Les travaux à réaliser sont souvent classiques en maçonnerie et ventilation. Des travaux de remédiation ont été réalisés avec succès dans un certain nombre de cas, en particulier de bâtiments publics, par exemple dans le Limousin. Mais, faute de réglementation et donc de marché pour les professionnels, les compétences manquent toujours. Ainsi, le constat tiré à l’issue du 2ème plan national radon qui vient de s’achever est celui-ci : les efforts doivent être poursuivis afin d’encourager le développement des compétences des professionnels du bâtiment.

Propos receuillis par Adeline Raynal

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