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Après le FMI, l’OCDE : ces avertissements sur les dangers de l’austérité que refusent étrangement d’entendre la France ou l’Allemagne en pleine alerte sur la croissance mondiale
©Reuters

Kulte

L’Allemagne n’est pas seule : le culte de l’austérité et de la rigueur morale est encore aussi vif en France malgré les préconisations de l’OCDE et du FMI.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : L'OCDE vient de réviser à la baisse ses prévisions de croissance mondiale. Dans son communiqué, l'organisation rejoint les positions du FMI en appelant à "une réaction urgente des pouvoirs publics" notamment en proposant de plus larges soutiens monétaires mais également budgétaires. Des solutions apparemment inconcevables pour la France et les autres pays de la zone euro. Comment expliquer une telle divergence ? 

Christophe Bouillaud :Elle résulte d’une double différence : une différence scientifique et une différence d’échelle. 

D’une part, aussi bien le FMI que l’OCDE disposent de très forts département de recherche, et ils sont très liés avec la communauté très mondialisée des économistes. Or ce sont eux qui ont largement délégitimés toutes les politiques économiques d’austérités excessives qui ont été menées en Europe depuis 2010. C’est une étude du FMI qui a montré que les multiplicateurs de dépenses publiques avaient été très mal estimés au départ en calibrant l’ajustement budgétaire en Europe, en particulier dans le cas grec. La récession en Grèce y a donc été beaucoup plus forte qu’anticipée qu’en 2010 par les partenaires européens, et l’on est entré ensuite dans une spirale dette/déflation tout à fait mortifère, dont la Grèce ne semble pas prête de sortir en plus. De leur côté, les autorités nationales les plus importantes en Europe adhérent à la thèse de l’ « austérité expansive » : ce n’est qu’en réduisant à marche forcée les dépenses publiques, le déficit public et par suite la dette publique, qu’un boom économique devient ensuite possible. La thèse est d’autant plus séduisante pour une partie des partis conservateurs et libéraux que cela correspond à leur conviction profonde, moins pragmatique qu’idéologique, qu’il faut en finir avec l’Etat social et son assistanat et avec l’intervention de l’Etat dans l’économie.

Tout le cadrage de la crise depuis 2010 a donc reposé sur la fable selon laquelle tous les Etats européens en difficulté sans exceptions auraient été des cigales irresponsables, et l’on a occulté le rôle des excès et des erreurs des banques et des investisseurs privés dans le déclenchement de la catastrophe encore en cours. On a beaucoup parlé de la Grèce avec son Etat de cigales corrompues qui aurait été le modèle de toute la crise, et beaucoup moins de l’Irlande, de l’Espagne ou de l’Islande – pour ne pas parler de l’oubli du début de tout, les « subprimes ». Ces trois pays auraient pu pourtant amener à mettre en avant une autre vérité de la crise : ce sont les financiers, le marché, qui ont fait des erreurs de jugement gigantesques, et pas les Etats concernés, sauf en les laissant faire. En résumé, l’Union européenne est encore largement piégée par l’explication qu’elle a donné à la « crise des dettes souveraines » en 2010, et cela d’autant plus que les principaux responsables du choix de cette explication, pour ne pas les nommer Madame Merkel et son Ministre des Finances W. Schauble, se trouvent encore en place. 

Par ailleurs, il faut noter que l’OCDE travaille depuis des années sur l’investissement en capital humain, c’est-à-dire sur l’éducation et la formation, et sur de nouveaux indicateurs de bien-être qui iraient plus loin que le PIB. Or le moins que l’on puisse dire, c’est que toutes les politiques d’austérité menées en Europe depuis 2010 n’ont vraiment rien arrangé de ce point de vue. Les dégâts de l’austérité sont dans le fond encore devant nous. Il suffira de rappeler qu’en Italie le nombre de nouveaux inscrits à l’Université, immédiatement  après le baccalauréat, diminue d’année en année depuis la crise. Ce sont autant de jeunes en moins qui s’engagent dans les études et qui manqueront ensuite à l’économie italienne.

D’autre part, le FMI et l’OCDE tentent d’avoir une vision de l’économie mondiale. Ces deux institutions sont en train de s’apercevoir que la croissance mondiale a besoin d’un « consommateur en dernier ressort » dans les pays anciennement développés, car les classes moyennes des pays émergents ne sont pas capables de soutenir à elles seule la croissance mondiale, ce qu’on a voulu croire ces dernières années. En fait,  l’expansion de ces classes moyennes des émergents dépend trop du développement des industries exportatrices vers les pays développés, en particulier de celles qui exportent des matières premières. Les Américains jouent largement le rôle de consommateur en dernier ressort, mais pas les Européens. C’est cela que le FMI et l’OCDE voudraient obtenir des dirigeants européens. 

Sur ces deux aspects, scientifiques et géopolitiques, les dirigeants européens en restent pourtant tous à une vision boutiquière. Il s’agit seulement de faire en sorte que son propre pays, l’Allemagne, la France, la Suède, la Slovaquie, etc. soit le champion des exportations sur le marché européen et mondial, en tenant son rapport qualité/prix. Le modèle allemand tourné vers l’exportation est devenu le seul acceptable, mais il ne correspond pas aux besoins d’une économie continentale comme devrait l’être l’Union européenne.

Nicolas Goetzmann : La France, comme l’ensemble européen, est encore dominée par la logique d’austérité. Si la phase « dure » de mise en place de ces politiques est derrière nous, les cures sévères de réduction des dépenses publiques et de hausse de la fiscalité ont eu lieu entre 2011 et 2014, l’esprit de l’austérité est encore présent.

Selon la grande majorité de nos dirigeants, la crise qui a frappé la France prend racine dans les excès passés relatifs aux dépenses publiques et à l’incapacité du pays à se réformer. Ces points sont identifiés comme la cause du mal et permettraient à eux seuls de “comprendre” pourquoi le pays ne parvient pas à s’en sortir. Ce qui est frappant, dans cette logique, c’est que les recettes proposées sont les mêmes que celles qui dominaient déjà avant la crise. Ce qui revient à nier l’existence même de 2008. Parce que les déficits, la dette, les dépenses publiques sont des sujets qui ont monopolisé l’attention de l’opinion bien avant la survenance de la crise. Et celle-ci ne serait finalement que la sanction morale de notre immobilisme.

Le problème, avec cette vision, est que le monde entier a été frappé par la crise, ce qui pose de sérieux doutes sur le diagnostic relatif aux dépenses publiques, car le monde entier ne souffre pas du même mal. La France continue de penser en termes de défis structurels de longs termes, alors que la nature de la crise est purement conjoncturelle. L’absence de résultats des politiques menées n’est donc pas une surprise. De façon plus profonde, la France n’a jamais véritablement brillé au niveau international pour sa vision macroéconomique et monétaire. Ainsi, d’un point de vue historique, la France a joué un rôle central dans la crise des années 30, elle a été la principale courroie de transmission déflationniste en Europe et dans le monde à partir de 1931. Et ce, pour les mêmes raisons qu'aujourd'hui: une vision moraliste de l’économie qui se base sur des idées telles  que “comme un ménage, un état ne peut dépenser plus qu’il ne gagne”, ou en considérant que les autres pays “manipulent leur monnaie” etc…

Mais la morale ne fait pas bon ménage avec le pragmatisme économique. En niant le rôle de la monnaie, le pays s’enferme dans une lutte bipartisane entre ceux qui veulent relancer par la voie budgétaire et ceux qui veulent réduire les dépenses. Mais jamais la monnaie n’est évoquée sérieusement, alors qu’il s’agit de l’outil qui a permis la sortie de crise aux Etats Unis, ou au Royaume Uni. 

Du point de vue de l'opinion publique française, les solutions proposées ne trouvent pas plus d'écho. Pour quelles raisons le discours proposé par le FMI ou l'OCDE est-il devenu inaudible en France ? S'agit-il d'une forme de choc culturel ? 

Christophe Bouillaud : Sans vouloir être trop polémique, comment de telles propositions pourraient-elles avoir de l’écho, alors même que la dette publique a été érigée par les éditorialistes des principaux médias du pays et la plupart des hommes politiques, de droite comme de gauche, comme le problème majeur du pays, ou que la notion d’investissement dans le capital humain est totalement incomprise en France avec, par exemple l’éducation ou la santé  qui sont considérés comme des dépenses courantes à réduire  et non des investissements dans l’avenir ?

A force d’expliquer à longueur d’années aux Français qu’ils vivaient au-dessus de leurs moyens, qu’il ne fallait jamais s’endetter quel que soit la cause de l’endettement, qu’il fallait gérer le pays comme un « bon père de famille », que les dépenses publiques étaient à 99,9% inutiles,  le message a tout de même fini par passer auprès d’une bonne part de la population. « Nous sommes en faillite », comme a dit un ancien Premier Ministre, donc il faut faire des économies drastiques, c’est logique. Cela n’a pour le coup rien de « culturel », c’est le résultat d’une longue et continue propagande, qui fait toujours comme si l’appareil productif de la France – capitaux et travailleurs - était devenu moins productif en 2015 qu’en 1900, et que, donc, elle ne pouvait plus rien offrir à ses habitants que des restrictions sans fin. 

Par contre, ce message a sans doute un écho d’autant plus fort dans l’opinion publique que l’âge moyen des électeurs évolue vers les âges élevés. A quoi bon préparer l’avenir si l’on sait dans le fond que l’on a pour quelques années seulement ? Après moi, le déluge n’est-ce pas ? Et puis après tout n’est-ce pas une conviction constante des « vieux » que les « jeunes » ne savent plus travailler ? L’importance donné par les gouvernements européens à la préservation de la valeur de la dette publique des Etats européens, à l’exception des détenteurs grecs de la dette grecque, correspond aussi à ce poids politique croissant des épargnants et de leurs représentants institutionnels (les banques, les compagnies d’assurance). Dans son livre de mémoires, La France pour la vie (Paris : Plon, 2016), Nicolas Sarkozy dit bien pour décrire sa gestion de la crise économique qu’ « Il en allait de rien de moins que la sauvegarde de l’épargne des Français qui pouvaient tout perdre. Et qui grâce à notre action collective n’ont rien perdu ». (p. 211) Il n’a pas été le seul dirigeant européen à donner la priorité aux épargnants. 

Nicolas Goetzmann : L’ensemble des débats politiques et économiques se concentrent sur des questions subalternes. Entre la dégressivité des allocations chômage et le pacte de responsabilité, les questions qui polarisent l’opinion n’ont qu’une importance très relative eu égard aux véritables centres de pouvoir économique. Qui s’intéresse réellement au pouvoir de la BCE dans le débat politique ? Pourtant, c’est bien l’action d’une banque centrale qui détermine l’essentiel d’une politique économique, et si celle-ci n’est pas efficiente, le reste devient dérisoire. Une large part de l’opinion garde à l’esprit les ravages de l’inflation des années 70, et fait de la stabilité des prix l’Alpha et l’Omega de toute politique économique. Pourtant, le dragon inflationniste a été terrassé depuis bien longtemps, et cet acharnement a conduit aux menaces déflationnistes que nous connaissons actuellement. Comme cela a déjà été le cas au cours des années 30. De plus, depuis Maastricht, la délocalisation de la politique monétaire européenne à Francfort a conduit à un désintérêt de la population pour ces questions. Tout ce qui compte, c’est d’éviter les dévaluations, ou les “guerres de change”. Mais ce seul vocabulaire ne correspond plus aux problématiques actuelles, l’évolution de la matière monétaire a été considérable au cours de ces dernières années, et les logiques sont différentes de celles d’il y a 30 ans. Alors on préfère se référer à des marqueurs idéologiques entre gauche et droite, dépenses publiques ou non, 35 heures ou non etc.… plutôt que de parler véritablement d’économie, et notamment de ce qui a pu marcher ailleurs. 

D'un point de vue politique, les recommandations faites par ces organismes semblent plus se rapprocher de la vision des partis français les plus radicaux. Faut-il en conclure que ce sont les partis de "gouvernement" qui font l'impasse sur la situation réelle ?

Christophe Bouillaud : En tout cas, dans la zone euro, le refus de ce qui est perçu comme du keynésianisme par les principaux gouvernements, dont surtout le gouvernement allemand, est telle qu’on en arrive à ce genre de situation presque surréaliste où ce sont du coup les partis radicaux, parfois animés par des anticapitalistes affirmés, qui veulent sauver le capitalisme européen de lui-même en l’incitant à suivre les recettes du FMI et de l’OCDE. Il me semble que le refus total de considérer d’autres solutions que la poursuite des politiques d’ajustement budgétaire et surtout de dévaluation interne qui reviennent à une course sans fin au moins-disant correspond au fait que les gouvernements nationaux ne se font aucune confiance.

Tout le monde se gargarise de coordination des politiques économiques entre pays européens, mais, en réalité, sur le fond, la relance budgétaire coordonnée est impossible, parce tout le monde craint que la demande qu’il va créer par ses dépenses publiques supplémentaires ne crée pas des débouchés pour ses propres entreprises, mais pour celles des voisins, et donc qu’il ne lui reste sur les bras que les dettes ainsi créés. C’est le vieux blocage européen qui remonte en fait aux années 1970 où, déjà, les pays européens avaient été incapables d’affronter ensemble les suites de la première crise pétrolière. Cette situation est liée au fait que les différentiels de compétitivité à un moment donné en Europe restent toujours forts et aux effets assez prévisibles. Aujourd’hui, par exemple, une forte relance européenne « profiterait » sans doute plus à l’industrie espagnole, polonaise ou portugaise que française ou allemande, en raison des coûts relatifs de chacun.

De fait, il existe une compétition en Europe pour garder l’industrie sur son propre territoire national. L’Allemagne a tout fait depuis la fin des années 1990 pour ne pas se désindustrialiser, les autres pays comme la France ou l’Italie veulent faire de même, et les pays du sud et de l’est veulent s’industrialiser. Une relance coordonnée devrait garantir à chacun que tout le monde gardera son industrie ou pourra en créer une. Par ailleurs, chaque parti de gouvernement dans chaque pays ne raisonne que par rapport aux comptes publics de son propre pays, et il n’arrive jamais à se mettre au service d’un bien commun, qui supposerait que tout le monde augmente fortement ses dépenses publiques en même temps. Comment expliquer à nos braves compatriotes d’Outre-Rhin qu’il faudrait que l’Allemagne s’endette plus pour faire fonctionner les industries espagnoles, italiennes, portugaises, etc. ? La faiblesse du budget communautaire et son absence de ressources propres ne permet pas en plus de relancer par le budget fédéral comme aux Etats-Unis. Les opposants de gauche en particulier, comme le groupe qui est en train de former autour de l’ancien Ministre de l’Economie grec, Y. Varoufakis, sont en bien meilleure position de ce point de vue pour avoir une vue plus globale de la situation, puisque, justement, ils ne gèrent pas un pays – qui risque toujours d’être trahi par ses partenaires européens qui sont aussi en même temps des rivaux économiques -, mais rêvent de gérer l’Union toute entière sur une visée internationaliste. 

Depuis 2007, le seul moment où les gouvernements européens ont été prêts à une relance coordonnée, c’est à l’automne 2008 quand ils ont cru voir arriver la fin du monde capitaliste. Ce n’est qu’au bord du gouffre que les « boutiquiers » nationaux sont devenus un peu « collectif » européen - comme on dit en sport -, pour oublier cela immédiatement après. Les nouveaux gouffres qui s’annoncent vont peut-être les réveiller. 

Nicolas Goetzmann : La vision qui domine le débat est celle de l’entreprise. La seule référence aux entrepreneurs permet de valider à priori le bon sens d’une réforme. L’idée matrice de cet état de fait est que l’on considère que ce sont les entreprises qui créent les emplois, et qu’il est donc tout naturel de se référer aux besoins des entreprises pour comprendre les moteurs de la croissance. Pourtant, et si le point de vue des entrepreneurs est essentiel, il n’est pas suffisant. On ne peut pas réduire l’économie d’une nation aux baisses de charge ou au rétablissement des taux de marges. La macroéconomie relève des pouvoirs publics et non des entreprises.

Quel est le point de vue du Medef sur la politique monétaire européenne ? Les entreprises font pression sur le gouvernement pour obtenir une réduction de leur fiscalité dans une logique de compétitivité, ce qui permet au bout du compte de gratter quelques miettes sur les coûts de production. Dans le même temps, la Banque centrale européenne lance un vaste programme monétaire qui conduit à une baisse de 20% de l’euro par rapport au dollar. Il n’est même pas question de comparer la puissance des effets de ces deux politiques, cela serait indécent. Les partis de gouvernement français sont pourtant très imprégnés de cette approche “entreprise”. Encore une fois, il ne s’agit évidemment pas d’écarter ce point de vue, mais de le mettre en perspective avec les leviers qui sont à la disposition d’un Etat. Non, un Etat ne se gère pas comme un ménage, pas plus que comme une entreprise. Les ménages et les entreprises ne disposent pas d’une banque centrale, et c’est ce qui fait toute la différence. Un Etat, ou ici, la zone euro, a le choix de pousser ou de restreindre le niveau d’activité en utilisant sa monnaie. En Allemagne, la logique est la même. Les organisations patronale sont très puissantes et parviennent à imposer leurs vues, ce qui a conduit à la formation de lourds déséquilibres en Europe, entre un sud dévasté, et une Allemagne forte. 

Au regard des problématiques européennes, relatives à la dette et aux déficits, comment évaluer la pertinence des recommandations faites par l'OCDE ? La référence explicite à la nécessaire mise en place d'investissements publics en infrastructure n'est-elle pas en totale opposition avec les problématiques du continent ?

Christophe Bouillaud : Il existe tout de même déjà « le plan Juncker », lui-même lointain héritier des idées de Jacques Delors dans les années 1990. Cependant, ce plan d’investissement est sans commune mesure avec ce qu’il serait possible de faire. Il me semblerait assez absurde de prétendre que les pays de l’Union européenne n’ont plus besoin d’investissements publics en infrastructure.

En France, il existe un très bon exemple : le projet du Grand Paris va selon ce qui est prévu, faute de financements, trainer en longueur sur des décennies. Or améliorer les infrastructures en particulier les transports dans cette métropole aux ambitions européennes et mondiales, pourrait être une priorité européenne immédiate. Pourquoi ne pas faire tout cela en deux ans, « à la chinoise » si j’ose dire ? Il y a énormément de travaux publics  à réaliser en France et ailleurs en Europe, surtout si l’on pense à tout ce qui concerne l’adaptation au changement climatique.

S’il est bien choisi, un investissement se rembourse en plus de lui-même par le surcroît de croissance qu’il procure ensuite. Bien sûr, on peut se tromper d’investissement public, mais il ne faut pas exagérer ce risque d’erreurs. Et il peut aussi y avoir des investissements publics qui n’ont l’air d’un échec au départ, mais qui finissent par rapporter beaucoup ensuite, comme avec le Concorde. 

Nicolas Goetzmann : La BCE, le FMI, l’OCDE, et d’autres font pression sur l’Allemagne pour que le pays cesse de mener sa politique de 0 déficits, et relance enfin son activité. Parce que les équipements en infrastructure en Allemagne sont vieillissants. Avec des taux d’intérêts proches de 0, l’Allemagne pourrait ainsi faire fructifier son potentiel de croissance avec de tels investissements à coût 0. Elle a donc tout à y gagner et rien à y perdre. De plus, une telle relance permettrait aux pays européens les plus en difficulté de profiter un peu d’une telle politique. Mais la logique comptable prend le dessus, et ce, en dépit de toute logique économique. De la même façon, l’Allemagne s’oppose par principe à toute action monétaire, dans une logique de pur rigorisme, découlant de l’ordolibéralisme. 

Plus largement, l’erreur fondamentale est de croire que les questions de dettes et de déficits sont prioritaires, et de les voir comme une cause de la crise. Alors qu’elles ne sont que la conséquence du manque de croissance. C’est le manque de croissance qui pousse les Etats vers les déficits, et donc vers toujours plus de dette. Il faut donc agir en priorité sur la cause, c’est-à-dire sur la croissance. Ce qui passe par une large action de la Banque centrale, par de la relance sur les investissements publics en infrastructure.

Puis, lorsque la croissance sera retrouvée, et stabilisée, alors les différentes réformes dont les dirigeants français sont friands prendront leur sens. Dans le contexte actuel, qui mériterait de voir les pouvoirs publics tirer la sonnette d’alarme, les dirigeants européens doivent soutenir largement l’action de Mario Draghi, pour qu’il aille toujours plus loin, et ce, jusqu’à ce que la croissance européenne parvienne à rejoindre son potentiel. 

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