Pourquoi les Kurdes pourraient bien ne rien gagner à avoir été les premiers à combattre l’Etat islamique<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Pourquoi les Kurdes pourraient bien ne rien gagner à avoir été les premiers à combattre l’Etat islamique
©Reuters

Dindons de la farce

Victime d'un attentat à la voiture piégée avant-hier en plein centre-ville d'Ankara, la Turquie a pointé la responsabilité de terroristes kurdes. Ces derniers ont été les premiers à lutter contre l'Etat islamique, mais cela ne les empêche pas d'être dans le collimateur de la communauté internationale.

Meriem Amellal

Meriem Amellal

Meriem Amellal est journaliste. Elle présente Une semaine au Moyen-Orient : émission sur le Moyen-Orient le vendredi à 18h40 sur France 24.

Voir la bio »

Atlantico : Comment expliquer leur "statut" isolé sur la scène internationale ? En quoi sont-ils responsables de leur isolement ? En quoi peut-on parler d'une certaine façon d'une forme d'hypocrisie de la communauté internationale ? En quoi peuvent-ils s'attendre à être lâché par tout le monde ?

Meriem Amellal-Lalmas : Les forces kurdes ont été armées, entraînées pour être en quelques sortes « la représentation occidentale » sur le terrain pour lutter contre les djihadistes. Car ni les Américains ni les autres occidentaux ne souhaitaient y aller... Tout le monde y a trouvé son compte : les Kurdes, qui gagnent un statut et les Occidentaux qui ont des combattants dignes de confiance au sol.

Ce fameux statut est donc celui d’allié fiable des Occidentaux. Sauf que sur le terrain en 5 ans de guerre en Syrie et depuis l’émergence de Daech les choses ont beaucoup évoluées. La Turquie pèse dans l’échiquier, les russes sont entrés officiellement dans le jeu aux côté du régime syrien et surtout les américains du point de vu de beaucoup d’analystes ont « lâché la région » Les Kurdes sont aujourd’hui en très mauvaise posture et la fidélité de leurs alliés est très fragile. Les Occidentaux n’iront pas au-delà de leurs intérêts directs pour « les beaux yeux des kurdes » en d’autres termes pour un projet (Etat kurde) dont ils doutent en plus de la faisabilité, à juste titre. De plus, il y a urgence dans la mesure ou la guerre en Syrie à des conséquences migratoires graves et incontrôlables en Europe. Il est évident que Les européens préférons discuter et se rapprocher de la Turquie pour régler ces questions que de soutenir les prémisses d’un Etat kurde. D’autant que sur le terrain, même si les médias occidentaux, en parlent peu, les forces kurdes de mouvances politiques concurrentes se livrent une bataille acharnée et se disputent la reconquête des territoires. Les alliés des kurdes le savent très bien la le projet d’un seul Etat kurde rassemblant les kurdes de Turquie d’Iran d’Irak de Syrie est très peu probable pour des raisons politiques mais aussi linguistiques et culturelles.

En quoi le traitement des Kurdes est-il en train de se retourner en Europe, en France, au Moyen-Orient dans les médias ? Comment l'expliquer ?

L’Europe ne peut plus traiter le problème syrien comme un problème extérieur tout simplement parce que la guerre en Syrie n’est plus la guerre « des autres » sur le territoire « des autres ». Les conséquences migratoires, sécuritaires et idéologiques ont débarqué sur le sol européen. Il n’est donc plus question de politique ou d’alliances idéologiques il faut aller à l’essentiel. Soutenir les kurdes  est plus rassurant que de soutenir l’Iran par exemple mais il y a urgence et il faut être efficace. il faut s’allier parfois avec ses ennemies pour lutter contre le pire ennemie (EI). Il y a qu’a jeté un œil sur le terrain syrien. Les alliances ne répondent à aucune logique. Tout simplement par ce que tout le monde agit en fonction de ses intérêts. Nous avons les Russes, le régime de Bachar al Assad, les forces de la coalition qui luttent tous « officiellement » contre les djihadistes du groupe EI. Même si tout le monde sait que Moscou frappe également les rebelles en soutien à Damas. En ce qui concerne les médias, il y a une véritable lassitude, je dirais intellectuelle,  vis-à-vis du conflit en Syrie. La question des réfugiés, les bombardements, les déplacés, les villes assiégées, la famine (madaya) et les images insoutenables d’enfants morts sur les plages turcs, même si le petit Aylan est kurde, poussent à penser que la question kurde n’est pas la priorité et qu’elle ne feraient que compliquer encore plus les choses sur le terrain.

Comment expliquer l'interventionnisme très précoces des Kurdes face à l'EI ? C'était un moyen idéal pour eux de récupérer des territoires ?

Les Kurdes ont en effet étaient les premiers à prendre les armes contre le groupe état islamique et c’est incontestablement pour des raisons culturelles. Les kurdes sont laïcs et pro occidentaux, ils ne voulaient en aucun cas d’un régime à la « taliban » à leurs portes.  le meilleur exemple et la place de la femme dans la société kurde.

La seconde raison est évidente, les Kurdes ont vu là une opportunité stratégique à lutter contre Daech. La Région Autonome kurde d’Irak a saisie l’occasion pour annoncer un referendum sur l’Independence du Kurdistan, conquérir des territoires en récupérant certaines villes prises par les Djihadsites. Elle a annoncé la création future d’une ville entièrement chrétienne peuplée de déplacés de Mossoul et ce n’est pas que par préoccupation pour les cjrteines mais aussi pour s’attirer la sympathie des occidentaux. Le but politique des kurdes est de  s’imposer comme une force tolérante, fiable et efficace à l’opposée du gouvernement central irakien souvent dépassé, dont l’armée a souvent reculé face à l’ennemie et dont les milices chiites qui prennent part à la reconquête du pays sont soupçonnées de tortures et exactions.

Pourquoi les kurdes continuent-ils à s'attaquer à la Turquie alors qu'ils ont déjà crée un front avec l'EI ?

Si les turcs ont désigné les kurdes comme « ennemie public numéro  un »  avant même les djihadistes dans la hiérarchie d’Ankara et bien cela est réciproque. Pour les kurdes, lutter contre le groupe état islamique est une urgence absolue, une stratégie politique et territoriale mais il y a aussi le long terme. Il faut préparer le terrain pour la suite. Et dans le futur, l’obstacle à la création d’un état kurde, c’est Ankara, la Turquie, pèsera de toutes ses forces pour l’en empêcher. Les Kurdes le savent parfaitement. Seulement il faut rester prudent et prendre avec beaucoup de précautions les violences qu’Ankara attribue aux kurdes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !