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Les demandes insistantes d’EDF en faveur d’une hausse des tarifs mettent l’Etat actionnaire dans une position délicate
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Court-circuit

Ce mardi 16 février, le PDG d’EDF a demandé à l’Etat "un rattrapage sur les tarifs réglementés des particuliers". Un appel du pied insistant de la part de l'entreprise publique qui fait face à une concurrence économique importante. Même si l'inflation est faible, EDF met la pression sur son actionnaire principal.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Comment expliquer une telle décision ? Les entreprises publiques sont-elles prises dans le tourbillon du profit ? Est-ce un réflexe justifié par le fait qu'on n'a pas augmenté depuis longtemps ? Et/ou peut-on l'expliquer par la nécessité de vrais travaux de rénovation ou d'investissements d'infrastructures ?

Jean-Luc Bœuf : L’adéquation entre les demandes d’une entreprise publique et les contraintes de son actionnaire de référence, l’Etat en l’occurrence, est particulièrement difficile à réaliser. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un « bien » très sensible, celui de l’électricité. Il concerne concrètement les dizaines de millions de foyers et l’impact d’une augmentation se mesure en dizaines d’euros sur la facture. Ensuite, parce que nous sommes dans une période d’inflation quasi-nulle. Dès lors, les usagers ont du mal à accepter une hausse, pensant qu’elle va servir à augmenter les « profits » de l’entreprise. Enfin, les pouvoirs publics sont contraints par les décisions de justice. Rappelons-nous du début des années 2010 où des millions de foyers ont reçu des avis à payer pour des régularisations de facture, suite à un long feuilleton juridique qui s’est terminé devant le Conseil d’Etat. La haute juridiction a jugé que le Gouvernement n’avait pas fixé l’augmentation des tarifs à un niveau assez élevé !

Que dire du patron d'EDF ? Quel est son profil ? Comment expliquer sa déclaration ? Est-ce pour faire plier le gouvernement ou est-ce le gouvernement qui le pousse à faire cette demande par essence impopulaire ?

La déclaration du patron d’EDF est celle d’un patron… qui parle à son actionnaire, lequel détient plus de 84% du capital ! Il ne s’agit pas pour lui de faire « plier » le gouvernement mais de rappeler les contraintes juridiques et financières. En attirant l’attention sur la question des tarifs réglementés, il sait bien qu’il recueillera toute l’écoute nécessaire, dans les limites politiques imposées… Dans les jeux de rôles nécessaires aux figures imposées, les pouvoirs publics doivent désormais prendre les décisions qui, tout à la fois, ne mettent pas son entreprise en difficulté, ne mécontentent pas (trop) les usagers et sans s’attirer les foudres de la justice administrative. La résolution de l’équation est difficile !

Les entreprises publiques sont-elles entrées dans l'air du tout libéral ? Une entreprise publique n'est-elle pas là pour apporter une aide / un bien et non pour faire du profit ?

Les entreprises publiques s’adaptent à leur environnement. C’est une simple question de survie pour elles. En ce qui concerne EDF, la mue a été particulièrement impressionnante ces dernières décennies, puisque l’on est passé d’une seule entité, EDF-GDF, à une multitude d’acteurs, avec en outre la scission de la distribution de la production. Pour ce qui est de la filière électronucléaire, n’oublions pas de rendre hommage aux décisions prises depuis les années 1950 par tous les dirigeants français, au-delà des contingences partisanes. Ce serait d’ailleurs l’occasion de participer à la réhabilitation de la Quatrième République, ce « régime trop faible pour les temps trop durs » selon les historiens, mais qui a permis de lancer la France sur les défis de l’atome et dont on trouvera la prolongation concrète dans le programme électro-nucléaire des années 1970. Il est tellement facile aujourd’hui de critiquer le « tout nucléaire » mais il a apporté une réelle relative indépendance énergétique à la France ainsi que la maitrise d’un savoir-faire exportable. La maîtrise de la filière UNGG (uranium naturel graphite gaz) dans les années 1960 a permis de tenir tête aux Américains, avant d'opter pour la filière PWR, celle des réacteurs à eau pressurisée.

Une telle augmentation est-elle dans l'air du temps ? Quelle est l'opinion des politiques sur le sujet ? Y a-t-il un clivage gauche / droite ou s'est-il estompé ?

La réponse des hommes politiques va différer selon qu’ils se situent dans la majorité ou l’opposition et le clivage est moins prégnant que durant les années 1970, sous les gouvernements de Raymond Barre par exemple, durant les années 1980, avec la présence de ministres communistes au gouvernement ou encore au tournant des années 2000, avec les volontés européennes de faire plier toute l’économie aux règles du « tout concurrence ». Aujourd’hui EDF est confrontée à la question du vieillissement du parc électro-nucléaire et aux conditions de son renouvellement. Renouvellement qui ne veut pas nécessairement dire « remplacement » de chaque centrale … au regard des contraintes liées à l’environnement.  

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