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Déchéance de nationalité : Nicolas Sarkozy remporte la première manche de la guerre des droites au Parlement… et François Fillon prépare sa revanche au Sénat
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Ce mardi soir, 111 parlementaires LR ont voté pour la révision constitutionnelle soutenue par Nicolas Sarkozy contre 74 qui s’y sont opposés. Loin du camouflet attendu...

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Le vote de la révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale a montré que le message de Nicolas Sarkozy n'était pas tout à fait passé. Ce mardi soir, sur la seule déchéance de nationalité, 30 députés LR ont voté contre et 32 pour. Hier sur l'ensemble du texte, ils étaient 111 pour et 74 contre. En quoi ces résultats montrent-ils une forme de désunion entre Sarkozy et les parlementaires LR malgré la victoire finale de Sarkozy ? Peut-on parler d'incompréhension si ce n'est de rupture ?

Christelle Bertrand : Il n’est pas envisageable dans un premier temps de parler de rupture dans la mesure où 111 parlementaires LR ont voté pour la révision constitutionnelle soutenue par Nicolas Sarkozy contre 74 qui s’y sont opposés. Ce n'est pas le camouflet qui était attendu. Par contre, ce vote montre que les parlementaires LR n'ont plus peur de voter contre l'ancien chef de l'Etat. Sarkozy s'est quand même déplacé avant-hier matin à l'Assemblée nationale pour parler au groupe Les Républicains. Il y a défendu devant eux son point de vue, à savoir qu'il fallait voter la réforme constitutionnelle dans la mesure où les électeurs y étaient favorables. A sa demande, le texte avait été amélioré par François Hollande. Mais 74 élus n'ont tout de même pas hésité à voter contre. Il y a donc une prise de distance d'une partie du groupe vis-à-vis du président de LR.

Déjà durant son quinquennat Sarkozy avait eu des relations orageuses et compliquées avec les parlementaires. Comment expliquer ces tensions ? En quoi ne sont-elles pas nouvelles ?

En effet, ces tensions ne datent pas d'hier mais elles se sont accrues ces derniers temps, principalement depuis que Nicolas Sarkozy n'est plus à l'Elysée. Elles ont augmenté aussi récemment parce que les parlementaires restent extrêmement sensibles aux sondages. Ils visent avant tout leur réélection et suivent donc le favori des enquêtes d'opinion. Nicolas Sarkozy ne l'étant plus depuis plusieurs semaines, les députés ont une plus grande facilité à prendre leur distance par rapport à l'ancien chef de l'Etat.

Par ailleurs, Nicolas Sarkozy n'a jamais très bien traité les parlementaires. On le lui a reproché. Le président LR en reçoit certains, surtout des proches. Mais en ce qui concerne les autres, il a tendance à les "mépriser" légèrement, en tout cas à leur accorder peu d'égard. Cette situation créée des tensions, d'autant plus que lorsque Nicolas Sarkozy les voit, c'est pour les critiquer ou leur donner des instructions comme il l'a fait avant-hier matin à la réunion de groupe de LR à l'Assemblée nationale. Or, les députés n'aiment pas vraiment qu'on leur donne des ordres sans qu'il y ait derrière un minimum d'écoute et d'attention.    

Il faut aussi prendre en compte un autre facteur. Lorsqu'il a été président des élus UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé a permis au groupe de prendre une certaine autonomie vis-à-vis du chef de l'Etat qui était à l'époque Nicolas Sarkozy. Il avait cette expression : "loyal mais pas vassal." Depuis, le groupe LR a conservé cette forme d'indépendance vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. On l'a très bien vu lorsque François Fillon a créé son groupe indépendant à la suite de la guerre qui l'opposait à Jean-François Copé pour la présidence de l'UMP. Un certain nombre de parlementaires l'avaient suivi. Ils ont ainsi d'une certaine façon marqué leur différence par rapport à Nicolas Sarkozy qui soutenait alors davantage Copé que Fillon. Donc cette tension ne date pas d'hier.

Enfin, Nicolas Sarkozy a été parlementaire mais il l'a été peu de temps. Il a clairement préféré son mandat de maire à celui de député qu'il n'affectionne pas particulièrement.

Certains anciens proches de Sarkozy ont voté contre et donc à l’inverse de sa consigne. C’est le cas de Guaino ou encore NKM. Que pensez de ces votes ?

Dans ces différents cas, il s'agit moins d'une défiance vis-à-vis de Nicolas Sarkozy que de la construction d'un avenir et d'une carrière personnelle. Nathalie Kosciusko-Morizet devrait annoncer prochainement sa candidature à la primaire LR donc elle affirme une différence par rapport à l'ancien chef de l'Etat. Elle le manifeste d'autant plus qu'elle en a été très proche à une époque.

En ce qui concerne Henri Guaino, celui-ci menacerait, m'a-t-on dit, Nicolas Sarkozy de se présenter à la primaire. C'est une façon de marquer sa différence là aussi avec l'ancien pensionnaire de l'Elysée. Il l'a déjà fait la semaine dernière lors du bureau politique LR. Il y a exprimé un très fort mécontentement à l'égard de la nomination d'une secrétaire d'Etat départementale dans son département. Cette indignation était d'autant plus forte qu'il n'avait pas été tenu informé par Nicolas Sarkozy de cette nomination. Il a eu lors de cette réunion un véritable coup de sang. Certains m'ont expliqué qu'il en était quasiment venu aux larmes donc je pense que c'est une manière pour Guaino de taper du poing sur la table.

Alain Juppé a affirmé dans un tweet : "Révision de la constitution : exemple caricatural de la réforme inutile qui divise tous les groupes du Parlement. À éviter !" Va-t-on vers un front anti-Sarkozy ?

C'est un peu l'impression que m'a donné le tweet d'Alain Juppé. Ce dernier était jusqu'à présent assez flou quant à ses intentions. Il affirmait qu'il était contre la déchéance de nationalité mais qu'il voterait pour le texte par solidarité avec le gouvernement dans une situation compliquée, à savoir post-attentat. Ce tweet montre donc qu'il s'est éloigné de cette position là pour dire que la révision de la constitution était caricaturale. Il semble donc qu'il est en train de rallier le camp du "non" peut-être pour isoler Nicolas Sarkozy qui, lui, se retrouve un peu plus seul dans le camp du "oui" avec Bruno Lemaire.

Peut-on parler d'une tentation de créer un front anti-Sarkozy, notamment pour sortir Sarkozy de la course et passer d’une guerre à 3 (Fillon, Juppé, Sarkozy) à un duel ?

Effectivement, il y a une tentation de refaire une ligue tout sauf Sarkozy. A une époque, on parlait d'un front anti-Sarkozy que l'on appelait le TSF ("Tout Sauf Sarkozy"). C'est d'une certaine façon ce que l'on observe de nouveau aujourd'hui. L'alliance des outsiders – même si ce terme va mal à Alain Juppé – contre le leader du parti LR semble en marche. Ils ont en effet tout intérêt à adopter la même position pour faire chuter l'ancien chef de l'Etat. Et c'est peut-être ce à quoi nous sommes en train d'assister. 

En quoi Sarkozy joue son avenir sur le vote au Congrès ?

Je ne pense pas que Sarkozy joue son avenir sur ce texte. Il joue tout de même une partie importante qui est de savoir qui a la main sur le groupe parlementaire. Il a souvent été dit qu'Alain Juppé avait peu de soutien chez les parlementaires parce que lui non plus, comme Nicolas Sarkozy, ne les traite pas très bien. Visiblement, de nombreux députés étaient tentés de suivre François Fillon dans sa démarche d'appeler à voter contre ce texte. Donc quel est l'influence de l'ancien chef de l'Etat sur le groupe parlementaire ? C'est une vraie question car les élus sont des relais locaux mais aussi médiatiques importants – bien plus à cet égard que les sénateurs. C'est eux qui parlent aux journalistes dans la salle des Quatre Colonnes à l'Assemblée nationale mais aussi qui occupent les plateaux télé le soir.

Et depuis quelques temps il s'avère que Nicolas Sarkozy ne bénéficie pas d'un soutien forcément acquis de la part des parlementaires même si le vote d'hier soir lui assure tout de même la majorité. 

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