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Prêts entre particuliers sur Internet : les pièges à éviter
©Torange

Argent facile ?

Entreprises, immobilier, santé, éducation, etc. : les plateformes de prêt entre particuliers, ou crowdlending, connaissent un grand succès. Permettant de financer des projets pour lesquels les banques sont généralement frileuses, le prêt en peer-to-peer présente cependant des risques liés notamment à une mauvaise évaluation des risques de solvabilité.

Eric Coder

Eric Coder

Eric Coder est journaliste.

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Les prêts en peer-to-peer sont des financements sur Internet qui facilitent les recours aux crédits en-dehors du circuit bancaire traditionnel, en connectant les consommateurs et les petites entreprises directement avec les investisseurs potentiels.

Le crowdlending a tellement le vent en poupe que les autorités américaines veulent désormais réguler cette activité. Une annonce qui a fait chuter en bourse le leader du marché US, Lending Club. Cette plateforme, qui brasse désormais des milliards de dollars, n'a pas eu à se doter d'agréments contraignants à ses débuts mais les autorités des marchés financiers commencent à se pencher sur la question. Elles étudient un moyen de rendre plus strictes les procédures de contrôle de solvabilité de ceux qui recherchent un crédit. Malgré tout, les analystes ne sont pas pessimistes quant à l'avenir de la société car LendingClub est un pionnier qui s'est positionné sur un marché en croissance. D'ailleurs, depuis la mi-février, le cours de l'action commence déjà à remonter. Et la banque Goldman Sachs vient d'annoncer le lancement de sa propre plateforme de prêt...

Du cash de façon simple et rapide

Les prêts collaboratifs en peer-to-peer mettent en relation des personnes qui ont des projets à financer avec des personnes qui ont des fonds à investir, sans passer par une banque. Ces crédits sont conclus en général pour une durée de 2 à 5 ans, le montant peut varier entre 3 000 et 40 000 €, le taux d'intérêt dépend du montant demandé et de la durée souhaitée, les risques sont mutualisés entre tous les prêteurs, et la plateforme qui organise ce crédit collaboratif n'est rémunérée que par les frais de dossier versés par les emprunteurs. L'ensemble des intérêts sont, quant-à-eux, versé aux prêteurs.

Ces crédits sont devenus de réelles opportunités de financement pour les particuliers et les PME à la recherche de cash de façon simple et rapide quand les banques, depuis de longues années, sont devenues extrêmement frileuses sur ces dossiers.

Redonner du sens à son épargne

Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférences en Economie à l'université Paris-I, où elle dirige le Master 2 Professionnel "Contrôle des risques bancaires, sécurité financière et conformité", l'essor des plateformes de prêts en peer-to-peer est un phénomène qui s'est renforcé en raison de la crise financière, avec le rationnement des crédits et le durcissement des prêts. Elle ajoute que " la méfiance envers le secteur bancaire et la volonté de s'en émanciper ont poussé les PME à se tourner vers ces plateformes. Et pour les particuliers, un moyen de redonner du sens à son épargne ".

Ce marché s'est développé à grande vitesse aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où près de 8 milliards de dollars ont déjà été levés par les principaux acteurs. En France, le monopole bancaire empêchait ce marché de se développer, jusqu’à ce que le législateur ouvre une brèche dans ce monopole en 2014, permettant aux particuliers de prêter directement et fixant à 1 000 euros l’apport  maximal d’un  particulier à un  projet donné, et à 1 million d’euros le montant maximum emprunté par une entreprise par ce biais.

Financer ses études, l'achat d'une maison et même... son téléphone portable

Aujourd'hui, toutes les formes de prêts ont leur plateforme : le prêt aux entreprises, l'affacturage, l'éducation, la santé, ou l'immobilier. Elles permettent également de financer des études, des vacances, l'achat d'une voiture ou d'un mobile, etc. La plateforme la plus connue aux Etats-Unis est Lending Club, lancée par le Français Renaud Laplanche, qui a plus de 9 milliards de prêts à son actif en 2015. Un chiffre faible comparé aux 3 000 milliards du marché des prêts à la consommation aux Etats-Unis. Et les investisseurs se frottent les mains : ils engrangent près de 1,2 milliards de dollars d’intérêts. Les données fournies par Lending Club en 2014 indiquent que 61 % des emprunts servent au refinancement (dont 22 % au remboursement de dettes accumulées sur des cartes de crédit), 9 % à acheter d'autres biens de consommation et 6 % à financer des améliorations de l'habitat.Les prêts aux entreprises ne représentent que 2 % et, de façon générale, se révèlent plus chers que ceux octroyés par les établissements de crédit traditionnels. Avec Lending Club, il est possible d’emprunter jusqu’à 35 000 dollars, à rembourser sur une période de 2, 3 ou 5 ans. La durée de remboursement dépend du montant et du profil de l’emprunteur. En moyenne, les prêts tournent autour de 14 500 dollars. Les taux d’intérêt débutent à 6 % pour les prêts de courte durée et peuvent atteindre 33 %. Selon les dernières statistiques de la plateforme, le taux moyen est de 13,12 %.

La croissance du crédit à la consommation aux ménages, d'après la Banque de France, s'est accélérée en septembre 2015 dans les principaux pays européens : le taux de croissance annuel atteint 4,1 % en France, 2,2 % en Allemagne, 12,5 % en Italie et 3,6 % en Espagne. Dans l’ensemble de la zone Euro, ce taux de croissance s’établit à 2,6 % à la fin du troisième trimestre 2015.

Une bulle prête à exploser ?

En France, l'un des gros du secteur est Prêt d'Union, dont Crédit Mutuel Arkéa est l'un des actionnaires. Il a reçu 5 448 240 500 € de demandes de crédit au 4 février 2016, a reversé 12 107 592,20 € en intérêts à ses investisseurs, et a financé pour 277 108 500 € de crédits, à cette même date.

A ce jour, le secteur du prêt en peer-to-peer a donc le vent en poupe mais il n'a pas encore fait ses preuves dans des conditions économiques difficiles. En cas de crise financière majeure, donc en dehors de toute prédiction économique, la capacité des emprunteurs à rembourser leurs crédits pourrait devenir très rapidement problématique. Certains s'interrogent ainsi sur les capacités du LendingClub à se financer et parlent de " Lending bubble ", comme d'une bulle prête à exploser. Son éventuelle défaillance pouvant ainsi entraîner en cascade tout le secteur dans sa chute.

Les banques, dans l'impossibilité d'offrir des crédits à risques et pour ne pas rester à la traîne du financement participatif, face à cette forme d'ubérisation du secteur, se sont tournées vers les crédits en peer-to-peer soumis à un cadre juridique plus souple. Avec tous les dangers inhérents. Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, " les banques entrent au capital de ces plateformes afin de ne pas rater le coche, elles s'adaptent,  mais elles ne font pas leur métier". 

De plus, ce secteur n'est pas forcément à l'abri des escrocs, comme en témoigne le site chinois de crowdlending Ezubao qui a floué, début février, près d'un million de personnes en utilisant une boucle de Ponzi. Ce site de prêts entre particuliers promettait des rendements de 9 % à 14,6 % et au total ce sont 7,6 milliards de dollars qui ont été extorqués aux utilisateurs du site. Selon le Wall Street Journal, la somme prêtée sur les plateformes a atteint en Chine 16,98 milliards de dollars en 2014, ce qui représente une croissance de 300 % par rapport à l’année précédente.

Le crowdfunding, réponse à l'oligopole bancaire

En France, le problème du financement, notamment des TPE-PME-PMI, est un maronnier. Une des raisons est le manque de concurrence entre les banques et les autres établissements financiers. L'ACPR, le régulateur de la banque et de l'assurance, dans une étude, utilise carrément le mot d' "oligopole", dans un rapport sur le secteur de l'affacturage, dominé par quelques grands acteurs.

Une étude de Grégoire Chertok, membre du Conseil d'analyse économique, Pierre-Alain de Malleray, inspecteur des Finances, et Philippe Pouletty, président de France-Biotech, pointe une "certaine captivité de la clientèle PME" pour les banques et parle de "concurrence insatisfaisante" dans le secteur bancaire.

Le peer-to-peer connaît aussi un fort succès grâce à ces phénomènes. Le secteur doit sans doute grandir et devenir adulte, et notamment mettre en place les contrôles suffisants pour protéger les consommateurs et les investisseurs. Mais dans la mesure où il est une réponse au vrai problème de la concurrence entre les banques, il peut être salutaire.

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