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L’Europe confrontée à ses premiers cas de maladie de Zika :  les moustiques génétiquement modifiés sont-ils notre seul espoir de vaincre ce nouveau fléau ?
©Reuters

Antivirus ?

Tandis que la psychose du virus Zika grandit à Rio à la veille du carnaval, un citoyen danois vient d'être testé positif après un voyage en Amérique latine. Deux touristes britanniques avaient déjà été touchés.

Atlantico : Concentrée aujourd'hui au Brésil, l'épidémie de Zika est sur le point de s'étendre à tout le continent américain. La France d'Outre-Mer est aussi touchée. Quels sont les moyens existants pour contenir le virus Zika ?

Anna-Bella Failloux : Pour vaincre Zika, il faut soit tuer le moustique, soit le rendre incompétent à l'infection.

Pour tuer le moustique, la première stratégie consiste évidemment à utiliser des insecticides. Mais aujourd'hui ces populations de moustiques y sont devenues résistantes. La méthode alternative va donc consister à essayer d'imaginer une stratégie de modification génétique du moustique de manière à ce qu'il ne puisse plus se reproduire dans la nature.

C'est la compagnie Oxytec qui a développé un moustique transgénique qui a besoin d'un antibiotique - la tétracycline – pour survivre. Lorsque les larves se développent en laboratoire, on les met en présence de cette tétracycline. De cette façon-là, le développement se déroule normalement. Mais dans la nature, le moustique ne survit pas sans cet antibiotique. Même si la femelle se reproduit avec un moustique sauvage, il y aura des descendants qui vont tous mourir sans tétracycline. Au final, on va donc se retrouver avec une quantité de moustiques qui va diminuer, ce qui va limiter les risques de piqûres et le risque d'infection à l'homme.

La deuxième stratégie consiste à rendre le moustique incompétent, - c'est-à-dire incapable de reconnaître le virus -, via des manipulations en laboratoire. Une fois lâchés dans la nature, ces moustiques vont se reproduire avec des moustiques de la nature, ce qui va donner naissance à des descendants qui sont incompétents, incapables de transmettre le virus.

Quel est précisément le processus de transmission du virus ?

Deux espèces de moustiques sont capables de transmettre le virus Zika : Aedes aegypti, qui est une espèce tropicale, et Aedes albopictus, qui, elle, est à la fois tropicale et tempérée.

Seuls les moustiques femelles piquent parce qu'elles ont besoin de sang pour pouvoir développer leurs œufs. C'est par ce biais-là qu'elles absorbent le virus qui est dans le sang des personnes qui sont malades. Le virus présent dans le sang, lorsqu'il se retrouve dans l'estomac du moustique, est digéré en général pour se multiplier dans tous les organes internes du moustique. Le virus va alors se retrouver au niveau des glandes salivaires. Lorsque la femelle moustique va piquer à nouveau, elle va cracher de la salive et expulser le virus en même temps. C'est comme cela que la transmission se fait.

L'épidémie à laquelle on assiste actuellement est très invasive. Qu'est-ce qui est fait concrètement pour limiter son extension ?

Il y a déjà toute la lutte anti-vectorielle, qui consiste à tuer le moustique avec des insecticides. Il s'agit d'une mesure d'urgence qui fait partie du cahier des charges de beaucoup de centres de démoustication. Pour faire face à la résistance développée par certaines populations de moustiques à ces produits, les doses sont considérablement augmentées.

Malheureusement, cette mesure est insuffisante. Il est aussi nécessaire de tuer le moustique en sensibilisant la population à faire en sorte d'éliminer tous les gîtes larvaires, c'est-à-dire les petits contenants d'eau (gouttières bouchées, pots de fleurs, déchets extérieurs remplis d'eau de pluie). Tous ces petits contenants d'eau sont des gîtes où les larves se développent pour donner des adultes. Tout le monde doit nettoyer son jardin.

Sous les Tropiques - qui sont confrontés au problème de la dengue – ces réflexes sont déjà acquis depuis des années. Mais il faut renforcer ces mesures d'éducation sanitaire à de nombreux autres territoires en expliquant à la population qu'une partie de la résolution du problème leur appartient.

L'enjeu est d'autant plus important que c'est le même moustique qui transmet le zika, la dengue et le chikungunya. En effet, un moustique qui est infecté l'est toute sa vie. Il peut donc transmettre ces virus en même temps.

Les scientifiques se disent inquiets face à cette épidémie de Zika. Comment l'envisagez-vous ?

Cette épidémie, on l'envisage comme tous les problèmes de virus transmis par des moustiques. Il faut absolument essayer de comprendre pourquoi le Zika émerge aujourd'hui. Ce virus est en effet endémique à l'Afrique et à l'Asie. Il est sorti par le biais de personnes qui voyagent. L'intensification des échanges aussi bien des personnes que des marchandises va donc amplifier ce genre de problème. De plus, avec les changements climatiques, il y a de plus en plus d'endroits dans le monde qui sont compatibles avec le développement du moustique. Le problème n'est donc pas prêt de s'arranger.

On parle du zika, de la dengue et du chikungunya car ce sont des virus transmis par des moustiques qui piquent l'homme. Il existe 3300 espèces de moustiques et toutes ne piquent pas l'homme. D'autres virus vont donc forcément sortir du cycle sauvage.

Ces virus étaient au départ en circuit fermé dans un cycle sauvage entre des moustiques qui ne piquent pas l'homme et des singes. Ce virus est sorti à un moment donné parce qu'un moustique a piqué un singe infecté qui l'a transmis à l'homme. C'est ce que l'on appelle des événements d'émergence.

Dans la mesure où Zika ne tue pas, pourquoi cette épidémie est-elle considérée comme aussi inquiétante ?

Le virus Zika est inquiétant à cause des microcéphalies des nouveau-nés : les mamans qui ont été infectées au début de leur grossesse par le Zika ont donné des enfants qui ont une boîte crânienne et un cerveau plus petits que la normale. On ne sait pas comment cela s'est passé. On a vu seulement qu'il y avait une corrélation entre le fait que la maman a été infectée en début de grossesse et ces microcéphalies. Les conséquences sur le développement mental et intellectuel de ces enfants sont inquiétantes.

Par ailleurs, 70 à 80% des personnes qui ont contracté le virus ne sont pas malades car elles sont asymptomatiques. Ces symptômes sont les symptômes classiques de la dengue et du chikungunya, à savoir de la fièvre, des douleurs articulaires, des éruptions cutanées. Mais en général Zika ne tue pas, à la différence de la dengue.

Que faut-il faire à l'apparition des symptômes ?

Il faut aller voir directement un médecin. Théoriquement, en général, ce n'est pas trop grave. C'est moins grave que le chikungunya et la dengue. Le médecin prescrira du paracétamol car il n'y a pas de traitement. Il n'y a pas de vaccin non plus. On traite seulement les symptômes, surtout la fièvre.

Au niveau de la France, où en est-on et qu'avons-nous à craindre du virus Zika ?

En France métropolitaine, nous sommes dans une saison où il n'y a pas de moustiques. Donc nous sommes relativement protégés. Mais cela va peut-être changer bientôt, aux mois de mai et juin. Quant au mois d'août, avec les Jeux Olympiques au Brésil cet été, il risque d'y avoir un pic épidémique. Qui dit rassemblements de gens, dit en effet danger potentiel d'être infecté par le Zika et ensuite de dissémination du Zika en dehors du continent américain lorsque les personnes vont rentrer chez elles.

Si on prend le scénario de quelqu'un qui a contacté le Zika en Amérique du Sud et qui revient dans le sud de la France au mois d'août dans un endroit où le moustique prolifère bien, il suffit qu'un moustique prélève du sang sur cette personne pour que la contamination du moustique se fasse. Celui-ci pourra alors contaminer quelqu'un qui n'a pas quitté le territoire métropolitain. Cette personne sera alors un cas autochtone, c'est-à-dire quelqu'un qui a contracté le virus sans quitter le territoire français.

Au final, pensez-vous que le Zika va pouvoir être contenu ? Va-t-on réussir à éradiquer le virus ?

Non, je ne pense pas parce que nous n'avons ni traitement ni vaccin et que le moustique est difficile à contenir. Et là, ça va tellement vite que nous n'aurons pas trop le temps de mettre en place les stratégies pour pouvoir l'éradiquer.

Il revient donc à chacun de faire attention via les méthodes classiques : répulsifs, moustiquaires aux fenêtres, nettoyage du jardin au maximum et tout autour. 

Propos recueillis par Julie Beaufrère-Schiff

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