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A chaque président son choc : le "choc fiscal" pour Sarkozy, le "choc de simplification" pour Hollande
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Bonnes feuilles

"De toute façon, ça tiendra bien jusqu'en 2017..." C'est ainsi que François Hollande s'exprime parfois devant des proches. À quoi se réfère-t-il ?Réformes en trompe-l'œil, choc de simplification qui n'a jamais eu lieu, concours de pauvreté entre présidentiables, affectations ministérielles délirantes, lutte acharnée des réseaux au sommet de l'État... l'action des gouvernements depuis une décennie est une mascarade. Extrait de "Ça tiendra bien jusqu'en 2017..." de Sophie Coignard et Romain Gubert, aux éditions Albin Michel 1/2

Romain  Gubert

Romain Gubert

Romain Gubert est rédacteur en chef au Point. Il est l'auteur chez Albin Michel avec Emmanuel Saint-Martin de Et surtout, n'en parlez à personne... et avec Sophie Coignard de L'Oligarchie des incapables, best-seller paru début 2012, ainsi que La Caste Cannibale en 2014.

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Sophie Coignard

Sophie Coignard

Sophie Coignard, journaliste au Point, est l'auteur de nombreux ouvrages dont L'omerta française ou Michelle Obama, l'icône fragile.

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La bonne volonté du Président est touchante… La France, avec ses dizaines de milliers de réglementations, est devenue une exception baroque au XXIe siècle, comme le notent à intervalles réguliers les experts de l’OCDE, qui déplorent le gaspillage d’énergie et d’argent public qui en résulte. Le fin politique a bien vu dans la simplification un sujet consensuel sur lequel il ne rencontrerait aucune opposition. Chefs d’entreprise, maires, particuliers, directeurs d’hôpital et même fonctionnaires, tout le monde est d’accord…

En janvier 2013, moins d’un an après son arrivée à l’Élysée, François Hollande lance donc sa guerre contre les normes et les complications administratives en tout genre. Il commande un rapport à Thierry Mandon, le député PS de l’Essonne qui se passionne depuis des années pour le sujet. Il crée aussi une commission pour la simplification qu’il confie à un duo de « choc » : Thierry Mandon justement, mais aussi Guillaume Poitrinal, un chef d’entreprise reconnu : il a dirigé avec succès un géant de l’immobilier, le groupe Unibail, et a publié un livre remarqué par le Président qui raconte comment l’administration entrave les entrepreneurs (Poitrinal cite notamment le code de l’urbanisme qui a triplé de volume en quinze ans).

Les deux hommes mettent sur pied dix ateliers « collaboratifs » comprenant des élus, des chefs d’entreprise, des fonctionnaires… Ils font la liste de tout ce qui est absurde. De l’obligation pour tout poste de télévision vendu en France de disposer d’une prise Péritel (alors que cela ne sert plus à rien) à celle faite aux boulangers de déposer leurs dates de vacances à l’administration (un héritage de l’Ancien Régime), les deux hommes se plongent avec passion dans l’univers de Courteline et identifient rapidement plus de trois cent cinquante circulaires qui n’ont plus aucun sens.

Sauf que les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu. Les sympathiques réformateurs qui ont reçu carte blanche du Président comprennent que la simplification, c’est un peu comme le Paris-Roissy-Express : tout le monde trouve cela très bien, utile et nécessaire. Mais personne n’a vraiment envie de s’y mettre.

Le « choc » tourne court. Ses deux principaux architectes l’ont abandonné en cours de route. Thierry Mandon est passé à un autre sujet en devenant ministre de l’Enseignement supérieur. Guillaume Poitrinal, lui, a repris une PME. Avec son épouse, il construit désormais des maisons en bois et n’a plus le temps de secouer l’administration.

Mais François Hollande fait toujours semblant d’y croire. Et se console en constatant qu’il n’est pas le premier et sûrement pas le dernier !

Le charme discret de la Cosifrom

Avant lui, depuis plus de trente ans, chaque gouvernement fait son petit choc de simplification. En 1983, Pierre Mauroy, le premier, a créé une Cosiform (Commission pour la simplification des formalités). En 1995, sous Édouard Balladur, elle est remplacée par le Comité interministériel à la réforme de l’État (Ciré). Un peu plus tard, le Commissariat – le comité a disparu ! – à la réforme de l’État (Cré) est remplacé par la Délégation interministérielle à la réforme de l’État (Diré). Trois ans passent, Lionel Jospin est à Matignon. Il invente la Commission pour les simplifications administratives, la Cosa. Puis il fait rajouter dans un projet de loi quelques phrases qui résument son action : « L’amélioration des droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est une préoccupation constante des pouvoirs publics. Elle se traduit en permanence par des efforts des services de l’État, des collectivités territoriales et des autres services publics afin de délivrer au public les meilleures prestations possibles. » Il fallait bien un projet de loi pour que les choses soient dites !

En 2001, ce sont les sénateurs qui planchent sur la question. Ils proposent de créer une sorte de Conseil d’État de la simplification qui validerait, après le « vrai » Conseil d’État, toutes les lois et tous les règlements, pas sur le fond mais sur la forme. Ce nouveau « machin » comprendrait trois députés, trois sénateurs, trois élus locaux et quelques fonctionnaires. Bref, un étage de plus dans le mille-feuille administratif.

En 2002, Lionel Jospin n’est plus là. Mais Jean-Pierre Raffarin reprend le flambeau. Dans son discours de politique générale du 3 juillet 2002, lui aussi veut tout simplifier : « La vie des Français est devenue bien compliquée […]. Dans un certain nombre de domaines qui ne touchent pas aux équilibres fondamentaux de notre République mais qui concernent la paperasse, il y a trop d’ennuis et de tracasseries qui font qu'aujourd'hui les acteurs sociaux et économiques sont transformés en bureaucrates […]. La première mission de mon gouvernement sera de simplifier la vie des Français. » Applaudissements des députés.

En 2003, un an après son arrivée à Matignon, Raffarin n’a pas oublié ses belles paroles. Il crée une Délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l’État (DMGPSE), une Délégation aux usagers et aux simplifications administratives (Dusa) pour remplacer la Cosa ainsi qu’une Agence pour le développement de l’administration électronique (Adae). Puis en 2005, Dominique de Villepin lui succède. Et que fait-il ? Lui aussi, il simplifie ! Il crée une Direction générale de la modernisation de l’État (DGME). Nicolas Sarkozy ? Même chose. Son grand chantier, c’est la fameuse Revue générale des politiques publiques (RGPP), officiellement mise en place pour « simplifier » les rapports des citoyens et des chefs d’entreprise avec l’État. Il faut un État « plus lisible », « plus moderne » et « tourné vers les usagers », dit le Président. Et comme cette « révision générale » ne suffit pas, à la fin du quinquennat, un Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique est mis sur pied. L’ancienne DGME – devenue Direction interministérielle pour la modernisation de l’action publique (Dimap) et la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication (Disic) fusionnent.

Extrait de "Ça tiendra bien jusqu'en 2017..." de Sophie Coignard et Romain Gubert, publié aux éditions Albin Michel, 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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