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Corée du Nord : qui sont ces pays qui ont intérêt au maintien du régime des Kim ?
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Une peur jaune

Alors qu'aura lieu ce mercredi, le premier jour des funérailles de Kim Jong-il, un émissaire sud-coréen doit se rendre aux États-Unis pour évoquer les possibilités de relance des négociations à six (deux Corée, Chine, États-Unis, Japon, Russie), visant à obtenir un désarmement nucléaire de la Corée du Nord en échange d'une aide énergétique. Mais la communauté internationale souhaite-t'elle vraiment un changement de régime à Pyongyang ?

Pierre Rigoulot

Pierre Rigoulot

Pierre Rigoulot est historien et directeur de l'Institut d'histoire sociale

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Atlantico : Alors qu'auront lieu ce mercredi la première étape des funérailles de Kim Jong-il, un émissaire sud-coréen doit se rendre mercredi aux États-Unis pour évoquer les possibilités de relance des négociations à Six (deux Corées, Chine, États-Unis, Japon, Russie), visant à obtenir un désarmement nucléaire de la Corée du Nord en échange d'une aide énergétique.

Existe-t-il selon vous une hypocrisie de la communauté internationale face au régime nord-coréen ?

Pierre Rigoulot : Une hypocrisie non, mais plutôt un calcul erroné : le fait de ne pas rappeler ce que sont les réalités du régime de la Corée du Nord dans l’espoir de favoriser une évolution positive de ce système est une erreur. Il est vrai que nous sommes dans une phase délicate, nous ne savons pas ce que ce petit jeune homme va nous concocter. Il est fort probable qu’il ne puisse pas diriger le pays comme pouvait le diriger son père. En Asie orientale il n’est pas bon d’avoir 27-28 ans lorsque l’on est un dirigeant politique, il a peu d’expérience.

Il existe une fragilisation du pouvoir et cela ne peut être que positif. Sans doute, la communauté internationale pense qu’en s’abstenant d’évoquer les horreurs du régime, elle va favoriser son évolution.

Quels pays n’ont pas intérêt à observer la réunification de la Corée du Nord et la Corée du Sud ? Quels seraient les impacts pour ces pays ?

La Chine n’a pas intérêt à voir une Corée réunifiée. Cette réunification se ferait, ou pourrait se faire sous la houlette de la Corée du Sud. La Chine ne tient pas à ce qu’un régime pro-démocratique, pro-occidental, allié des Américains s’installe à sa frontière. C’est vraiment le seul pays qui n’a pas intérêt à observer une réunification des deux Corée. Elle ne favorisera pas ce processus, elle tient à une péninsule stable, sans essais nucléaires, sans provocations militaires mais ne tient pas particulièrement à la disparition de la Corée du Nord.

Concernant la Corée du sud ce serait très difficile, naturellement elle pourrait souhaiter retrouver son unité cependant ce n’est pas malléable. Lorsque l'on songe aux difficultés de l’Allemagne de l’Ouest pour intégrer l’Allemagne de l’Est, la situation serait encore plus complexe pour la Corée du sud et pour plusieurs raisons :

  • La situation démographique : le rapport de population est de 1 à 2, il était de 1 à 5 entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest.
  • La situation économique de la Corée du Nord est bien plus grave que l’Allemagne de l’Est, son intégration à la Corée du Sud supposerait une aide internationale importante.

Les États-Unis et le Japon ne verraient pas d’un mauvais œil le processus de réunification des deux Corée. Les États-Unis sont les alliés de la Corée du Sud et c’est au profit de cette dernière que se ferait cette réunification. Le Japon y verrait un concurrent, certes, mais également un partenaire commercial. 

La Russie est dans une autre situation, elle opte pour tout ce qui relève du contraire des choix occidentaux, elle se pose comme partenaire diplomatique et comme grande puissance s’opposant au monde occidental et en particulier à l’Europe et les États-Unis. Elle a relativement peu de poids dans cette affaire, excepté le fait qu’elle siège au conseil de sécurité de l’ONU et que lorsqu’il s’agit de sanctionner la Corée du Nord, elle minimise le problème. Elle s’oppose à ce que propose l’Occident.

Pourquoi tous les pays sont unanimes afin de dénoncer les abus du régime nord-coréen alors que l’ouverture de la Corée n’aurait pas uniquement des avantages pour eux ?

Seule la Chine est méfiante vis-à-vis des transformations complètes du régime. Même la Chine souhaiterait cependant que des mutations économiques se produisent de façon à stabiliser la situation dans la région.

L’hypocrisie réside dans le fait de cacher les atrocités d’un des systèmes les plus horribles de la planète si ce n’est le plus horrible !Si l’on est complaisant, nous pouvons appeler cette hypocrisieune réserve diplomatique.Ils espèrent qu’en ne critiquant pas trop le régime ils vont l’inciter à changer. C’est de l’absurdité.

Le problème avec la Corée du Nord est le suivant : aucune des politiques ne fonctionnent. Que ce soit la politique de la main tendue pratiquée dans les années 2000, la sunshine policy ou bien une politique plus ferme avec le président sud-coréen Lee Myung-bak cela n’a pas donné grand-chose non plus. Quelles pressions peut-on envisager ? Que gagne-t-on à cacher les noirceurs du régime ?

En admettant que le pays s’ouvre, concrètement comment ce pays pourrait s’intégrer à l’économie internationale ?

Nous n’en sommes pas encore là, la Corée du Nord pourrait adopter des mesures économiques afin que sa population puisse mieux se nourrir, cela serait déjà une bonne chose. Il faudra d’une part l’accord de la Chine et d’une autre part une aide internationale non négligeable. La Corée du Sud aurait beaucoup de mal à soutenir l’économie.

Combien de temps la communauté internationale va-t-elle fermer les yeux sur les abus du régime de Pyongyang ?

Elle a tenté de réagir, à travers les sanctions de l’ONU, il existe également un contrôle strict des importations et des exportations de la Corée du Nord elle est extrêmement surveillée, malheureusement elle est protégée par un géant qui est la Chine. Les diplomates regardent ainsi à deux fois avant d’intervenir. Nous pourrions souhaiter de leur part qu’ils informent de la situation en Corée du Nord, qu’il y ait une meilleure coordination entre eux. Cependant des efforts ont été entrepris mais ont abouti à un repli de la Corée du Nord, non pas sur elle-même mais sous l’aile protectrice de la Chine.

Actuellement la Chine est littéralement le parrain de la Corée du Nord. Les Chinois eux-mêmes ne parviennent pas à modifier la politique économique du pays. C’est une situation intéressante et complexe, riche de promessescependant il faut jouer les choses prudemment : c'est un pays replié sur lui-même doté de l’arme nucléaire, protégé par la Chine.

Une politique de vérité sur la nature du régime nord-coréen aiderait à le transformer, il faudrait d’abord le rendre inoffensif. L’Occident ne peut pas se livrer à ce genre d’opération qui ne tiendrait pas compte des relations avec la Chine.

La communauté internationale devrait être un peu plus claire sur ce qu'elle pense de ce régime, ce ne serait pas une provocation mais rappeler au fond ce que les démocraties devraient penser ouvertement d’un régime totalitaire. 

Propos recueillis par Caroline Long.

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