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Les vœux, ces prières universelles républicaines
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EDITORIAL

L'année 2011 s'achève et les prémices de 2012 sont déjà là. A quatre mois de la présidentielle, le rituel des vœux semble plus que jamais essentiel. Il marque le temps et l'histoire...

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Il est de coutume républicaine que le président de la République nous présente ses vœux. Cela peut sembler désuet, et pourtant jamais comme aujourd’hui il n’a été autant nécessaire de nous souhaiter du meilleur, et surtout d’y croire.

L’inventeur des vœux présidentiels, c’est bien sur le Général de Gaulle. Après tout, c’est légitime, il est aussi le père du président élu au suffrage universel direct. C’est donc lui qui institutionnalise ce rendez-vous annuel et bien particulier. Un rendez-vous qui peut-être au fil des années se dilue un peu, sans doute en raison d’une médiatisation omniprésente et frénétique qui réduit le caractère exceptionnel de ces moments. Sans doute aussi parce que nous confondons trop souvent "vœux " et  "veux" du verbe vouloir. Des vœux expriment un souhait, ce ne sont pas des promesses, le temps de la campagne leur donnera bien assez de place. Les vœux sont des espérances, des aspirations, presque des prières. Les vœux sont les prières universelles de la République, on en appelle au bien. Ce sont des incantations qui ne doivent pas être incantatoires. Mais quand ils sont exprimés par le chef de l’Etat, on en arrive à estimer que celui qui les formule devrait avoir le pouvoir de les exaucer. C’est là toute l’ambiguïté, lorsque l’on estime qu’un vœu engage celui qui l’exprime. On en arrive même assez régulièrement à voir certains décliner les invitations aux vœux présidentiels, comme s’il s’agissait bel et bien d’une forme d’aliénation à la chapelle présidentielle tant cette cérémonie prend effectivement des allures de prêche républicain.

Ces grands-messes télévisées ne le sont plus vraiment, et pourtant ces moments sont importants, ils sont une trace dans le temps, parfois dans l’histoire.

En 1961, de Gaulle en appelle à  "l’Algérie française "et souhaite ardemment la victoire du "oui" au referendum du 8 janvier 1962 (souhait exaucé avec 75% d’approbation), il se félicite du mouvement de décolonisation en route, comme nous le ferions aujourd’hui du printemps arabe (si nous n’étions pas déjà refroidis par les premiers suffrages), il condamne le joug de l’URSS sur ses voisins … avant d’en appeler 5 ans plus tard lors des vœux de 1966 à "d’amicales et fécondes relations "… avec "la Russie soviétique" (jolie synthèse à l’époque). L’histoire des peuples a toujours été en marche, avant les révolutions arabes de 2011, François Mitterrand dans ses vœux de 1989 rendait hommage à Mikhaïl Gorbatchev, expliquant, en clin d’œil au bicentenaire de la révolution française , que "d’autres bastilles sont tombées" en Europe de l’Est.

Les vœux sont à la fois pour le président de la République un moment d’autorité et un moment personnel, d’humilité, de relation chaleureuse, presque familiale. De Gaulle en 1967 prononcera cette phrase étonnante, que l’on accepterait difficilement aujourd’hui tant on attend de nos représentants qu’ils soient responsables de tout : "l’avenir n’appartient pas aux hommes, et je ne le prédis pas". Même si quelques minutes plus tard, il est convaincu du "cadre pacifique que 1968 paraît offrir à la nation" ! L’avenir le démentira. Valery Giscard d’Estaing, toujours innovant, se livrera en 1977 à des vœux "improvisés", "de l’un d’entre vous", et exprimera des vœux simples et banals de bonheur et de bonne santé. Décidemment très "djeun", Giscard en 1974 lâchera, presque à la Berurier Noir, un "salut à toi 1975 " (qui restera néanmoins moins célèbre que son encore douloureux "au revoir" de 1981 bien sur). Encore inventif, VGE, mais cela restera unique, nous souhaitera ses vœux en couple, avec Anne-Aymone, au coin du feu en 1975. Sans doute une bonne intention, mais tout en rigidité. François Mitterrand lui aussi d’une certaine manière se présentera en famille, lorsqu’en 1984 il évoque ses réunions familiales en Charente, et cite même son père.

De tous temps, ces vœux nous rappellent les difficultés que nous traversons, même si chaque année elles nous semblent uniques et "sans précédent" dans cette frénésie médiatique de "l’historique". Régulièrement aussi, comme de l’acharnement thérapeutique, nos Présidents successifs tentent de nous convaincre des atouts de la France, des mutations prometteuses, des réformes d’avenir, du besoin de confiance en soi, de la nécessaire mobilisation collective : "… une période de changements, et que ceux-ci peuvent être heureux " (de Gaulle 1966) ; " je suis impressionné par ces Français qui s’engagent (…) encourager les initiatives (…) faire confiance aux jeunes Français (…) libérer les énergies (…) nous construisons une France vivante et forte "  (Chirac 1996) ;  " je crois de toutes mes forces à la France qui gagne " (Mitterrand 1984) : "un message de foi dans la vie et dans l’avenir (…) pas de fatalité du malheur " (Sarkozy 2007).

Des vœux qui souvent, de façon plus ou moins perceptible, en appelle à une forme de puissance supplémentaire, pour ne pas dire au divin. Mitterrand en sera l’illustration la plus célèbre en 1995 (ses derniers vœux donc) lorsqu’il annonce, déjà malade bien sur, " je crois aux forces de l’esprit, je ne vous quitterai pas ".

Tous ces vœux nous rappellent que l’histoire non pas se répète, mais est continuellement en marche, nous invitent à une mutation permanente, condamnent les démagogues, rappellent les difficultés, les épreuves, exhortent à l’unité nationale, à la tolérance … et même au protectionnisme" ayant longtemps pratiqué une économie protégée, et du même coup retardée … " (de Gaulle 1966) ; " aimons notre patrie … la France a besoin de l’union de tous ses enfants " (Mitterrand 1984).

Les vœux doivent être sincères bien sûr. Ils doivent aussi être confiants et volontaristes, les vœux ne sont pas une bouteille à la mer lorsqu’ils sont exprimés par le chef de l’Etat. On attend bien sur des vœux en actes, des vœux auxquels on croit, à la fois aspirationnels et réalistes.

Alors, donc en toute sincérité, amitié et fraternité, et parce que je crois à l’intérêt collectif des bonheurs individuels, je vous souhaite une belle année 2012, à hauteur de vos espérances, matérielles et spirituelles.

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