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Recul de l’espérance de vie en 2015 : des causes pour partie mystérieuses ?
©Pixabay

Hypothèses

Le bilan démographique dévoilé par l'Insee pour l'année 2015 n'est pas très réjouissant. Fait rare, l'espérance de vie en France a baissé l'an dernier. Décrit comme un phénomène conjoncturel, il n'en reste pas moins inquiétant.

France Meslé

France Meslé

France Meslé est démographe à l'INED.

Elle a plusieurs domaines de recherche parmi lesquels la mortalité dans le monde, et les causes de décès et leurs évolutions sur de longues périodes.

France Meslé collabore avec les revues Populations et Sociétés et la Revue Européenne de Démographie

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Marie  Raynaud

Marie Raynaud

est l'auteur de l'étude de l'Insee.

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Christophe  de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : L’espérance de vie en France recule pour la première fois depuis 1969. Comment expliquer ce phénomène ?

Marie Raynaud : Ce recul de l'espérance de vie est conjoncturel.

Il est dû à une hausse des taux de mortalité, que l'on peut relier à trois épisodes climatiques et épidémiologiques. Au premier trimestre 2015, il y a eu un épisode de grippe qui a été à la fois long et sévère, ensuite, au mois de juillet, une canicule et enfin au mois d'octobre, un épisode de froid. Mais c'est surtout ce qui s'est passé au premier trimestre qui est important, puisque qu'on a recensé un surcroit de décès de 24 000 personnes. Cependant, la tendance globale de l'espérance de vie est à la hausse depuis l'après guerre de façon quasiment continue. Il y a quelques années où l'espérance de vie diminue, mais c'est extrêmement rare.

Mais c'est surtout ce qui s'est passé au premier trimestre qui est important, puisque qu'on a recensé un surcroit de décès de 24 000 personnes.

Ce recul de l’espérance de vie en France est-il amené à perdurer ?

Christophe  de Jaeger  : On assiste très clairement depuis les années 69 à une augmentation régulière de l'espérance de vie en France, grâce aux progrès de la médecine, des conditions sanitaires et de l'amélioration de notre alimentation.

 Mais de là à dire que les résultats de cette analyse démontrent simplement une tendance conjoncturelle, c'est vrai et faux à la fois. En réalité, notre pyramide des âges est en train de se déformer vers le haut avec une population fragile qui vieillit, et qui à un moment donné va tomber malade et va mourir.

Donc de toute manière,  tôt ou tard, on sera amené à avoir une élévation de plus en plus douce de l'espérance de vie, sauf découverte médicale majeure, car notre mortalité va augmenter par rapport aux naissances.

Pourquoi certaines évolutions démographiques restent difficiles à expliquer ?

France Meslé : Nous autres démographes observons des évolutions dont nous sommes sûrs.  Mais après, on n'a pas forcément d'explications, nous  n'émettons que des hypothèses, qui parfois sont évidentes à déduire comme dans le cas de l'étude de l'Insee, mais qui parfois sont beaucoup plus complexes à établir .

Par exemple, nous avons étudié dans les années 2000 aux Etats-Unis l'espérance de vie féminine américaine, dont l'augmentation de l'espérance de vie tendait à diminuer. On a essayé d'observer un petit peu ce qui se passait en terme de décès, et on a trouvé un certain nombre d'explications, mais qui sont restées des hypothèses d'explications. Sans doute que ces femmes âgées américaines qui atteignent des âges assez élevé maintenant avaient plus de mal à gérer toutes les maladies liées au vieillissement, avec un accompagnement des personnes âgées qui se passaient un peu plus mal que dans un autre pays.

Les démographes essayent de s'assurer le plus possible de la fiabilité des données sur lesquelles on travaille, de les rendre les plus comparables possibles avec d'autres pays, dans le temps etc, mais c'est aux sociologues d'aller confirmer ces hypothèses, ce qui n'est pas toujours le cas, par manque de coordination ou par désintérêt de la profession pour ces statistiques, tout simplement.

De plus, même à supposer que des sociologues se penchent sur la question, cela reste une science inexacte, car le sujet sont des populations humaines sur lesquelles on ne peut pas faire d'expérience comme sur les animaux. Il est donc rare voire impossible d'avoir une preuve absolue expliquant un phénomène démographique.

Pour pouvoir vraiment confirmer l'étude de l'Insee par exemple, il faudrait pouvoir diviser la population en deux partie, puis faire subir à une population une épidémie de grippe et pas à l'autre puis analyser ce qu'il se passe, ce qui bien évidemment est impossible.

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