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François Hollande rappelle le fantôme de Keynes à l’Elysée et renvoie celui de Schumpeter à Bercy
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L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

Le plan d’urgence contre le chômage ne fera pas d’étincelles sur le marché de l’emploi, il vise essentiellement à sauver la prochaine campagne électorale.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tous ceux qui pensaient, au 31 décembre, que le président de la République s’était convaincu de la nécessité d’un plan d’urgence contre le chômage et qu’on allait enfin faire sauter tout ce qui empêche les chefs d’entreprise d’embaucher, en auront pour leur grade.

Le plan d’urgence contre l’emploi ne fait que reprendre des mesures de traitement social pour faire baisser les statistiques de chômage. En gros, on promet de mettre 500.000 chômeurs en formation, on crée une prime de 2000 euros pour toute embauche de jeune dans les PME, et on relance l’apprentissage.

On ne dit plus un mot ou à peine sur les projets de réformes plus structurelles visant à simplifier le code du travail, sécuriser les procédures des prud’homme pour les salariés, comme pour les patrons, avec un système de barème. On dit peu de choses sur l’encouragement à la création de l’entreprise, et au travail indépendant. Tout se passe comme si le Président était comme un médecin face à un grand malade qu'il préférerait protéger de la douleur avec de la morphine plutôt que de l’opérer pour le sauver.

Le plan d’urgence contre le chômage, ne sauvera pas la France de son cancer sur l’emploi. Le plan d’urgence va coûter 2 milliards d’euros (la prime et la formation), pour des effets homéopathiques. L’appareil de formation est incapable d’absorber 500.000 chômeurs, pour faire quoi et pour qui ?  Par ailleurs la prime à l’embauche va entraîner un effet d’aubaine que les chefs d’entreprise se feront un plaisir de saisir au vol, mais qui ne changera rien quant à leurs effectifs.  

Le résultat final va être d’alléger un peu les statistiques de chômeurs. François Hollande,  par ce tour de passe-passe, pourra sans doute renverser la courbe du chômage. D’autant que ce qui pèse lourd à Pôle Emploi ce sont surtout les seniors et les jeunes sans qualification.

Le résultat final va être de déverser assez rapidement dans l’économie 2 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires au minimum. Qui ne sont pas financées. Par conséquent, c’est du déficit pur jus. Ce qui sera toujours bon à dépenser en consommation dans les hypermarchés.

Pour la croissance, l'activité et le dynamisme du système économique c’est nul. Les jeunes actifs, formés n’ont toujours pas intérêts à rester dans l’hexagone mais à partir faire des stages prolongés à l’étranger, en Australie, au Canada et en Asie. Plus de la moitié des jeunes BAC+ 5 sont actuellement partis à l’étranger.

Si le plan n’a pas d’autre impact que de figurer en bonne place dans le bilan du quinquennat et de ramener quelques voix à François Hollande, en revanche, il est porteur de significations lourdes quant à la politique choisie pour traîner le mandat. Ce plan porte trois enseignements lourds de conséquences.

1er enseignement : il signifie que François Hollande a rappelé le fantôme de Keynes  à l’Elysée. C’est clair. La politique sur l’emploi développée par François Hollande est directement sortie de la trousse à outils que tous les Keynésiens ont utilisée au cours des 50 derniers années du siècle précédent. Entre 1950 et 2000, la seule politique économique dont les occidentaux étaient capables était fondée sur le soutien de la demande, y compris par le déficit budgétaire et la dépenses publiques. La mondialisation, l’ouverture des frontières, la concurrence mondiale a obligé les pays matures à jouer davantage de leur compétitivité et de leur capacité à innover. La crise en a ramené beaucoup vers le laxisme monétaire ou budgétaire.

Les politiques monétaires étant épuisées, beaucoup de pays occidentaux reviennent à des politiques budgétaires plus complaisantes. C’est assez vrai en Europe où, même dans les pays qui ont fait des efforts d’ajustement assez sévères, on relâche un peu la dépense publique. C’est surtout vrai en Italie et en Espagne.

Le problème en France, c’est que l’on n'est jamais passé par la case réforme. Donc, toute relance budgétaire ne portera pas sur l’investissement dont nous avons un besoin urgent mais sur la consommation qui ne trouve pas dans la production nationale les produits et les services qui lui correspondent. Le plan de relance Keynésien va directement gonfler les importations et par conséquent le déficit extérieur au bénéfice de nos partenaires européens, les Allemands par exemple, ce qui est un comble parce que l’économie allemande n’en a pas besoin.

2e enseignement : en ressortant le fantôme de Keynes on raccompagne à la porte de sortie les fantômes de Schumpeter, en gros tous les avocats d’une économie de la compétitivité, de l’innovation, de la création d’entreprise. Bref, tout ce que la gauche bien-pensante appelait une économie de l’offre. Ce qui en France est un gros mot.

3e enseignement. En rejetant une politique structurelle, François Hollande renvoie Emmanuel Macron à ses chères études. Il ne présentera pas la loi sur l’emploi, et sa 2e loi Macron, celle qui doit propulser les activités de la nouvelle technologie, et libérer les initiatives indépendantes, risque d’être vidée de son contenu.

La réalité politique est que c’est vraisemblablement Manuel Valls qui a obtenu que Macron soit écarter du processus, considérant qu'il était parfaitement capable de porter tout seul ce courant d’une gauche moderne et pro business. Moyennant quoi, il se trompe. François Hollande comme Manuel Valls peuvent avoir besoin d’un Macron pour occuper la gauche libérale et même pour gratter plus loin.

La question est de savoir maintenant ce que peut faire Macron. Attendre qu'on ait besoin de lui dans une campagne qui aura besoin de tomber à droite sur le terrain économique ou se mettre à son compte.

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