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Fin des amendes pour les petits excès de vitesse : le gouvernement mis au défi de renoncer à l’argent des radars (sans renoncer au retrait des points)
©Reuters

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Une proposition de loi déposée par le sénateur Les Républicains Alain Fouché vise à pour mettre fin aux amendes pour des excès de vitesse de moins de 10 km/h. Une pétition a d'ailleurs été lancée. Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 Millions d'automobilistes, est le co-auteur de cette proposition. Il explique en quoi celle-ci est une rupture nécessaire avec la politique traditionnelle française en termes de sécurité routière.

Pierre Chasseray

Pierre Chasseray

Pierre Chasseray est délégué Général de l'association 40 Millions d'automobilistes.

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Atlantico : En quoi cette proposition de loi s’inscrit-elle, ou non, dans la politique gouvernementale ? 

Pierre Chasseray : Aujourd’hui, l’opinion est hostile aux radars qu’elle considère comme une pompe à fric pour l’Etat. Si on ne parvient pas à créer un système qui permette de mieux faire accepter aux Français le "toujours plus de radars", la"radarothérapie" à outrance, la cocotte minute va finir par exploser. Lorsque les buralistes ou les bonnets rouges sont mécontents, ils s’attaquent aux radars. Les Français les perçoivent comme une taxe.

On a donc tiré les conséquences de ce constat et on s’est inspiré du modèle anglais pour proposer une nouvelle mesure qui ne mettrait pas d’amendes aux petits excès de vitesse, ceux qui sont involontaires et commis sans en avoir conscience. Il y aurait toujours la sanction, à savoir un point en moins, mais le portefeuille ne serait pas touché. On modifierait ainsi le regard porté aux radars - même si l'annulation du retrait du point était la vraie attente des automobiliste. Il y a trois ans, on avait lancé une proposition de loi allant dans ce sens. Mais elle n’a même pas été débattue car il n’était pas question de toucher au sacrosaint permis à point. Alors cette fois-ci, on a pris le problème autrement. Les gouvernements successifs ne cessent d’affirmer que les radars ne sont pas là pour renflouer les caisses de l’Etat. Et bien nous disons : chiche, qu’ils le prouvent !  Et si la proposition de loi est rejeté ou attaquée, ce sera bien la preuve donnée aux Français que les radars sont bel et bien des pompes à fric.

Est-ce que ce sont les politiques, les journalistes qui ont présenté les radars comme une pompe à fric ou bien ce sont les Français qui les perçoivent de cette façon ?

Le journaliste se saisit de l’opinion publique et donne l’information que l’automobiliste attend. Les élus ont du relancer la politique de sécurité routière qui engrangeait des mauvais résultats par rapport à ses voisins européens. Pour rattraper son retard, la France a mis en place un système de radars excessivement répressif sur les excès de vitesse en particulier les plus petits d'entre-eux. Or il ne permettait aucune latitude, contrairement à l'Angleterre qui applique une marge de tolérance trois fois supérieur à la France (ce qui ne l'empêche pas pour autant d'être numéro 1 de la sécurité routière européenne). Les Anglais ont mis en place, depuis longtemps, un système anti-chauffard alors que la France a instauré, dans l’espoir de combler son retard, un système anti-chauffeur.

Au regard de cette répression excessive, certains politiques qui voudraient aller vers plus de tolérance, ne proposent pas des mesures allant dans ce sens de peur d’être taxés de laxistes et que ces mesures soient interprétées comme un signe de relâchement. Mais on va être obligé d’y arriver parce qu’on ne peut pas sans cesse augmenter le nombre de radars. Aujourd’hui, l’argent généré par les radars s’élèvent à 800 millions d’euros. Vous imaginez l’impact dans l’opinion lorsqu’on franchira le cap du milliard !

Focaliser sur la question budgétaire, n’est-ce pas remettre en question une politique qui avait fait ses preuves en matière de sécuirté routière ?

Ce n’est pas vrai ! Cessons le politiquement correct. Dès qu’on touche aux radars, on devient des meurtriers. On se précipite pour sauver le soldat radar parce qu’il rapporte beaucoup d’argent. C’est tout. La chute de la mortalité routière en ce qui concerne la dernière décennie survient en 2002-2003, et elle n’est pas du aux radars mais aux annonces d’impunité potentielle. A l’époque, il n’y avait pas le moindre radar sur les routes de France. Le premier radar a été installé le 31 octobre 2003. C’est le changement de comportement des automobilistes qui fait modifier la courbe du taux de mortalité sur les routes, pas l'augmentation des radars. La seule vertus du radar c’est d’avoir calmer les gros excès de vitesse. Mais l’effet aurait été le même avec un système plus tolérant sur les petits excès de vitesse. Les mailles du filet sont tellement fines qu'on finit par attraper tout le monde sans distinction. C'est injuste.

Le gouvernement serait-il capable de suivre votre propostion ?

Je ne pense pas que la volonté du Ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, soit de faire de l’argent mais plutôt de faire baisser le nombre d’accidents. L’aspect financier ne rentre pas en ligne de compte dans sa politique de sécurité intérieure à la différence de Bercy qui ne va probablement pas accueillir avec le sourire notre mesure.

Cependant, il faut que l’Etat comprenne que tôt ou tard, il devra faire marche arrière comme l'a fait l’Angleterre qui a désactivé 57% de ses radars en sept ans. On nous a dit pendant des années que la baisse du nombre d’accidents sur les routes était du aux radars. La réalité des chiffres, avec une recrudescence des accidents en 2014-2015, prouve le contraire. On a mis des radars partout, des radars chantier, travaux, sur roue, à double sens, double face…on est arrivé au bout du système des radars. Il faut maintenant modifier les comportements, faire que la police traque les automobilistes dangereux. Il faut mettre en place un vrai plan de lutte contre l’alcool et les stupéfiants au volant. Mais arrêtons de se focaliser sur les radars qui doivent être seulement une arme anti-chauffard et non pas le coffre de Picsou. Il faudra d’ailleurs rendre l’argent aux Français car ce n’est pas en faisant cotiser tout le monde qu’on pourra créer un système acceptable

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