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Vague d’agressions sexuelles à Cologne : quand la peur de l’explosion paralyse police et médias allemands
©Reuters

Paralysie

Les autorités ainsi que les médias allemands auront attendu 3 jours avant de rendre public les agressions sexuelles qui ont eu lieu dans la nuit de la Saint Sylvestre à Cologne. Un geste qui surprend d'autant plus, puisque la police avait dans un premier temps affirmé que le réveillon s'était déroulé sans heurt.

Nele Katharina Wissmann

Nele Katharina Wissmann

Nele Katharina Wissmann est chercheuse au Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA) de l’Institut français des relations internationales (IFRI) depuis septembre 2009. Ses axes de recherche sont les politiques d’intégration et d’immigration allemandes, ainsi que la xénophobie et l’extrême droite.

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Atlantico : Pendant la nuit de la Saint Sylvestre, à Cologne, au moins 90 femmes auraient été agressées sexuellement par un groupe de 20 à 30 hommes décrit par les autorités locales comme étant d'origine arabe ou nord africaine. La police avait été fortement mobilisée à cause des craintes d'un attentat, comment expliquer que rien n'ait été fait au même ? 

Nele Katharina Wissmann : Pour le moment, la situation est peu claire. Ce que nous savons actuellement c'est que la police a été présente à la gare centrale de Cologne la nuit du réveillon  à cause d’un rassemblement de plusieurs personnes agressives qui se sont affrontées avec des feux d’artifices. La place devant la gare a d’ailleurs été évacuée à un certain moment. Il reste encore à clarifier pourquoi la police a tout d’abord parlé d’ « une nuit sans heurts ». D'autant plus que les premières plaintes avaient déjà été déposées. Le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière,  a d’ailleurs fortement critiqué la réaction de la police de Cologne qui a avoué avoir commis une « erreur d’appréciation ».

Jusqu'à mardi les forces de l'ordre assuraient que la nuit s'était déroulée sans heurts. Les médias allemands n'ont pas non plus directement relayé l'information. Pourquoi avoir chercher à cacher les agressions du 31 janvier ? 

Les médias allemands couvrent les agressions de Cologne depuis le 5 janvier. C’est en partie dû au fait que la police a communiqué très tardivement autour de ces événements parlant dans un premier communiqué d’ « une nuit sans heurts ».  Bien que des bribes d'informations circulaient dans les réseaux sociaux, les « grands médias » ont décidé d’attendre une confirmation des sources officielles avant de les relayer.

Entretemps, une des grande chaîne allemande, la ZDF s’est excusée via son compte Twitter de ne pas avoir réagie plus tôt étant donné que la situation était claire depuis le 4 janvier. Il serait cependant exagéré de dire que les médias ont délibérément dissimuler les informations. Face à des tensions et des clivages grandissants au sein de la société allemande, les médias « classiques » ont préféré faire d'avantage des recherches  avant de communiquer les données relayées par les réseaux sociaux.

Il est cependant évident que leur comportement peut jouer en faveur des groupes populistes et d’extrême droite qui ont déjà une relation plus que difficile avec les médias et qui utilisent régulièrement le terme « presse mensongère » (Lügenpresse) dans leurs slogans.

Une fois l'information rendue publique 2000 à 3000 habitants de la ville ce sont rassemblés devant la cathédrale près de la gare où avaient eu lieu les drames. Parmi les pancartes brandies, certaines affichaient "Madame Merkel, que faites-vous ça fait peur ?". Ces messages ainsi que la récupération du faits divers par les partis anti immigration n'illustrent-ils pas un certains clivage au sein de la société allemande ? 

On pouvait s’attendre à cette réaction qui n’est pas un fait nouveau. Les différents groupes et partis anti-immigration utilisent la crise des réfugiés depuis un certain moment pour agrandir leurs cercles de partisan. Leurs slogans trouvent un terrain fertile au sein de la société civile allemande bien que les Allemands se soient montrés et se montrent toujours très ouverts à l'accueil des réfugiés. Ils le prouvent d'ailleurs par leurs actions de bénévolat au sein de centres d’accueil .

A côté de cette « Allemagne de la lumière », l’Allemagne de la culture du bienvenue (Willkommenskultur), telle qu’elle a été décrite par le président fédéral Joachim Gauck, il existe cependant aussi une « Allemagne des ténèbres ». C’est là où le nombre d’attaques contre les centres d’accueil des réfugiés explosent depuis 2015. Les doutes et la peur sont bien présents au sein de la société civile allemande. Il suffit de consulter les forums et les réseaux sociaux allemands pour se rendre compte que ce clivage, déjà bel et bien présent, sera un des plus grand défi du gouvernement allemand en 2016.

Le rejet de l'accueil des migrants d'une certaine partie de la population ainsi que le silence qui a, tout d'abord, entouré ces drames ne risquent-ils pas de susciter des vives tensions dans les jours à venir ? 

Nous pouvons effectivement nous attendre à des tensions. Les commentaires sur les réseaux sociaux nous donnent un avant-goût du débat à venir. Le parti populiste AfD (Alternative für Deutschland) va certainement récupérer ces événements pour durcir son discours politique déjà très anti-réfugiés.

Une première manifestation a eu lieu et des mouvements comme Pegida (Européens patriotiques contre l’islamisation de l’Occident), qui se sont un peu endormis ce dernier temps, vont probablement ressusciter. Il sera très important que la police et le gouvernement communiquent clairement autour de ces événements pour éviter que des groupes d’extrême droite « se vengent » des réfugiés que les réseaux sociaux ont déclaré comme coupables.

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