Vœux amnésiques pour président en mal d’amnistie ?<!-- --> | Atlantico.fr
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e salon Napoléon III, la posture debout, le pupitre qui remplace le bureau : malgré les explications de texte distillées par "l’entourage présidentiel" (comprendre le chef de la communication, Gaspard Gantzer), il n’y a tout de même pas de quoi se pâmer !
e salon Napoléon III, la posture debout, le pupitre qui remplace le bureau : malgré les explications de texte distillées par "l’entourage présidentiel" (comprendre le chef de la communication, Gaspard Gantzer), il n’y a tout de même pas de quoi se pâmer !
©Reuters

Rhétorico-laser

D’un strict point de vue formel, l’exercice 2014 était au demeurant meilleur (débit, gestuelle, voix) que celui de 2015. Les consonances ("résistance", "vaillance", etc.) et le chiasme sur l’apprentissage ("pas un apprenti sans patron, pas un patron sans un apprenti") étaient certes bien trouvés, mais ont un peu souffert d’un effet trop appuyé.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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A exercice rituel, commentaires attendus : la cuvée 2015 des vœux présidentiels n’aura pas failli à la règle. Les partisans de toujours applaudissent, les adversaires déplorent, les médias cherchent désespérément du « neuf » à quoi s’accrocher. Le salon Napoléon III, la posture debout, le pupitre qui remplace le bureau : malgré les explications de texte sur la « solennité » et « l’autorité » distillées par « l’entourage présidentiel » (comprendre le chef de la communication, Gaspard Gantzer), il n’y a tout de même pas de quoi se pâmer ! D’un strict point de vue formel, l’exercice 2014 était au demeurant meilleur (débit, gestuelle, voix) que celui de 2015. Les consonances (« résistance », « vaillance » etc.) et le chiasme sur l’apprentissage (« pas un apprenti sans patron, pas un patron sans un apprenti ») étaient certes bien trouvés, mais ont un peu souffert d’un effet trop appuyé.

Malgré la promesse présidentielle de vœux différents de « tous ceux qui les ont précédés », on ne perçoit pas de changement notable dans ce qu’on appelle l’énonciation du discours (« qui parle et comment » ?). Contrairement à ce que l’on a pu entendre, François Hollande n’a pas dit davantage « je » que dans les précédentes éditions, notamment celle de 2013 sur le Pacte de responsabilité. Quant au contenu socio-économique, rien de neuf là non plus : la « priorité à la lutte contre le chômage» constitue le leitmotiv de cet exercice comme des autres. Avec le succès que l’on sait.

C’est peut-être justement là que l’interrogation légitime commence : pourquoi ces précédents sont-ils si aisément oubliés ? Pourquoi la confrontation du dire et des résultats est-elle si rare, au bout de trois ans et demi d’exercice du pouvoir ? Et comment entendre des promesses de « 500 000 chômeurs supplémentaires » en formation, d’un « plan de grands travaux » et d’une « mobilisation pour l’apprentissage » sans se poser deux questions simples : « pourquoi donc si tard? » ; « comment autant en si peu de temps ? ». Davantage, comme dans le cas de l’apprentissage, « pourquoi avoir fait le contraire jusqu’ici? »

Réhabilitation soudaine de l’apprentissage et nouvel exemple de « triangulation » d’une proposition de droite, de même que la proclamation de « l’état d’urgence économique », tandis que le président dispute le trophée du « vrai patriotisme » au Front National. Nul doute que celui-ci ne tombera pas dans le piège rhétorique, expert qu’il est en la matière. Mais qu’en est-il de la droite ? 

François Hollande aurait donc bien tort de nous priver de ses promesses et de se priver du procédé. La même raison entraînera les mêmes effets : l’amnésie quasi-totale du débat public fera que le 31 décembre 2016 tout le monde aura oublié les engagements du 31 décembre 2015...Souvenons-nous du sort de la « loi Macron 1 », étrillée dans sa substance et dont seuls ¼ des décrets d’application sont sortis un an après son annonce, avant de nous extasier à l’approche de la « loi Macron 2 ».  

Certes, mais à cette différence près qu’il y a cette fois-ci le terrorisme, vraie nouveauté de ces vœux (à part une courte allusion l’an dernier, Daesh oblige) tristement imposée par les circonstances dramatiques de 2015. L’on sait que l’enjeu a permis à François Hollande de trouver enfin sa « stature présidentielle » et un regain (modeste) de popularité. Mais, hormis les hommages convenus à sa « solennité » (pourtant bien peu frappante, tant dans l’élocution trop uniforme, que dans la voix mal posée), c’est dans les failles savamment occultées de son discours que se donne à voir le vrai art du président. Ainsi de la « faille » entre les attentats de janvier et de ceux de novembre, traités d’un même jet dans les vœux présidentiels, alors que se pose la question de l’action gouvernementale pendant les 10 mois d’intervalle. Ainsi de la faille sur la fameuse « déchéance », sur laquelle, quoi qu’on dise, le président laisse une grande latitude à la discussion parlementaire, notamment pour la rédaction finale. Faille enfin sur les événements de Corse où, étrangement, François Hollande s’est scandalisé à juste titre du saccage du lieu de prière musulman mais n’a pas eu un mot sur l’agression contre les pompiers. Cette faille-là, soyons en sûrs, ne passera pas inaperçue dans l’Île….

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