Des "primaires à la française" pour respecter les choix des citoyens et non ceux des partis politiques<!-- --> | Atlantico.fr
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L’émergence, puis l’affirmation de l’extrême droite, et le maintien d’une extrême gauche néocommuniste et écologiste ont transformé le premier tour sélectif de la présidentielle en piège à favori, comme Lionel Jospin en fit l’expérience cuisante en 2002.
L’émergence, puis l’affirmation de l’extrême droite, et le maintien d’une extrême gauche néocommuniste et écologiste ont transformé le premier tour sélectif de la présidentielle en piège à favori, comme Lionel Jospin en fit l’expérience cuisante en 2002.
©Reuters

Bonnes feuilles

Dès la fin des années 1980, face aux divisions de la droite, Charles Pasqua invente les "primaires à la française". Il y voit le seul moyen d’enrayer la "machine à perdre". Plus de vingt ans plus tard, ce ténor de la vie politique française réactive cette idée pour que la France sorte de sa crise politique mortifère. Ce texte, défense et illustration des primaires, est aussi une fresque sans concession du paysage politique et de la droite française. Extrait de "Petit manuel de survie pour la droite" Charles Pasqua et Pierre Monzani, publié aux éditions Fayard 1/2

Pierre Monzani

Pierre Monzani

Pierre Monzani est préfet, Directeur général au sein de l'Assemblée des départements de France.

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Charles  Pasqua

Charles Pasqua

Charles Pasqua, résistant, fidèle parmi les fidèles du général de Gaulle, député puis sénateur des Hauts-de-Seine, fut deux fois ministre de l’Intérieur et homme-clef du RPR. Disparu le 29 juin 2015, il n’aura pu voir la publication de cet ouvrage, qu’il avait souhaité léguer à ses amis politiques.

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D’un système fait pour un homme, nous avons laissé faire un système contrôlé par les partis, qui choisissent leur champion souvent loin des souhaits du peuple. Pire, l’émergence, puis l’affirmation de l’extrême droite, et le maintien d’une extrême gauche néocommuniste et écologiste ont transformé le premier tour sélectif de la présidentielle en piège à favori, comme Lionel Jospin en fit l’expérience cuisante en 2002.

Dès lors, l’excès du nombre de candidats peut conduire à, paradoxe de la démocratie, biaiser le choix des Français, puisque la victoire n’est pas promise au meilleur mais à celui qui a su, par habileté ou par chance, minorer les divisions de son camp.

La compétition entre Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing avait ainsi favorisé l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. En 2002, les Français eurent un choix de second tour atypique à cause des divisions de la gauche, et ils auront peut-être des frustrations du même type en 2017.

Voilà pourquoi, dès la fin des années 1980, j’ai eu l’idée des « primaires à la française » – singulière démarche pour un gaulliste d’aller chercher son inspiration aux États-Unis ! Mais, en fait, réalisme salutaire pour éviter, alors, que le combat fratricide entre les champions du RPR et de l’UDF ne fasse de nouveau le miel de la gauche.

Pour que les primaires servent à quelque chose, il est impératif qu’elles mobilisent l’ensemble de la gauche socialiste d’une part et l’ensemble de la droite dite républicaine de l’autre. Sinon, chacun comprendra qu’elles ne seraient que le choix d’un leader par les militants d’un parti, et qu’elles ne serviraient à rien, en empêchant d’aucune façon l’émiettement défavorable à l’expression de la véritable aspiration des Français.

Le paradoxe – et le danger – de la situation présente de la France est bien là. Les divisions nombrilistes de la classe politique, accompagnées des communautarismes et des poujadismes nourris de toutes les frustrations sociales, conduisent à un choix démocratique illisible.

À cet égard, l’intérêt politique du dernier roman de Michel Houellebecq, Soumission, n’est pas tant ce que les médias en disent que le choix tronqué d’un second tour de présidentielle qui donne le choix aux Français entre un parti d’extrême droite et un parti religieux musulman. C’est-à-dire entre deux options dont chacune est, en fait, repoussée et répulsive pour une majorité de Français.

Ainsi, la présidentielle n’offre plus au second tour un choix roboratif et satisfaisant pour l’esprit démocratique et pour le corps national entre deux hommes d’État, mais l’adhésion forcée au supposé « moins pire » entre deux opportunistes. Qui peut se satisfaire du choix romancé de Michel Houellebecq, ou du choix possible en 2017 entre François Hollande et Marine Le Pen, entre deux incapables notoires d’incarner la fonction suprême, pour dire les choses clairement ?

Quand le peuple est amené à choisir le moins pire, si tant est qu’il y en ait un, c’est l’ensemble de la confiance démocratique qui est miné.

En effet, un choix par défaut donne à la France un chef sans véritable appui. Ainsi est réalisée la prouesse de faire une incarnation sans adhésion, sans âme, sans reconnaissance populaire. Ainsi est réalisé l’oxymore politique d’un président de la Ve impuissant. 

Mesurent-ils cet enjeu, ceux qui minaudent en contestant par avance les primaires et en indiquant leur volonté d’être candidats ? Ont-ils deux doigts d’intelligence, pour saisir que non seulement ils affaiblissent leur camp, mais qu’ils affaiblissent la République elle-même ?

À la fin des années 1980, il me semblait utile de créer des primaires pour éviter les erreurs fatales à notre famille politique et favorables aux socialistes.

Aujourd’hui, il nous faut faire des primaires de qualité et incontestables pour redonner au choix du second tour, conditionné par les concurrences du premier tour, son sens, sa dignité et son utilité.

Extrait de "Petit manuel de survie pour la droite" Charles Pasqua et Pierre Monzani, publié éditions Fayard, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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