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Disons la vérité, c’est à cause de l’Etat que EDF pète les plombs
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L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

EDF sort du CAC40 en attendant de soigner ses blessures. Très bien, sauf que l’Etat n’a pas d’argent pour payer les factures.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quand on racontera l’histoire d'EDF, il faudra consacrer l’essentiel du temps  à raconter ses rapports avec l’Etat. En fait, EDF qui était au départ un formidable service public, puis après la guerre la première machine à proposer une transition vers des énergies propres, puis le premier producteur du monde d’électricité nucléaire, puis un acteur majeur dans  la construction et la vente des centrales, vient de trébucher officiellement en sortant du club le plus fermé du capitalisme français.

Pourquoi ? Pour une raison simple, l’Etat a conservé trop de place au sein du capital, plus de 80, et  en fait n’a jamais pu  s’empêcher d’intervenir quotidiennement. Ce n’est pas l’ouverture du marché de l’électricité aux concurrents qui a fatigué EDF, au contraire c’est la mainmise de l’Etat et de l’administration sur la stratégie, les modalités de fonctionnement, qui ont fait baisser les marges opérationnelles.

EDF est sortie du CAC40 à 13 euros. Il faut savoir qu’au plus fort de sa gloire, il y a 15 ans, le prix de l’action était à 80 euros. Où est passé la différence ?  Les plus anciens  de l’entreprise se souviennent bien qu'EDF traverse une des crises structurelles les plus lourdes. Sans rentrer dans le détail, EDF traine trois gros dossiers sur les rapports avec l’Etat et ce sont ces dossiers qui expliquent  sa descente aux enfers boursiers.

1e  dossier, le nucléaire. Quand on est parvenu à être le premier producteur d’électricité nucléaire au monde par la volonté du général de Gaulle, on assimile une  expertise industrielle exportable partout dans le monde. Seulement voilà , le dossier nucléaire a bougé. Les dirigeants ne s’entendaient pas. Comme il étaient tous des amis du pouvoir, on a fait mine de ne pas les écouter.

La branche nucléaire de la filiale alliée au producteur de réacteurs a donc perdu beaucoup d’argent.  Des erreurs dans l’achat de l’uranium, des erreurs dans la conduite des chantiers de centrales de la dernière génération, les EPR. Ajoutons à cela l’impossibilité de coordonner les actions entre des opérateurs obligés de s’entendre.  EDF va réussir à signer la paix en reprenant l’essentiel de la filière. Il ne pouvait pas en être autrement.

2eme dossier, celui des énergies renouvelables. Pour répondre à la demande politique, ou à la mode des bobos, EDF s’est lancé il y a presque 20 ans dans la production d’énergie renouvelable : le soleil, l’eau, les dérivés de l’agriculture etc . Le seul problème, c'est que l' on connait très mal le prix de revient de l’électricité qu’EDF s’est engagé  à racheter à prix d’or et à redistribuer à un prix de marché. Le différentiel financier est terrible.

3eme dossier, celui des dividendes. EDF est en permanence pris au piège de sa relation avec l'Etat. Ce dernier demande en permanence des ressources financières mais exige également de plafonner les prix au grand public. EDF essaie de faire le grand écart mais ne satisfait personne. Quand on met bout à bout, toutes ces sources de fonctionnement, on sait très bien ce qui dérape. Ce qui dérape c'est l’Etat.

Quand la France a découvert une colossale perte dissimulée par Areva, certains ont pensé à des malversations. Tout est possible certes. Mais beaucoup ont acquis la conviction qu'il n'y  avait pas d’entourloupes mais simplement un Etat très faible, incapable d’actionner des contrepouvoirs aux dirigeants qu'ils avaient nommé.

Pourquoi l'Etat français n'est pas intervenu plus tôt dans la gestion d’Areva. Pourquoi fallait-il laisser Mme Lauvergeon aussi longtemps seule maitre à bord au point d'accumuler autant de fiasco. L’affaire Areva, soigneusement cachée au grand public, aurait coûté plus cher que l'affaire du Crédit Lyonnais : 200 milliards de francs à l'époque.

Les ressort sont identiques : un management arrogant qui ne supportait aucun contrôle en particulier de ses propres amis. Quand on regarde à la loupe le détail de la relation avec les Etats, on s’aperçoit que les sources de confusion sont quotidiennes. Au niveau des investissements, de leur financement, et au niveau de la fixation des prix ou des dividendes.

La relation avec l’Etat mériterait un procès tout entier. L’Etat va donc devoir se décider. Ou bien il reprend la totalité du capital et refait d'EDF une administration dont la mission est politique. Ou bien l’Etat limite son rôle à celui d’un actionnaire comme les autres et laisse EDF jouer son rôle dans la concurrence internationale.  

Quand l’Etat avait accepté une privatisation partielle d'EDF, puis la mise en bourse, c’était pour permettre à l'entreprise publique de rentrer dans le concert des grandes sociétés productrices d'énergie dans le monde. Ca a marché mais peu de temps.

Si EDF est obligé aujourd'hui de sortir du CAC40, c’est parce que son cours a baissé de façon inquiétante et que ses résultats sont rabotés au point où l’EDF n’a plus les moyens de développer tous les objectifs qu'elle s’est fixé : rénover son parc de centrales nucléaires, lancer une production de masse dans le renouvelable, aider les populations les plus pauvres pour qu'elles puissent bénéficier de cet énergie.

Le problème, c’est qu’EDF va avoir besoin d’argent pour investir. Initialement EDF pouvait penser qu'elle trouverait cet argent sur le marché. Aujourd'hui la route est fermée, et l'Etat se réjouit de cette forme de retour au bercail mais il n’a toujours pas dit comment il paiera le plan de développement.

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