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Bernard Tapie est-il vraiment l’arme fatale anti-FN qu’il croit ?
©Reuters

Trublion de la politique

Bernard Tapie annonce son retour en politique. Parmi ses objectifs : l’interdiction du chômage des jeunes (sic) et l’éradication du Front national. Un leurre ? Ou une volonté réelle de retourner dans l’arène et d’être éventuellement candidat à la présidentielle de 2017 ? Attendons la suite.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Qui est vraiment Bernard Tapie ? Un bonimenteur de génie ? Un illusionniste comme les aiment les Français ? Un éternel bluffeur ? A moins que ce ne soit un héritier lointain du général Boulanger ? Dur, dur de répondre à ces questions… Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’ancien ministre de la Ville de François Mitterrand a l’art de se servir de la presse. C’est un virtuose. A cet égard, son interview fracassante dans Le Journal du Dimanche est un joli coup. Surtout en cette période où la classe politique traditionnelle, rame et rame pour mettre un frein à la poussée du Front national. Eh bien voici le sauveur : Bernard Tapie lui-même. Lui qui annonce dans le JDD qu’il revient en politique, et dresse le constat suivant : "le résultat des élections régionales est incontestablement un signal d’alarme qui doit alerter qui ont l’envie et la compétence d’apporter des réponses aux problèmes du pays". Vous l’avez compris, les problèmes du pays, ce sont le Front national et le chômage.

Sur le premier, non sans raison, l’homme d’affaires rappelle qu’aux Européennes de 1994, il a fait tomber le Parti frontiste à 10%. Quant au chômage, Tapie se montre catégorique il faut interdire le chômage des jeunes. En tout cas, ce discours populiste qui caractérise l’ex-patron de l’OM, peut séduire une partie –dans quelles proportions ? – des électeurs de Marine Le Pen, voire de Jean-Luc Mélenchon et aussi redonner confiance aux jeunes des banlieues qui n’ont pas oublié que Tapie demeure le seul patron français de club qui a gagné une coupe d’Europe de football. Jusqu’où ira Tapie ? Avec lui tout est possible. Un jour il dit une chose -plus jamais de politique disait-il il y a quelques mois-, un autre son contraire… En tout cas, François Hollande doit se méfier de ce retour dont on ne sait sur quoi il peut déboucher. Imaginons qu’il recueille les 500 signatures nécessaires –il les aura- pour concourir à l’élection présidentielle, de 2017, et tous les candidats potentiels risquent d’être déstabilisés… Avec comme conséquence une perte de voix. Tapie n’a pas oublié, que lui le sous-marin de François Mitterrand aux élections européennes de 1994, avec ses listes ERE a porté un coup fatal à Michel Rocard. Au lendemain de ce scrutin, Rocard aura cette phrase : "J’ai été abattu par un missile nommé Bernard Tapie envoyé depuis l’Elysée." Plus tard, en 2002, puis en 2007 il contribuera à la défaite de Jospin et de Ségolène Royal…

Meneur d’hommes, l’ancien député des Bouches-du-Rhône l’est incontestablement. Certes, l’ancien chanteur de charme, sous le nom de Tapy (avec un y) a montré qu’il ne manquait pas de talent, notamment lorsque le public, littéralement ébahi découvre le formidable animateur de l’émission Ambitions sur TF1 en 1986. Qu’il ne manque pas de savoir-faire lorsqu’il propulse Bernard Hinault vers des sommets au Tour de France. Enfin qu’il ne manque ni aplomb ni audace peut nier pour qu’un homme comme François Mitterrand s’entiche du gamin de Blanc-Mesnil au point d’en faire un ministre de la Ville. Voilà pour le côté face de Bernard Tapie. Le côté, disons glorieux. Mais il y a une face moins reluisante, qui évoque chez lui de mauvais souvenirs C’est, par exemple, au début des années 70, l’aventure de Cœur Assistance, entreprise louable qui consiste à détecter à temps les crises cardiaques. L’aventure, insuffisamment préparée, tourne court. IL se rattrape si l’on peut dire en rachetant à bas prix des entreprises au bord du gouffre, (Look, le fabricant de skis, les piles Wonder et les balances Terraillon) pour les revendre en réalisant au passage de substantielles plus-values.

En 1979, une histoire rend furieux Bernard Tapie : à grands renforts de publicité, il annonce qu’il rachète les châteaux de "l’ex empereur" de sinistre mémoire, Jean-Bedel Bokassa. Lequel demande à Valéry Giscard ‘Estaing d’annuler la transaction. Ce qui effectivement aura lieu. D’où la colère de Tapie. Galopent les années. A la fin des années 80, vient le temps de la politique. Pierre Bérégovoy, premier ministre le nomme ministre de la Ville en 1992. Un an plus tard, Tapie, à la faveur d’une élection législative partielle à Marseille entre à l’Assemblée nationale battant le sortant Guy Tessier. Tapie se sent pousser des ailes. Peut –être pense-t-il occuper le fauteuil de l’emblématique Gaston Defferre. Mais déjà, les soucis reviennent. Nous sommes au début des années 90. C’est l’affaire du Phocéa, le voilier racheté à la veuve d’Alain Colas. La juge Eva Joly soupçonne l’homme d’affaires de gymnastiques financières. Puis, c’est en 1993, le feuilleton du match truqué OM-VA encore présent dans le monde du football, où on assiste à un duel, via les médias, entre Tapie et le pittoresque procureur de Valenciennes, Eric de Montgolfier. Cette fois promis, juré, adieu la politique. Après une reconversion sur les planches et au cinéma, Tapie décroche de la politique. Définitivement. Tout au plus indique-t-il ses préférences. Adieu le PS et le mitterrandisme ! Aux présidentielles de 2007 et 2012, il vote Nicolas Sarkozy. Les deux hommes se tutoient et affichent des liens d’amitiés. Des liens dont on reparlera plus tard lors de cet autre feuilleton –cela fait 23 ans qu’il dure- désormais célèbre : Adidas-Crédit lyonnais. Aujourd’hui, l’ancien ministre de la Ville semble avoir tout perdu puisqu’il doit rembourser les 405 millions qui lui ont été accordés par le très contesté tribunal arbitral en 2008. Mais il ne baisse pas les bras. Il a formé un pourvoi en cassation. Pour l’heure, c’est son adrénaline, il retrouve la politique. Pour combien de temps ? Ne serait-il qu’un velléitaire qui veut se prouver qu’à 73 ans, il reste le Tapie triomphant qui gagne en 1993 la coupe d’Europe grâce à son ami Basile Boli ?

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