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2017, l’ascension par la face centre : mais, des frondeurs à Valls, la gauche acceptera-t-elle aussi facilement la stratégie de fer de François Hollande ?
©Reuters

Caillou dans la chaussure

Les régionales sont à peine finies que la présidentielle de 2017 pointe déjà le bout de son nez. Le PS part déjà avec une stratégie bien précise : se rapprocher du centre, voire de la droite, pour mieux battre Les Républicains. Mais la fraternisation symbolique entre François Hollande et Xavier Bertrand dans le Nord fait grincer beaucoup de dents.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

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François Hollande était, hier dans le Nord, aux côtés de Xavier Bertrand pour inaugurer un monument commémorant les fraternisations des soldats des deux camps ennemis pendant la grande guerre, une visite qui symbolise sa volonté de rapprochement avec une partie de la droite.  Qu'est-ce que le chef de l'Etat a à y gagner?

Christelle  Bertrand : L'élection de 2017 se jouera au premier tour, celui qui sera face à Marine Le Pen sera le grand gagnant. François Hollande, comme son concurrent de droite d'ailleurs, a donc d'autre choix que de ratisser large dès le premier tour afin de siphonner les voix du camp d'en face. Le plan de Manuel Valls et aujourd'hui de François Hollande s'articule autour de deux étapes: tuer dans l'œuf les candidatures à sa gauche et d'obliger ainsi les électeurs à se reporter sur lui. Et de ce point de vue, les régionales ont sonné à ses oreilles comme un bon signal puisque les listes dissidentes à gauche ont réalisé de très mauvais score et les électeurs EELV ou Front de Gauche se sont bien remportés sur les listes PS. La deuxième étape consisterait à  séduire le centre et une partie de la droite. C'est ce que Manuel Valls tente de faire depuis qu'il est à Matignon, suivi par François Hollande. Les deux hommes ont tout d'abord fait le pari qu'une politique très libérale suffirait à séduire les électeurs. Lors du vote de la loi Macron ils ont même refusé d'être soutenus par la droite et ont préféré en passer par l'article 49.3.

Les temps ont changé, entre les deux tours des régionales, le PS a tout fait pour obtenir une fusion des listes PS/LR dans les régions à risque. Face à la résistance de Xavier Bertrand et de Christian Estrosi, ils ont accepté de se retirer en échange… d'une main tendue vers la gauche. Christian Estrosi, par exemple, avait, avant même le premier tour, décidé d'accorder des postes à ses adversaires socialistes dans les instances régionales.  Il ne restait plus ensuite à François Hollande qu'à mettre en scène cette grande union nationale anti FN pour se rapprocher de la droite et montrer que des passerelles étaient possibles. Les récentes déclarations de Jean-Pierre Raffarin l'y ont aidé. On entend dire que François Hollande n'exclurait pas aujourd'hui au gouvernement ouvert au centre. Ce serait une façon de s'attirer les bonnes grâces des électeurs du centre ou de droite modérée surtout en cas de candidature Sarkozy. Reste une inquiétude: comment forcer Cécile Duflot a renoncer à se présenter. François Hollande semble croire qu'EELV est tellement exsangue financièrement et affaibli politiquement qu'elle n'aura pas d'autre choix que de le soutenir.

Maud Guillaumin : Je pense que François Hollande est dans une vision de rassemblement, un peu comme François Mitterrand en 1988. La France connait une crise majeure. Elle est à la fois économique et sociale mais aussi politique. Il y a une crise de confiance à l'égard de nos élus. Ceci explique en partie qu'une partie des Français se tourne vers l'extrême droite. Dans ce contexte Hollande prend le rôle de rasembleur. L'idée est de dire que la gauche tend la main à la droite pour montrer une certaine unité dans la lutte face au FN et cela dans une même optique démocrate. Et comme les soldats français et allemands, on a beau être des adversaire politiques, on sait aussi s'accorder dans les moments graves. 

Du côté de la gauche, le calcul politique est évident. Elle a tout à gagner de s'allier à la droite. Cette stratégie permettrait d'assurer une victoire du candidat PS dans l'éventualité d'un seconde tour face à Marine Le Pen. Mais cette droite, en tout cas une partie, a rendu la partie plus facile au PS. La stratégie de Jean-Pierre Raffarin proposant un "pacte républicain" contre le chômage en est un exemple. Il a mis la droite, et notamment Nicolas Sarkozy, dans une situation très délicate.

Manuel Valls est l'un des artisans de cette stratégie et la défend, avec Jean-Marie Le Guen, depuis longtemps. Comment a-t-il réussi à convaincre François Hollande?

Christelle  Bertrand : En effet, le 21 juin dernier Jean-Marie Le Guen, qui est le bras armé de Manuel Valls, publie une tribune dans Le Point qui ne passe pas inaperçue. Le secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement y écrit: "J'ai la conviction que nous sommes dans une période de rupture historique, dont l'énoncé est simple : pour la première fois depuis cinquante ans, la question sociale n'est plus l'élément moteur de la structuration du débat politique en France. Face aux principaux défis de la mondialisation, ce n'est, pour moi, rien de moins que notre modèle de civilisation qui est désormais en jeu". Il incite la gauche à changer de matrice intellectuelle et à se rapprocher ainsi de la droite en abandonnant la question sociale au profit de la question civilisationnelle. La gauche du PS réagit immédiatement. Benoit Hamon, dans une interview accordée à Atlantico, lui répond : "ça me rappelle le débat qui a traversé la SFIO après-guerre où déjà à l’époque, Guy Mollet affirmait : « qu’il fallait mettre le socialisme entre parenthèse pour sauver la République ». Cela s’est terminé par une alliance avec le MRP et par la défaite des socialistes 1958. Je ne crois pas aux vertus de cette stratégie-là, je pense que subsiste un clivage droite/gauche sur la question sociale comme sur la question démocratique et qu’il faut le faire vivre." Les relations entre frondeurs et réformateurs entre alors dans une phase de tension extrême, chaque groupe organise des pré université d'été séparées. Mais la préparation des élections régionales a rapidement fait taire ces voix discordantes. Face au danger du FN, la solidarité a été de mise. Manuel Valls en a profité pour avancer ses pions et démontrer que les frondeurs s'étant ralliés, EELV étant exsangue, il fallait s'ouvrir à la droite.

Maud Guillaumin : Valls trouve son intérêt. En vue de 2017, il pourra montrer qu'il n'y a pas que Hollande qui ait cette volonté d'accepter cette main tendue de la droite. Cela fait déjà longtemps qu'il affirme qu'on ne peut pas durer au pouvoir sans s'ouvrir au centre. Le Premier ministre est dans la réalisation d'une idée qu'il avait avancée il y a quelques mois. Mais je ne crois pas qu'il ait du convaincre François Hollande. Le chef d'Etat a très bien perçu qu'il avait tout intérêt à jouer son rôle de président rassembleur, situé au dessus de la mêlée. De plus, il se déplace sur un lieu chargé de symboles et d'histoire dans le Nord. Difficle de trouver mieux pour porter un tel message d'unit" de la nation

François Hollande ne prend-il pas un risque à s'appuyer sur son premier ministre qui risque ainsi de lui voler la vedette ?

Christelle  Bertrand : François Hollande a tenté, jusqu'ici, de contenir les velléités hégémoniques de Manuel Valls en faisant monter Emmanuel Macron, plus jeune et plus libéral encore. Mais plus le temps passe, plus l'échéance présidentielle se rapproche, moins François Hollande peut être mis en danger par son premier ministre. Le débat sur une primaire à gauche semble définitivement enterré, Manuel Valls sait désormais, sauf incapacité majeure de François Hollande, qu'il devra attendre 2022 pour prendre le leadership de la gauche. D'ici là son intérêt est de servir au mieux le chef de l'Etat d'autant que celui-ci a décidé de suivre la stratégie défendu par son premier ministre. Si François Hollande échouait, c'est la stratégie de Manuel Valls qui serait mise en cause. En tuant François Hollande il se tuerait donc lui-même. Alors bien sûr, le locataire de l'Elysée va contribuer à entretenir la rivalité Macron Valls car on n'est jamais trop prudent mais le danger d'être doublé par le chef du gouvernement semble aujourd'hui bien faible.

Comment les fondeurs espèrent-ils faire entendre leur voix et tirer les lignes à nouveau vers la gauche? Le PS peut-il aller jusqu'à la scission si François Hollande persiste dans sa stratégie de main tendu à droite?

Christelle  Bertrand : Lorsque Jean-Christophe Cambadélis a annoncé son projet d'alliance populaire, immédiatement les frondeurs et Cécile Duflot se sont engouffrés dans la brèche en demandant une réorientation de la politique gouvernementale. Une façon de dire: si vous nous voulez avec vous, il va falloir tenir compte de nos demandes. On voit bien que la réponse de François Hollande a été d'aller serrer la main de Xavier Bertrand dans le Nord. Le chef de l'Etat a conscience que le pouvoir de nuisance de l'aile gauche du PS et du reste de la gauche est très faible. Benoit Hamon ou Cécile Duflot pourraient menacer de ne pas soutenir la candidature de François Hollande à la présidentielle mais, à quelques mois de l'échéance, la manœuvre devient de plus en plus risquée. Les différents leaders sont désormais tenus à un devoir de solidarité afin de ne pas être accusés d'être responsables de l'échec de la gauche dès le premier tour. On voit bien, lors des élections régionales que les listes dissidentes EELV dans les régions à risque ont été très violemment critiqué et le score, par exemple, de Sandrine Rousseau dans le Nord est extrêmement décevant. Avec  4.83% des suffrages, elle ne peut même pas prétendre au remboursement de ses frais de campagne. De quoi faire réfléchir Cécile Duflot. Donc les risque de scission sont quasi inexistants.

Maud Guillaumin : Manuel Valls répond que non. Il impose à la gauche de la gauche sa conception d'une nouvelle recomposition politique légitime, parce que présentée comme le message addressé par le peuple lors des régionales. Les Frondeurs se sont fait entendre. Par le biais de Christian Paul, ils ont pointé du doigt le fait que les promesses du Congrès de Poitiers n'avaient pas été respecté. Toute cette situation risque véritablement d'être périlleuse pour la gauche en 2017.

Cette évolution idéologique vers un social-libéralisme assumé ouvre-t-elle un boulevard à un Arnaud Montebourg qui incarnerait une gauche plus sociale?

Maud Guillaumin : Selon lui, on s'oriente vers une vérriable recomposition qu'il souhaitait de vive voix. Il sait que pour cela il y aura des alliances contre nature. De ce point de vue là, il s'est toujours très bien entendu avec Nicolas Dupont Aignan. L'idée d'une défense de la France et des Français, d'opposition au libéralisme. Pour Montebourg, le nouveau curseur sera les pro-libéraux versus ceux défendant une vision plus sociale de la France. Il n'y aura plus de clivage gauche-droite.

Pour le moment il se tait pour savoir où se placent les différents pions sur l'échiquier. Mais dès 2016, il va pouvoir proposer un autre modèle. Le premier pas qu'il a fait en ce sens reste celui du made in france avec Yves Jégo. Pour le moment, il réserve sa voix pour plus tard même si sans financement propre ni parti ou militants, cela risque d'être compliqué mais pas impossible.

Christelle  Bertrand : Tout d'abord il sera très difficile à Arnaud Montebourg de présenter une candidature en 2017, il a déserté le PS, il n'a pas de troupe, pas d'argent, pas de parti. Son retour semble réellement compliqué. Le seul moyen pour lui de revenir aurait été de présenter sa candidature à des primaires, mais il semble acquis désormais que le PS n'en organisera pas. Alors, certes, le glissement idéologique du PS laisse un vide à gauche, une carence de représentation, mais aucun leader ne semble suffisamment légitime pour l'incarner. Et aucun, surtout, ne semble prêt, face à la présence annoncée de Marine Le Pen au second tour, à porter sur les épaules la responsabilité d'un échec du PS dès le premier tour laissant face à face LR et FN.

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