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Cette transformation du FN en parti républicain que les commentaires politiques et médiatiques ont tant de peine à percevoir
©Reuters

Mutation idéologique

La stratégie de dédiabolisation sincère ou circonstancielle amène, à l'inverse des médias, politiques et analystes traditionnels à intégrer le FN dans les partis républicains. A ce titre, le FN se défendait dimanche d'être une formation antirépublicaine. Un vrai changement qu'il va falloir apprendre à décrypter et prendre en compte.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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En ce mois de décembre d’une chaleur torride, pour la saison, les résultats électoraux plaçant le Front National en tête, dans six nouvelles régions sur douze, rendent comptent d’une évolution des idées, en marche depuis plus de dix ans.

Le corps électoral français a parlé. Dans un élan démocratique, il a offert trois points de plus au parti de Marine Le Pen, qui de 25% en mars dernier, passe à 28% d’électeurs ce dimanche 6 décembre. Il le place, ainsi, à égalité avec le PS et LR sur le nouvel échiquier politique qui s’en dégage.

Cette révolution culturelle, des idéologies, se traduit, donc, au plan politique, par un certain éclatement de l’ancienne dichotomie droite/gauche, née de la Révolution française, il y a bientôt 220 ans.

Mais cela ne doit pas étonner. La vieille opposition n’a plus guère de sens aujourd’hui. Que ce soit sur les questions économiques, sociales ou culturelles, rien d’essentiel ne sépare la droite de la gauche. Une réalité que traduit le choix d’un titre commun à la Une du Figaro et de l’Humanité, « le Choc », unanimement partagé, donc, par les ennemis d’hier. Est-à-dire que les représentants du monde anciens ont fait leur temps ?

En PACA une petite blonde de 25 ans prétend : « La République a donné une leçon à ses représentants ». Elle vient de l’emporter, avec 40,55 % des voix, devant Christian Estrosi (26,48 %), un cacique politicien de 60 ans, qui, dans l’espoir d’être élu dimanche prochain, affirme à ses adversaires socialistes, en échange de leur retrait :  « … je convierai toutes les forces politiques de la région qui auraient pu avoir des élus et à qui je donnerai la parole ».

Cette révolution politique notoire c’est, comme toujours en France, au combat des idées qu’on la doit. Elle conduit peut-être au déplacement du curseur opposant la droite et la gauche, avec lequel la gauche a tant joué et abusé, lorsqu’elle brandissait l’argument électoral des liens supposés entre la droite et l’extrême-droite. Mais le consensus anti-FN, auquel le PS voudrait encore contraindre son ancien adversaire semble désormais, vide de sens et s’apparente à une posture morale. L’ex-front-républicain, contre le FN, a atteint son apogée en 2002, puis il est entré en contradiction avec lui-même, pour aboutir à la victoire des candidats du Front National de Marine Le Pen.

Dans les jours tragiques qui suivirent le drame du 13 novembre, la réponse « va-t’en guerre » de François Hollande, dont on a bien saisi qu’il en instrumentalisait les valeurs implicites : patriotisme et idée de la Nation, tant haïes par la gauche, a redoré le blason du Président de la République mais n’a pas profité au Parti socialiste ce weekend. Et pour cause : il ne les fait toujours pas siennes.

Mais comment la gauche pourrait-elle passer de l’éloge de la diversité, tendance immigrationniste, défendu par elle, depuis trente ans, à l’idéal patriotique d’une unité nationale, incarnée et par le Front National, depuis tout ce temps ?

C’est pourtant le tour de force que tentent certains, chez Les Républicains et au PS depuis les récents succès de Marine Le Pen aux élections départementales et régionales. Ils cherchent à réinvestir un vocabulaire si longtemps oublié par eux que, dans leur bouche, celui-ci sonne creux, et le mot « république » a plus de sens, dans les discours de Marine Le Pen. Alors même que, dans l’histoire de France, c’est la gauche qui à l’origine des idées et des valeurs de la République.

C’est un drame pour la gauche. Quand Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis sortent de leur chapeau politique, le concept du « retrait des candidatures socialistes au deuxième tour » pour « faire barrage au Front National », ils n’ont pas conscience que le Front Républicain, c’est le Front National qui l’incarne aujourd’hui. Car voilà plus de trente ans que ce parti se présente comme un rempart contre tout ce qui porterait atteinte à l’intégrité de la Nation. Et c’est ce qu’a répété Marine Le Pen, hier, affirmant, avec une conviction, renforcée par les résultats du scrutin : « Le Front national est le seul front républicain, car il est le seul à défendre la nation. »

Il serait temps de s’apercevoir, si on souhaite changer la donne, que, pour une majorité de Français, c’est lorsqu’elle est associée à l’idée nationale, fut-ce t’elle celle de Marine Le Pen, que la République prend du sens. Et pour cause, la vieille dame retourne à ses origines : la Nation révolutionnaire qui l’a fait naître, en 1789.

Est-ce l’anti-nationalisme, né de l’Affaire Dreyfus, sur-développé par l’extrême-gauche internationaliste et anti-autoritaire de « la pensée68 », qui a contribué au rejet par la gauche, d’une partie de son héritage idéologique? Les socialistes français ont laissé la République en jachère, et les partis de droite ont laissé faire. c’est ainsi, inutile de regarder en arrière, si ce n’est pour avancer. Le souvenir coupable des « heures les plus sombres de notre histoire  », l’hégémonie culturelle de la gauche sur les mentalités, héritée de 68, puis consolidée par l’idéologie antiraciste des années 80, ajoutés à l’influence du néo-libéralisme américain, pour aboutir à l’éloge sarkozyste de la discrimination positive, avaient éloigné les mentalités d’une culture, pourtant indépassable puisqu’elle est la matrice de l’idée européenne.

La République tel un fantôme était tombée dans les oubliettes de l’histoire. Elle ne peut exister, dans les consciences et dans les coeurs, qu’à travers les valeurs qu’elle défend. Elle est fondatrice de l’unité sociale, transformée en ce fameux « vivre-ensemble », qui insiste en creux sur les différences dans la société plus que sur son unité. Cette idéologie, qui domine à partir de 45, pour lutter contre le « fascisme », a d’abord renié les valeurs nationales, puis l’idéal républicain, jugé inégalitaire, troquant l’unité sociale, contre la diversité communautaire. Le nouveau consensus social, fondé sur le respect des différences ethniques et culturelles, contre le modèle d’intégration républicaine, a dominé la vie politique. Il est l’une des causes directes, dans le contexte mondial actuel, du succès du Front National.

Car, n’en doutons pas : le vote de contestation des électeurs « nationalistes, patriotes et républicains » du FN est aussi un vote d’adhésion. Les politologues de gauche, spécialistes de l’extême-droite, les médias et les politiques qui en restent à la grille d’analyse antiraciste et antifasciste, héritée des années 1980, passent à côté de cette réalité. Et, leur posture morale se heurte à un mur d’incompréhension, chez des électeurs pour qui, la stratégie politique de la peur a, du reste, cette semaine, dépassé les limites du raisonnable, comme le disait un auditeur de France info hier soir, expliquant : « Ce qui m’a décidé à voter FN, c’est quand on nous a dit, en Bourgogne, si vous votez FN, c’est comme si vous votiez Daech. Alors là, trop, c’est trop! ».

Triste ironie de l’histoire, les résultats des élections régionales s’entendent comme un écho au vieux slogan soixanthuitard : « Elections, piège à cons ». Ils renvoient dos à dos droite et gauche qui, jadis, monopolisaient la vie politique française. En favorisant le FN, le Suffrage Universel la vox populi semble avoir manifesté la volonté de faire exister une troisième voie.

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