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Toutes ces choses dont les régions s’occupent et qui ne font pourtant pas partie de leurs attributions principales (à commencer par la culture)
©Flickr LaurPhil/Toprural/Charlie Dave/axelouuu

Champ de compétence

L'ensemble des Français sont invités à aller voter ce dimanche pour les régionales et, régulièrement, l'argument de la (mauvaise) gestion économique de la région est mis en avant par les détracteurs du candidat sortant. Petit bilan sur les attributions des régions, leurs budgets et ce qui tombe (ou non) dans leur champs de compétences.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Les régions sont souvent accusées de sortir du cadre de leurs compétences.  Dans quelle mesure cette critique est-elle à la fois justifiée et illégitime ? Que dire de la gestion des compétences majeures ; et de celles relevant du domaine de la culture en Ile-de-France par exemple ?

Jean-Luc Bœuf : Le budget des régions en France représente environ 12% du budget des collectivités locales soit un peu plus de 30 milliards sur un total de 240 milliards. Le poids des régions sur les collectivités locales est faible. Les principales dépenses des régions sont faites dans le domaine des transports, de la formation professionnelle et de l'apprentissage, de l'éducation avec les lycées et les aides économiques. Ces 4 compétences à elles seules représentent la quasi-totalité de leur intervention. Lorsque l'on fait le bilan des régions, de ce qui relève ou non de leur compétence, on constate que ce qui n'en relève pas représente une part extrêmement faible des dépenses. Lorsque les régions sont devenues des collectivités territoriales en 1986, nous avons mis en place la "clause générale de compétence". Ce principe juridique leur laisse la possibilité d'intervenir dans tous les domaines qu'elles estiment d'intérêt régional. Elles ont donc quatre compétences principales et peuvent ensuite intervenir ensuite dans la culture, dans la santé, au soutien d'association, etc.

A la suite de cet événemen deux choses se sont passées. Tout d'abord, les régions ont rempli leur rôle, en matière de compétences premières. En plus de cela, elles ont souhaité conduire d'autres actions. Ces autres domaines, comme celui de la culture, représentent généralement moins de 3% de leur budget. Néanmoins il y a eu une ambiguïté de la part de l'Etat qui a accordé aux régions la possibilité de lever l'impôt. L'Etat a ensuite demandé de financer des domaines appartenant pourtant à son propre ressort. Dans les années 90, environ 70% des contrats de plan (engagement pluriannuel pris par l'Etat et la région pour financer ensemble de grands domaines d'investissement, dont la caractéristique consiste à ce que ces plans demeurent des domaines de compétence de l'Etat) concernaient les routes ou l'enseignement supérieur, qui sont des domaines de compétence de l'Etat.

Les critiques que vous énoncez viennent du fait qu'au sein de projets concrets, dans l'aménagement des territoires par exemple, plusieurs co-financeurs s'épaulent pour financer une salle de spectacle ou n'importe quel établissement public. Ils sont parfois 4, parfois 5, parfois même 6. Quand bien même la participation de la région s'avère faible, d'un point de vue financier, elle est souvent déterminante… Et pour cause : dans un projet de la sorte, le plus difficile est souvent de rassembler les derniers 10% restant. C'est là que se trouve toute la difficulté. Or, en intervenant, la région permet régulièrement au projet de démarrer. De cette nécessité d'intervention du territoire régional et de l'ambigüité qu'entretient l'Etat (en demandant le matin aux régions de se concentrer sur leur propre domaine de compétence, puis l'après-midi d'intervenir sur les siens…) naissent les différents reproches relatifs à la gestion de leur domaines de compétences par leurs régions. Cette ambiguïté s'est particulièrement constatée dans le cadre de la création de la ligne Rhin-Rhône, qui n'aurait jamais vu le jour sans l'aide des collectivités locales. Elles ont, tout de même, rapporté 600 millions d'euros à l'époque. La critique adressée est donc légitime mais pas réellement fondée pourrait-on dire. Cela étant, grâce à l'extension de leur champ de compétence, les régions ont pu en tirer une légitimité politique.

Concrètement, aujourd'hui, quelles sont les compétences délaissées par les régions ? Au profit de quelles dépenses ?

Aujourd'hui, les régions sont responsables essentiellement de quatre compétences. Tout d'abord, les  transports sur le territoire, Elles sont également responsables de la construction et de l'entretien des lycées (une région moyenne c'est entre 50 et 100 lycées). De même, elles sont en charge du personnel non-enseignant du lycée : la restauration, le nettoyage et le gardiennage. Ensuite, elles ont pour troisième compétence les formations professionnelles et l'apprentissage. Les régions constituent ici l'un des acteurs de référence, aux côtés de l'Etat et des entreprises. Concrètement, ce sont elles qui mettent en place le plan de formation ; elles qui financent les heures dans les centres de formation des apprentis et les organismes d'apprentissage. Enfin, la quatrième compétence, l'une des plus importantes en matière de visibilité mais qui l'est moins sur le plan financier, est de réunir les différentes aides économiques dont la région peut faire profiter à ses habitants, dans le respect des règles de concurrence déterminées par Bruxelles. Aucune région ne peut décider d'une aide économique sans avoir précédemment son l'aval.

Globalement, lorsque l'on additionne ces compétences on constate qu'elles représentent en général environ 95% du budget des régions, outre les dépenses d'ores et déjà allouées au personnel et au remboursement de la dette, qu'il faut bien évidemment mettre de côté. Enfin, il convient de noter qu'il existe une certaine régularité dans les différents budgets des différentes régions : le montant des dépenses est proportionnel à la taille de la région et de son budget. Celui de l'Île de-de-France, par exemple, monte jusqu'à 7 milliards d'euros à l'an (ce qui correspond globalement à la somme allouée annuellement par l'ensemble des régions aux problématiques de transport, bien qu'en Île-de-France et à Paris ce pôle de dépense est partiellement géré par le Syndicat des Transports en Île-de-France). De façon générale, et cela se vérifie dans la majorité des cas, les transports constituent le premier point de dépense des budgets des régions, avec environ 30% des ressources qui lui sont dédiés. Viennent ensuite, à ex-aequo le plus souvent, les dépenses liées aux lycées et à la formation professionnelle, qui rassemblent chacune 25% du budget total de la région. Les différentes aides économiques mentionnées plus haut montent rarement au delà de 6% du budget total. Quant aux postes de dépenses souvent très critiqués, comme la culture dans le cas de l'Île-de-France, elles représentent rarement plus de 3% des dépenses. Le fait est que, dans le cas de Paris par exemple, une subvention de quelques milliers d'euros pour une manifestation culturelle lambda sera perçue comme très importante. Dans la mesure où cette subvention est importante, si pas essentielle, à la bonne tenue de la manifestation et correspond à une part conséquente de son financement, elle est perçue comme massive. Mais au regard du budget de l'Île-de-France... Ces dépenses, puisque tout à fait légales, sont d'ailleurs publiques. On peut notamment les trouver sur le site de l'Association des Régions de France.

Concrètement, quel a été l'impact de la réforme territoriale sur les compétences régionales ? Quel bilan peut-on dresser, globalement, des compétences régionales ? Certaines sont-elles à revoir ? 

Fondamentalement, ce qu'il faut retenir à ce niveau, c'est que les régions disposent désormais de compétences suplémentaires. Particulièrement dans le domaine des transports, où les législateurs ont fait de la région l'interlocuteur de référence en matière de transport sur le territoire. Néanmoins, ce qui est beau sur le papier ne l'est pas nécessairement dans la réalité. En effet, l'Etat n'a pas prévu les moyens financiers pour compenser ces nouvelles sources de dépenses, et s'est contenté d'annoncer qu'il allait augmenter la part de cotisations sur les entreprises. Concrètement pour donner aux régions, il va falloir prendre aux départements qui, bien entendu,  ne l'entendent pas de cette oreille. Enfin la suppression de la clause générale de compétence est une réforme en trompe l'œil.  En théorie, les pouvoirs publiques annoncent que les régions pourront se concentrer sur leurs compétences, mais dans la réalité, on va leur permettre d'intervenir dans la culture, des sports, des loisirs. Dans le passé les autorités donnaient aux régions la possibilité d'utiliser un levier fiscal qui allait de paire avec les compétences, qui permettait de les financer. Désormais, elles n'ont plus accès à cette fiscalités, leurs dotations sont en baisses et il leur est réclamé de participer aux financements de plus en plus de domaines.Tôt ou tard, elles ne pourront répondre à leurs compétences primaires, tel que cela continue.

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