FN, roi des sondages : pourquoi les résultats de décembre ne prédisent pas forcément ceux de 2017 <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
De nombreux sondages sont faits sur le Front National.
De nombreux sondages sont faits sur le Front National.
©Reuters

Madame Irma

Selon un sondage BVA pour la presse quotidienne régionale, le Front national pourrait remporter trois régions sur douze aux prochaines élections.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

Voir la bio »

Atlantico : . Quelles différence a-t-on pu observer quant aux comportements électoraux entre des élections intermédiaires et les présidentielles ?

Bruno Cautrès : La sociologie électorale parle en règle général « d’élections intermédiaires » pour qualifier les élections locales ou européennes et notamment lorsque celles-ci se déroulent vers le mi-mandat du pouvoir exécutif. On parle aussi parfois « d’élections de second ordre » pour marquer la différence avec les élections majeures de la vie politique que constituent les élections législatives et présidentielles. L’une des grandes différences entre ce type d’élections et l’élection présidentielle est que celle-ci va désigner, à son issue, qui est « le chef » du pouvoir exécutif. Par ailleurs les élections « intermédiaires » et/ou de « « second ordre » mobilisent moins, l’abstention peut-être parfois assez élevée même. Enfin, dans ce type de scrutins les partis politiques qui se répartissent habituellement le pouvoir au plan national, et notamment le parti qui est au pouvoir au moment de ce type d’élections, sont exposés à ce que l’on appelle le « vote sanction » : celui-ci révèle un double caractère, à la fois l’expression d’une « sanction » contre le pouvoir en place mais aussi l’expression d’un avertissement sans frais par des électeurs de son propre camp et qui ainsi envoient un message en vue des prochaines échéances nationales. Au sein de tout ceci, les élections régionales ont souvent eu, en France, une dimension nationale plus affirmée que d’autres élections « intermédiaires » et/ou de « second ordre ». En effet, avec les pouvoirs des régions qui sont réels dans plusieurs domaines importants pour la vie des français, avec la dimension de coopération européenne ou même internationale des régions, l’élection d’un président de région au sein d’une assemblée régionale élue, la dimension davantage nationale des élections régionales a pu s’affirmer. En 2015, la dimension nationale des élections régionales me semble très claire : avec la réduction du nombre des régions 13, la personnalisation du combat électoral dans certaines régions (par exemple en -Nord-Pas-de-Calais-Picardie ou Provence-Alpes-Côte-d'Azur) autour de figures nationales de la vie politique française (Xavier Bertrand, Marine Le Pen, Marion Maréchal Le Pen, Christian Estrosi), le fait que ces élections soient les dernières avant les échéances de 2017, ces élections auront des dimensions et répercutions nationales fortes.

Il n’en reste pas moins qu’un écart va séparer les résultats des régionales des échéances de 2017 : tout d’abord, un écart de temps. La présidentielle est dans 17 mois et beaucoup de choses peuvent se passer, à commencer par le double front se lequel le bat François Hollande : la guerre contre Daechet la bataille économique. De même, l’élection présidentielle ne se déroule que dans une seule circonscription, la France, alors que les élections régionales conservent une dimension locale. L’offre politique également constituera une importante différence entre ces élections régionales et la présidentielle : celle-ci ne se déroulera qu’entre une dizaine de candidats ; mais nous ne savons toujours pas qui sera sur la ligne de départ. Cela concerne en particulier la droite et le centre : un seul candidat (Alain Juppé ?) ou deux candidats (Nicolas Sarkozy et François Bayrou ?) ou même davantage (Nicolas Dupont-Aignan ?). Et sur quelle ligne politique ? Si l’on sait que Marine Le Pen sera candidate et que l’on voit s’affirmer jour après jour la candidature de François Hollande à sa propre succession, la situation de plusieurs autres candidats potentiels n’est toujours pas claire : Cécile Duflot (sans doute candidate), Jean-Luc Mélenchon (quid de l’avenir de l’alliance du Parti de Gauche et du PC ?), Olivier Besancenot (sans doute tenté à nouveau par une candidature après le cuisant échec de Philippe Poutou), Nathalie Arthaud (sans aucun doute candidate, selon la longue jurisprudence Laguillier selon laquelle LO présente le même candidat).

Toutes ces différences feront sentir leurs effets en 2017 ; il me semble néanmoins que la dynamique FN et Marine Le Pen se retrouveront dans 17 mois. A droite, au centre et à gauche les choses me semblent plus susceptibles d’être influencées par les éléments que nous venons de rappeler même si l’on voit bien que, malgré le redressement de son image présidentielle depuis les attentats et tueries du mois de novembre, François Hollande aura du mal à convaincre des raisons fortes qui justifieraient un second mandat.

Laurent Fabius avait énoncé un jour que "l'agenda [faisait] le résultat" d'une élection. Avec de mauvais chiffres du chômage pour le mois d'octobre, et l'importance des enjeux sécuritaires dans l'opinion, peut-on évoquer un alignement des planètes pour le Front national ?

Il semble en effet que, pour le moment, les données politiques et économiques du pays jouent en faveur du FN : les craintes de ses électeurs viennent comme en écho des mauvaises nouvelles au plan économique, au plan international et au plan de la sécurité intérieure et des discours de Marine Le Pen ou de ses thèmes de prédilection : l’ordre, le contrôle des frontières, l’immigration, la « faute à l’Europe », la rhétorique contre « le globalisme », la mondialisation « sans contrôle ». Si les résultats des élections régionales confimaient les sondages pré-électoraux, avec la victoire du FN dans une, deux ou trois régions, alors cette « alignement des planètes » dont vous parlez serait effectivement bien là. On sait que le FN a un gros enjeu sur ces élections : montrer qu’il peut casser le « plafond de verre » qui le conduit à faire de bons scores au premier tour puis de ne pas arriver à gagner au second tour. Ce « plafond de verre » a déjà été fracturé lors des élections municipales et avec moins de succès aux élections départementales en 2014. Les élections régionales de 2015, si elles confirmaient les sondages, montrerait une cassure plus grande du « plafond de verre » ; si leurs résultats n’indiqueraient pas que Marine Le Pen puisse gagner la présidentielle, ils indiqueraient néanmoins que la dynamique qui peut la porter au second tour de la présidentielle est bien là, forte et durablement installée dans notre vie politique.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !