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Chômage en hausse, consommation en baisse : triste exception française dans une Europe en pleine reprise
©Reuters

French Paradox

Selon les dernières estimations en date, le chômage est en hausse de 1,2 % au mois d’octobre, pour un taux constant de 10 % sur tout le second semestre 2015. Le France fait figure d'exception dans un espace économique qui tend plutôt vers la relance.

Mathieu Plane

Mathieu Plane

Directeur adjoint du Département analyse et prévision à l'OFCE

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Atlantico :Selon les dernières estimations en date, le chômage est en hausse de 1,2 % au mois d’octobre, pour un taux constant de 10 % sur tout le second semestre 2015. Selon l’INSEE, la consommation n’est pas en reste: celle des ménages aurait chuté de 0,7 % le mois dernier. Comment expliquer cette situation alors que la zone euro, prise dans son ensemble, semble profiter d’un contexte plus favorable ?

Mathieu Plane : Tout d’abord, les chiffres dont vous parlez sont des chiffres publiés chaque mois et qui sont par essence très volatils, ce qui est moins le cas pour les chiffres du chômage au sens du BIT publiés chaque trimestre ou les chiffres sur la consommation des ménages issus des comptes nationaux trimestriels, qui intègrent également la consommation de services moins volatil que la seule consommation de biens. Une fois ces considérations faites, il est vrai que les chiffres du mois d’octobre publiés par Pôle Emploi ou ceux sur la consommation de biens publiés par l’Insee ne sont pas bons et peuvent inquiéter quant à la réalité de la reprise attendue.

Néanmoins, il y a actuellement des signaux contradictoires car les enquêtes de conjoncture auprès des chefs d’entreprise du mois d’octobre sont relativement bonnes, notamment dans les services et le commerce de détail. Il serait donc prématuré de remettre en cause notre scénario d’une croissance de 0,4 % pour le quatrième trimestre à l’aune de ces deux chiffres qui ne concernent que le mois d’octobre. Il est cependant vrai que la situation économique met du temps à s’améliorer et que la croissance française reste très poussive malgré les vents favorables.

Quelle part attribuer, à propos de cette tendance,  à la situation spécifiquement française, au ralentissement des pays émergents et au contexte européen ?

La croissance française met du temps à repartir mais le choc économique encaissé par la France depuis le début de la crise, en 2008, a été long et brutal. On ne peut pas effacer du jour au lendemain les traces du passé et l’économie française doit, pour pouvoir connaitre une véritable reprise, absorber les surcapacités de production héritées de la crise. Le tissu productif a été dégradé depuis 2008 et inverser les anticipations des chefs d’entreprises, qui ont été marquées par plusieurs années de crise, vers un cycle d’investissement et d’embauches,  prend du temps.

Tous ces éléments expliquent pourquoi l’année 2015 est une année de transition  qui se matérialise par des toussotements sur la croissance trimestrielle et un chômage qui ne baisse pas. Par ailleurs, historiquement, la France a toujours eu des cycles économiques moins marqués que ses partenaires européens, notamment grâce à des stabilisateurs automatiques, liés à notre modèle social, plus développé qu’ailleurs : les récessions y sont moins fortes et les reprises souvent  plus lentes. Enfin, une partie de la croissance en France en  2015 est amputée par la crise dans le secteur du BTP, plus tardive qu’ailleurs en Europe.

Enfin, rappelons que la France affiche une croissance, en glissement annuel, de 1,2 % au troisième trimestre 2015 alors qu’elle est de 1,6 % dans la zone euro et 1,7 %  en Allemagne. S’il existe un écart, il est cependant difficile de considérer qu’il y ait un fort décrochage de la France vis-à-vis de ses partenaires européens, sachant que le PIB de la France a moins chuté que la moyenne de la zone euro depuis 2008. A l’exception de l’Espagne et de l’Irlande, qui sont dans une phase de rattrapage après une crise extrêmement violente, la reprise est très poussive dans la plupart des pays européens.

Ce coup de froid sur l’économie française, auquel doit être intégré l’impact des attentats du mois de novembre, exige-t-il de revoir à la baisse nos projections de croissance ?

Il est difficile d’évaluer l’impact macroéconomique des attentats en raison notamment des conséquences psychologiques sur les comportements que l’on ne maitrise pas, mais on peut penser que les modifications de comportement des ménages ou des entreprises ne devraient être que transitoires si la France ne fait pas face à de nouveaux attentats.

En revanche, l’impact sur le tourisme pourrait potentiellement être plus permanent, même si on a très peu d’idée sur les ordres de grandeur, sachant que c’est un secteur dans lequel la France dégage un excédent de près de 10 milliards chaque année. Mais, pour le moment, il serait risqué de nous écarter de nos prévisions d’il y a un  mois, notamment pour l’année 2016, en faisant des hypothèses au doigt mouillé et ignorant les fondamentaux macroéconomiques actuels.

Ce qui est en revanche très clair et qui a été déjà annoncé par le Président de la République, c’est que cela va entrainer une augmentation des budgets pour  la  défense, l’intérieur et la justice et la hausse de ces budgets ne sera pas compensée par d’autres coupes budgétaires, considérant que face à une situation exceptionnelle, les règles du Pacte de Stabilité ne pouvaient pas s’appliquer.

Si les montants annoncés ne remettent pas en cause la trajectoire des déficits publics à l’horizon 2017, cela pose en revanche la question de savoir comment l’on doit traiter certaines dépenses nationales qui peuvent profiter indirectement à nos partenaires européens. C’est le cas notamment pour certaines opérations militaires extérieures portées par le ministère de la défense français pour assurer la sécurité de la France mais qui garantit aussi la sécurité des autres pays européens. Doit-on comptabiliser ces dépenses dans le déficit public structurel au même titre que les autres dépenses ?

Cette situation de faiblesse est-elle amenée à durer ? La probable intervention de la BCE au mois de décembre est-elle susceptible de contrer la tendance actuelle ?

La croissance devrait rester poussive jusqu’à la fin de l’année mais au regard de l’environnement macroéconomique actuel (pétrole bas, euro compétitif, taux d’intérêts faibles, montée en charge des dispositifs fiscaux CICE et Pacte de Responsabilité), elle devrait s’accélérer en 2016 et ce malgré le ralentissement de la Chine et des pays émergents.

Bien sûr, une nouvelle intervention de la BCE consoliderait ce scénario de reprise pour 2016. Les conditions sont réunies pour enclencher une reprise de l’investissement : hausse des taux de marge, coût du capital très bas, demande adressée aux entreprises plus robuste.

Nous prévoyons une croissance de 1,8 % en 2016, ce que l’on peut qualifier de début de reprise. Le taux de chômage passerait de 10 % à 9,8 % sur l’ensemble de l’année 2016, mais au regard de la hausse du chômage passé (le taux de chômage était à 6,8 % début 2008), cela montre que cette amélioration serait modeste.

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