Régionales : comment la droite résistera-t-elle au hold-up de la gauche sur la sécurité ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Après les attentats de Paris, la gauche a repris une partie des propositions de la droite en matière de sécurité.
Après les attentats de Paris, la gauche a repris une partie des propositions de la droite en matière de sécurité.
©Reuters

Pris en sandwich

Après les attentats de Paris, la gauche a repris une partie des propositions de la droite en matière de sécurité. Les différents candidats de droite aux régionales avaient bâti une bonne partie de leur programme sur le thème de la sécurité, en espérant avoir l'avantage sur un terrain qui paraissait délaissé par la gauche.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

Voir la bio »

Atlantico : Dans quelle mesure est-ce qu'il s'agit d'une recomposition des positions politiques traditionnelles ?

Jérôme Fourquet : Je suis d'accord sur le fait que la gauche de gouvernement reprend une partie des propositions de la droite en matière de sécurité. Il est cependant prématuré de parler d'un véritable chassé-croisé car toute la droite ne demande pas des garde-fous dans le but de préserver les libertés individuelles. De plus ces prises de position sont également tactiques parce que la droite cherche à mettre en difficulté la gauche qui a repris en bonne partie ses propositions. La droite est de toute façon coincée puisqu'il est difficile pour elle d'aller à l'encontre des propositions de François Hollande sans aller sur le terrain du Front National.

Dans quelle mesure la droite se trouve-t-elle asphyxiée ? Demander le respect des droits démocratiques pourrait-il favoriser le discours plus dur du Front national ?

Les premières enquêtes post attentats ont montré que le Front National a bénéficié des attentats. Le tournant sécuritaire peut quant à lui éventuellement crédibiliser le discours du FN qui peut annoncer que ses mesures ont été reprises par un président socialiste. Mais c'est ce qui est arrivé le 13 novembre qui va donner de l'eau au moulin du parti. Il n'est pas évident que les attentats et le tournant sécuritaire du gouvernement aient des répercussions électorales majeures hormis une nouvelle progression du FN.

Plutôt que de savoir qui va bénéficier à courte échéance sur le plan électoral de ces événements, c'est le glissement global de l'ensemble du paysage politique vers la droite sur ces questions de sécurité. Le score des élections ne devrait donc pas trop changer mais le contenu des programmes ne devrait pas être le même. Dans ce cadre là, le parti Les Républicains risque d'être pris en sandwich entre le FN et le PS. Il cherche donc sa voix en critiquant le fait que ces mesures ont été adoptées trop tardivement par Hollande mais pour l'instant cet angle d'attaque ne semble pas très audible. Certains disent qu'il faut en faire beaucoup plus. Enfin certains mettent également en avant les difficultés juridiques et constitutionnelles qui viennent des mesures. Toutes ces critiques ont pour objectif de ne pas être à la remorque du gouvernement qui dispose d'un avantage institutionnel sur l'opposition. Si Les Républicains s'en tirent bien ils pourront eux aussi tirer des bénéfices électoraux et d'image de leur bonne réaction à ces événements tout à fait exceptionnels.

Les mesures prises par le gouvernement sont extrêmement plébiscitées. Elles sont soutenues par l'électorat du FN et des Républicains ainsi que des socialistes. Il y a une très grande demande de sécurité qui émane de l'électorat de droite. Autant il peut y avoir un procès fait sur le temps de réaction qui a été long de la part de Hollande qui aurait pu prendre les mesures bien avant. Autant aller pinailler sur la nécessité d'encadrer un certains nombre de mesures pour défendre les libertés individuelles n'est pas du tout ce qui est attendu de la part de l'électorat de droite.

Quid des électeurs de la gauche gouvernementale ?

Les mesures sont plébiscitées par le PS aussi, nous sommes dans une situation inédite. Les attentats ont créé une situation exceptionnelle et ont dopé les attentes en matière de sécurité. Y compris à gauche. Le sondage pour Dimanche Ouest France est tout à fait favorable à des mesures comme la déchéance de nationalité pour les binationaux même au Front de Gauche dont 50% très favorables à une mesure qui est tout de même très dure et connotée idéologiquement et portée par le FN. Il y a une prise de conscience du fait de la gravité de la situation de l'insuffisance de notre arsenal juridique et sécuritaire pour faire face à une situation inédite.

Quelles différences avec le tournant libéral du gouvernement ? L'électorat socialiste pourrait-il s’accommoder de ce tournant sécuritaire comme il semble l'avoir déjà fait pour la ligne Valls-Macron ?

Il y a encore dans l'appareil socialiste et l'électorat de gauche une gauche dite traditionnelle qui est toujours aussi mal à l'aise avec l'axe "Valls-Macron" pour faire court. Cet axe a gagné le Congrès mais n'a pas éteint l'opposition interne. Pour l'instant sur les questions de sécurité dans l'électorat socialiste il n'y a pas débat même si l'on verra si c'est toujours la même chose dans les mois qui suivent. Si on caricature on serait dans un rapport 60 – 40, avec 60 dans la ligne gouvernementale sur les questions économiques et 40 pour les frondeurs. Sur les questions sécuritaires on serait plus à un rapport 85 – 15 en faveur des dernières mesures voire plus. Ce tournant est fait sous la contrainte d'une réalité absolument terrifiante.

Est-ce que cette situation est tenable ? Cette stratégie pourrait-elle durer jusqu'aux élections présidentielles ?

C'est un "avatar" supplémentaire. Ils ont pris ces mesures parce qu'ils ont pensé qu'elles étaient bénéfiques pour le pays et pour répondre à l'angoisse et aux inquiétudes des français. Lorsque l'on voit les chiffres dans le sondage pour Dimanche Ouest France la cote de popularité de Hollande a fait un bon même s'il reste dans des niveaux très bas. Cela veut dire que sa politique est largement soutenue à l'heure actuelle. Cela peut continuer sur du plus long terme mais comme en matière économique il faudra des résultats. La réactivité a été très forte et les annonces lors du Congrès très appréciées. Aujourd'hui il y a des voix qui s'élèvent contre certains abus lors de perquisitions administratives avec la presse qui en parle. Mais cela ne suscite pas de réaction forte de l'opinion publique. Aujourd'hui ce n'est pas le sujet. Pour 60% des français le pays est en guerre. Cette situation nouvelle implique de sortir des cadres de pensée habituelle. Le président s'adresse ainsi à l'ensemble des français en prenant ces mesures et marque des points dans son camp et hors de celui-ci. La période fatidique sera la fin de l'état d'urgence. Doit-on poursuivre dans la même lancée grâce à l'arsenal juridique qui a été renforcé ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !