Comptes courants payants : ce que les banques oublient de vous dire sur ce qui motive vraiment leur décision <!-- --> | Atlantico.fr
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Les frais de tenue des comptes courants seront bientôt tous payants.
Les frais de tenue des comptes courants seront bientôt tous payants.
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Pense-bête

Outre la BNP qui devrait prochainement mettre en place cette pratique, la Société Générale et LCL s'apprêtent à faire de même. Le Crédit Mutuel, quant à lui, en a déjà fini avec la gratuité depuis le 1er octobre. Des décisions prises pour faire cesser l'érosion de leurs gains financiers.

Eric  Lamarque

Eric Lamarque

Eric Lamarque est Professeur à l'Université Paris 1 Sorbonne - IAE et directeur du Master Finance.

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Atlantico : A partir du 1er janvier 2016, BNP-Paribas souhaite facturer à ses clients les frais de tenue de compte à hauteur de 2,50 euros par mois. Ce tarif sera ramené à 2 euros par mois pour les personnes ayant accepté de recevoir leurs relevés de comptes par Internet. Qu'est-ce qui explique cette décision soudaine ? Les banques ont-elles besoin d'argent ? Les taux relativement bas en sont-ils la cause directe ?

Eric Lamarque : La décision apparait effectivement soudaine mais elle n'est pas surprenante pour les observateurs du secteur. En effet on constate depuis deux ans des produits nets bancaires (leur marge brute) stagnent et elles anticipent même une baisse pour les années à venir. Les clients ont massivement renégocie les taux de leurs crédits, les taux restent très bas, la concurrence profite largement aux clients. la probabilité de voir remonter les taux dans le moyen terme est réelle et bien entendu personne ne demandera une renégociation de son taux à la hausse. L'argent sera plus cher pour les banques et la marge brute sur les crédits va probablement se réduire.

Les banques ne pourront plus se tourner vers les marchés financiers comme avant la crise de 2008 pour compenser cette baisse. Il ne reste donc que le levier de la tarification des services pour essayer de ralentir cette érosion. Car je m'attends surtout à ce que cela ralentisse l'érosion mais ne règle pas le problème. Elles doivent encore réduire leurs coûts (BNPP a annonce des fermetures d'agences) et exploiter au maximum la digitalisation. Ces mesures sont également nécessaires car la réglementation sur le renforcement des fonds propres nécessitent la réalisation de bénéfices suffisants pour respecter les nouvelles obligations légales.

Les fraudes à la carte bancaire qui induisent de nombreux frais de procédure pour les banques, frais qu'elles n'avaient pas voilà encore 10 ans, ont-elles aussi conduit à prendre cette décision ? 

Il est vrai que le coût de cette fraude à la carte bancaire a atteint 500,6 millions d’euros en 2014, soit 6,5 % de plus qu’en 2013. Ce montant représente 0,08 % des 624,9 milliards d’euros de paiements réalisés par carte bancaire dans le système français, selon les chiffres publiés par l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement publie début juillet dernier.

En 2014, 905 600 cartes bancaires françaises ont subi au moins un piratage (+ 5,2 %), pour un préjudice moyen de 112 euros. Les fraudes sur des transactions réalisées à l’étranger augmentent fortement (+ 15 % à 266,0 millions d’euros) 

Ces chiffres sont éloquents et sont directement associés à la gestion des comptes. Si vous rajoutez à cela les coûts informatiques pour assurer le suivi des opérations des clients. Il est clair que gérer un compte constitue un coût de plus en plus important. Par le passe les banques acceptaient cette situation car les marges sur les crédits et sur les opérations de marche étaient suffisantes. 

Dans le futur chaque produit ou service devra générer sa propre rentabilité. Il faut donc que la gestion de compte assure sa propre rentabilité

Cette pratique va-t-elle se généraliser dans toutes les sociétés bancaires françaises ?

Cela est fort probable d'autant plus que c'est une pratique classique dans de nombreux pays. Cette gratuite était une pratique issue des banques publiques des années 80 et il n'avait pas été nécessaire de revenir la dessus. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Mais il ne faut pas que les banques renouvellent les mêmes erreurs que par le passe, à savoir tarifer un service jusqu'alors gratuit sans apporter aux clients une qualité de service, des options nouvelles justifiant un peu mieux une facturation.

A terme, y-a-t-il un risque de marges inexistantes pour les banques ? Va-t-on vers la fin des services gratuits ? Quels autres services pourraient disparaître ?

On voit émerger clairement deux modèles de banques. Le modèle totalement en ligne, passant exclusivement par internet, avec un service minimum faiblement facture. Le client pourra éventuellement bénéficier de service à la carte s'il y met le prix. De l'autre une banque une banque qui va se focaliser sur la qualité du conseil, une relation personnalisée un peu comme un conseiller financier rémunéré en facturant des commissions dans qu'on lui fournit un service et en fonction des volumes d'opérations qu'il lui confie. Dans ce cadre on verra des banques facturer une demi-heure ou une heure d'entretien avec un client lorsque celui-ci aura demandé un conseil, un peu comme avec un avocat. Ce modèle existe déjà dans les pays anglo saxons, pas encore dans les pays latins. Les grands groupes financiers feront coexister ces deux modèles mais sous des marques différentes. 

Elles continueront à faire la chasse aux coûts. Les chèques vont disparaitre, les relevés papiers, tout ce qui n'apporte aucune valeur ajoutée au client et que de nouveaux acteurs alternatifs peuvent fournir dans de meilleures conditions. A l'évidence nous entrons dans une phase lourde de réajustement des modèles d'organisation bancaire. 

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