Vallsisation de la gauche plutôt que hollandisation de Valls : le flagrant déni du Premier ministre<!-- --> | Atlantico.fr
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Manuel Valls et Emmanuel Macron.
Manuel Valls et Emmanuel Macron.
©Reuters

La main dans le sac

Lors d'une visite à Sciences-Po le 3 novembre, le Premier ministre a réagi à une question des étudiants en expliquant que c'était l'ensemble de la gauche s'était "Vallsisée", et non le contraire.

Julien Gonzalez

Julien Gonzalez

Julien Gonzalez est l'auteur pour le think tank Fondapol de "Trop d’émigrés ? Regards sur ceux qui partent de France" où il s'intéresse aux raisons et aux coûts de l'émigration des Français.

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Atlantico : Manuel Valls s'est rendu ce mardi 3 novembre à Sciences-Po, où il a été amené à débattre avec les étudiants. L'un deux lui aurait demandé s'il s'était "assagi" et le Premier ministre a réagi en expliquant qu'à l'inverse, l'ensemble de la gauche s'était "Vallsisée". Peut-on vraiment croire Manuel Valls ? Dans quelle mesure est-ce qu'il n'est pas le déni ?

Julien Gonzalez : Manuel Valls a-t-il raison ? Oui et non. Oui si l’on se fie à la politique du gouvernement ; son social-libéralisme à peine voilé et doublement symbolisé par le pacte de responsabilité et la loi Macron, la rhétorique de la réforme de François Hollande, tout cela fait référence au "blairisme" à la française auquel Manuel Valls fait référence depuis des années. En façade, l’empreinte du Premier ministre sur le positionnement de la gauche peut ainsi apparaitre prépondérante.

Mais si l’on gratte un peu, tout cela semble bien fragile et les idées de Manuel Valls sont loin d’être majoritaires dans son propre camp. Deux raisons à cela : une déconnexion entre la base militante – bien plus radicale – et l’électorat de gauche (constat valable également à droite), et la "gauchisation" des alliés naturels du PS, au premier rang desquels EÉLV. L’emblème de l’équivoque étant sans conteste Christiane Taubira, égérie de la gauche partisane et ultra-minoritaire dans l’opinion. Son maintien au gouvernement contre vents et marées vaut toutes les preuves de schizophrénie ; la gauche est bel et bien "hollandisée".

Si la gauche ne s'est pas "Vallsisée", François Hollande incarne-t-il la nouvelle ligne de la gauche ? Sur quels domaines cette hollandisation gouvernementale (et de la gauche) est-elle le plus visible ?

L’ "hollandisation" est une sorte de machiavélisme du pauvre, une confusion entre la malice et l’indécision ; le résultat d’une campagne électorale où la taxe à 75% et le mariage pour tous masquaient un discours de quasi orthodoxie budgétaire et de prudence sur l’immigration et les naturalisations. Une ambivalence qui tutoie le mensonge, histoire d’agréger à la fois le vote de la classe moyenne et des catégories populaires.

Tout le reste est à l’avenant, un va-et-vient systématique entre les minuscules calculs d’appareils et l’urgence du quotidien, sous le regard permanent de BFM. Des symboles ? Les gouvernements successifs et leur équilibre improbable : Moscovici, Montebourg et Hamon à Bercy, Taubira en Garde des Sceaux et Manuel Valls en premier flic de France. Un olympe ? L’affaire Leonarda et le feu d’artifice de la main tendue présidentielle : humanisme pour la petite, fermeté pour les parents.

L’angoisse d’une candidature dissidente à gauche en 2017 et la montée du Front national ne risquent pas de mettre un frein à cette infernale mécanique du calcul.

Pourtant, en dépit de l'hollandisation du PS, ses alliés historiques semblent se radicaliser, comme on peut le voir chez les Verts ou plus à gauche. François Hollande n'est-il pas en train de créer une vraie rupture idéologique ? Qui seront les premiers concernés ?

La victoire de 2012 s’est faite au prix de la lisibilité de la ligne éditoriale de la gauche. La finance était son ennemie, mais le ministre de l’Économie est un ancien banquier d’affaires ; l’humanisme pénal de Christiane Taubira a dû composer dès le début du quinquennat avec le viril républicanisme du ministre de l’Intérieur Valls ; les 60 000 postes dans l’Éducation nationale doivent désormais cohabiter avec les allègements de charges pour les entreprises et la réduction des dépenses publiques.

Tout cela n’est pas une rupture idéologique, c’est un épais brouillard, une éclipse de la cohérence. La gauche ainsi déboussolée, le terrain était mûr pour toutes les rebellions : les verts, Mélenchon et les communistes, les frondeurs, ont de la place sur l’échiquier pour essayer d’incarner la "gauche". Mais qui le veut ? Les velléités contestataires devraient être largement impactées par le danger d’un nouveau 21 avril et tout ce petit monde rentrer dans le rang. Martine Aubry n’a-t-elle pas signé la motion défendue par le gouvernement lors du dernier congrès du Parti socialiste ?

Quelles conséquences politiques sur le pays cette hollandisation peut avoir ?

En 2012, François Hollande a usé et abusé de grossiers symboles infantilisants pour gagner l’élection. Mais le boomerang allait forcément revenir. Le voici aujourd’hui, avec une décrédibilisation de la parole publique qui vient de tout en haut. L’électorat populaire cocufié, la conséquence était inéluctable : voilà le Front national dans 11 mairies, aux portes des conseils régionaux de Nord-Pas-de-Calais-Picardie et de PACA et du second tour de la présidentielle.

Les Français s’étaient lassés du show constant du sarkozysme ; le consensus mou à la Hollande leur ferait presque aimer ce qui les ulcérait hier. Proposer le droit de vote des étrangers en dépit de toute logique – la modification de la Constitution nécessitant le vote du Parlement réuni en Congrès au 3/5ème, ce que n’a jamais eu la majorité actuelle – c’est faire deux mécontents : l’électeur de droite pour la promesse, celui de gauche pour sa non tenue. Le premier ira peut-être grossir les rangs de l’électorat frontiste, le deuxième donnera une raison d’être à EÉLV ou au Front de Gauche.

Cela pose la question du sens même de l’action politique : gagner mais pour quoi faire ? Le Hollandisme en est le plus flamboyant exemple.

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