Tea party : Donald Trump m’a tuer ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Donald Trump.
Donald Trump.
©Reuters

Trump-l'œil

D'après un sondage mené par Gallup, le Tea Party, jadis soutenu par 32% de la population américaine, est en chute libre et ne séduit plus que 17% des électeurs. Même au sein des républicains conservateurs, le parti essuie des débauches, puisqu'ils ne sont plus que 42% aujourd'hui à lui trouver grâce, quand ils étaient 63% il y a 5 ans. Une chute à laquelle Donald Trump n'est pas tout à fait étranger.

Yannick Mireur

Yannick Mireur

Yannick Mireur est l’auteur de deux essais sur la société et la politique américaines (Après Bush: Pourquoi l'Amérique ne changera pas, 2008, préface de Hubert Védrine, Le monde d’Obama, 2011). Il fut le fondateur et rédacteur en chef de Politique Américaine, revue française de référence sur les Etats-Unis, et intervient régulièrement dans les médias sur les questions américaines. Son dernier ouvrage, Hausser le ton !, porte sur le débat public français (2014).

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Atlantico : Selon un récent sondage Gallup, aujourd'hui seuls 17% des Américains soutiennent le Tea Party. En novembre 2010, ils étaient 32%. Selon ce même sondage, s'ils étaient 63% des républicains conservateurs à être partisan du Tea party en 2010, aujourd'hui ils ne sont "plus" que 42%. Quelle analyse peut-on faire de cette baisse ? Dans quelle mesure Donald Trump peut avoir une part de responsabilité ?

Yannick Mireur : Le Tea Party est une poussée de mécontentement qui tire ses éléments de doctrine des sources de la démocratie américaine – ou se veut tel. Ses sympathisants sont divers, on y trouve une veine dite libertarienne qui puise aux principes de liberté individuelle qui ont fondé le pays, et une veine que l’on peut appeler "populiste" pour faire simple. Le mouvement a perdu sinon de sa vigueur, certainement de son impact et de sa nouveauté, ce qui explique le reflux dans l’opinion, en plus des excès qui ont accompagné la traduction politique du mouvement, qui aux primaires fait la chasse aux soi-disant faux républicains, les RINOs (Republican In Name Only). La baisse de faveur parmi les républicains conservateurs indique ce manque de traduction politique effective, illustrée notamment par la perte des élections présidentielles et la reconduction d’Obama. Une bonne partie des Américains qui se sont retrouvés en partie dans le Tea Party à un moment particulier n'y adhèrent pas dans la durée. 

Qu'est ce qui oppose fondamentalement les bases du Tea party et Donald Trump ?​ Comment expliquer que des approches si contradictoires (mouvement de la base américaine et le trumpisme du faux "self made man") puissent être poreuses ?​ Comment ces différences et l'indépendance que Donald Trump cherche à communiquer peuvent-elles jouer sur la perte d'influence du tea party ?

Associé, plus qu’opposé au Tea Party, Trump ajoute à une évolution dans laquelle ne se reconnaissent pas les républicains classiques, ni même les conservateurs. En d’autres termes, si c’est Trump plus que Rand Paul, le libertarien en chef, qui doit incarner le mieux le courant du Tea Party, alors ce Tea Party-là ne correspond pas à ce que beaucoup de républicains pensent que doit être le Tea Party et le parti républicain.   

Trump exprime toutefois largement la veine populaire du Tea Party et lui donne un second souffle. Sa truculente intransigeance fait écho à l’exaspération qu’exprime le Tea Party, et ses accents anti-élite, presque "country", qui professent de retrouver des valeurs américaines traditionnelles sont une alchimie qui saisit l’instant, quoique des déclarations de Trump pourraient se trouver en pleine contradiction avec certains axiomes du Tea Party. Trump prétend rompre avec les caciques du parti et avec les codes washingtoniens – Bush avait lui aussi dénoncé le microcosme washingtonien et s’était présenté comme un homme libre représentant le pays réel. Cette posture répond le mieux au coup de sang du Tea Party, d’où une rencontre entre Tea Party et le magnat qui, si on y regardait de près, perdrait de pertinence. Mais après tout, Trump n’ayant pas de corpus idéologique ferme, y a-t-il une contradiction frontale entre lui et le Tea Party ? 

​L​’apparition du Tea party a​-t-elle ​pu ​participer​, en réaction, à ​l'émergence d'une nouvelle offre politique de la droite américaine ? N'est-ce pas une des raisons pour laquelle de nouveaux candidats "​h​ors part​is​" apparaissent ?

Le Tea Party aurait pu et dû jouer un rôle cathartique, après le désaxement de l’Amérique et du parti républicain suite à la désastreuse invasion de l’Irak. Suite aussi à l’échec du "conservatisme de compassion" qui avait présidé à la campagne de G. W. Bush en 2000, et qui ne s’est pas attaqué aux pratiques malsaines de l’industrie financière qui ont abouti à la crise de 2007-2008. Depuis Bush, le GOP (Grand Old Party) n'a pas trouvé le leader qui aurait fait la synthèse et l'aggiornamento idéologique nécessaires à sa cohérence, et donc à un possible renouveau politique. Il reste sans boussole ; le Tea Party aurait pu être un aiguillon, mais la polarisation politique et l’aigreur qui domine rendent tout recadrage serein impossible.

Trump intervient dans ce vide, aggravant la confusion ambiante qui se double d'hystérie. Pour cette dernière raison il est à penser que son ascension trouvera ses limites. Il est à noter qu’il ne présente pas hors parti mais bien pour l’investiture du GOP. Les indépendants ne sont jamais allés bien loin, même avec de gros moyens financiers. Même un grand homme d’Etat et ancien président comme Theodore Roosevelt a perdu en 1912 comme indépendant. Un candidat plus conforme à la tradition du GOP tel que Jeb Bush ou même Marco Rubio saura-t-il naviguer les écueils de la primaire et passer la vague Trump ? Le risque est réel que le phénomène Trump ne serve les démocrates, même avec une candidate si malaimée que Clinton, qui est aujourd’hui certaine d’être désignée.

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