La Chine publie des chiffres faux et fait semblant que tout va bien et l’Occident fait semblant de la croire<!-- --> | Atlantico.fr
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La Chine a publié des chiffres parfaitement faux en minimisant son ralentissement.
La Chine a publié des chiffres parfaitement faux en minimisant son ralentissement.
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L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

La Chine a confirmé le ralentissement de son économie, mais les chiffres publiés n’ont pas paniqué les marchés occidentaux comme on le craignait. Les explications sont convaincantes mais inquiétantes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En réalité, la Chine a publié des chiffres parfaitement faux en minimisant son ralentissement. Le gouvernement chinois proclame partout que tout va bien et le monde occidental fait semblant de le croire. Donc tout va bien. Rien ne bouge mais tout change.

Officiellement, la croissance chinoise a été de 6,9% au 3e trimestre. Objectivement, c’est un chiffre mauvais. La Chine n’a pas connu un tel chiffre depuis dix ans. Faut-il rappeler qu’en dessous de 7% de croissance, les dirigeants chinois expliquent qu’ils sont en risque Tian'anmen.

Hier, les Chinois ont franchi la ligne jaune alors que tous les observateurs pensaient que l’économie chinoise était beaucoup plus ralentie, voir stagnante, si on se fonde sur la consommation d’energie et de matières  premières.

La réalité, c'est que les autorités chinoises ont très certainement manipulé les statistiques pour éviter les ondes de choc sur les marchés, depuis le krach boursier de Shanghai au mois d’août dernier. La plupart des spécialistes internationaux jugent les chiffres officiels du PIB très surévalués par rapport à la réalité. Les dirigeants chinois se sont calés sur les objectifs qu’ils avaient eux-mêmes fixés. Ils font donc semblant d’être en phase avec les ambitions politiques. "On va considérer et dire que tout va bien". 

En fait, le gouvernement de Pékin se retrouve dans une situation très compliquée. L’équation qu'il a résoudre n’est pas facile.

Tout d'abord, Pékin a absolument besoin d’une croissance rapide pour absorber et assimiler ses populations qui descendent de la campagne pour s’installer dans les villes... Pékin a besoin d’usines qui tournent à plein régime. Et pendant presque 20 ans, la Chine a multiplié les usines pour approvisionner le monde occidental. La Chine était devenue l’usine du monde.

Ensuite, la crise mondiale a cassé cette mécanique. Le monde occidental a donné un coup de frein à sa consommation, donc les importations en provenance des pays émergents ont piqué du nez. D’où le ralentissement des usines chinoises, d’où la baisse du prix des matières premières et de l’énergie. La Chine, l’Inde et le Brésil ont été les premiers touchés.

Enfin, pour réagir à cette situation, les autorités chinoises ont amorcé un nouveau réglage de politique économique. Pour faire simple, ils ont commencé à dévaluer leur monnaie pour baisser le prix des exportations et les soutenir. Mais surtout, par une politique budgétaire interne, ils ont essayé de relancer (et même de créer) une demande interne.

Cette politique monétaire et budgétaire n’a pas produit les effets escomptés. Les Chinois se sont mis, certes, à consommer un peu plus (mais pas trop) et surtout les dirigeants chinois n’ont pas osé jouer le jeu jusqu’au bout. Ils n’ont pas libéré la consommation interne. Par conséquent, cette consommation n’a pas compensé le déficit d’exportations.

De l’aveu même des dirigeants chinois, ils ne savent pas gérer une population qui pourrait bénéficier d’une consommation de biens et services, y compris une consommation sociale. La conséquence de cette situation, c'est que le régime s’est durci politiquement.

Les consequences économiques pour le reste du monde ne sont pas aussi dramatiques que ce que l’on pensait. Au contraire, les pays occidentaux vont, sans doute, grâce à la révolution digitale et à des accords de compétitivité, réussir à relocaliser une partie de leurs fabrications industrielles. C’est ce qui se passe déjà en Grande-Bretagne, en Suisse et même en Allemagne. Ce qui se passe également aux Etats-Unis.

Cela dit, le monde occidental à de bonnes raisons de s’inquiéter des fragilités de l’équilibre politique et social de la Chine. On a cru pendant quinze ans que la révolution libérale en Chine et l’installation d’une économie de marché allait progressivement faire évoluer la société chinoise vers plus de liberté politique. On s’aperçoit aujourd’hui que la mutation sera beaucoup plus lente et difficile que prévu.

Le problème Chinois qui inquiète le monde entier est très simple. La Chine est coincée entre le risque d’explosion sociale et celui d’une explosion politique. Si les usines chinoises ne tournent pas, c’est le risque social. Si les Chinois se mettent à consommer comme des occidentaux, ils revendiqueront comme des occidentaux, et c’est le risque d’explosion politique.

Confidence du ministre chinois de l’Economie lors du dernier forum de Davos à son homologue français : "Ne nous demandez pas de réformer immédiatement la Chine qui compte 1,3 milliards d’habitants. Quand on voit le mal que vous avez, vous, Français à faire fonctionner et à moderniser une démocratie où ne se frottent que 60 millions d’habitants."

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