Europe 1 n’est pas (encore) à vendre mais les acheteurs se bousculent déjà <!-- --> | Atlantico.fr
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L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

Mais qui sont ces industriels qui convoitent Europe 1 ? La vente de la radio marquera le déclin et la fin de l’empire Lagardère. Rien n’est officiel, mais les acheteurs se bousculent à la porte et sont prêts à sortir les carnets de chèques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le monde des affaires n’en parle pas officiellement, le sujet est tabou. On ne touche aux icones médiatiques. Pourtant, tous les crocodiles font déjà leur marché et ne pensent plus qu'à mettre la main sur Europe 1 avec, dans le panier, les derniers journaux qui restent dans le giron du groupe Lagardère. Les discussions seraient engagées pour une signature avant la fin de l’année. Les choses vont se précipiter pour trois raisons.

D’abord, parce que dans l’entourage d’Arnaud Lagardère, on veut liquider avant que l’empire ne s’effondre complètement. Le fils du fondateur a peu de goût pour la gestion d’une entreprise et surtout assez peu de talent pour développer une stratégie qui tiendrait compte des changements liés au digital et à la mondialisation. Le groupe est complètement à l’écart de cette modernité-là. Jean-Luc Lagardère doit se retourner dans sa tombe. L’ambition de son fils, c'est plutôt de couler des jours heureux auprès de Jade - le mannequin belge avec qui, il partage sa vie - que de diriger des conseils d’administration. Résultat, le groupe est à bout de souffle.

Ensuite, le terrain de chasse des médias traditionnels est assez fermé. En deux ans, il s’est joué une formidable partie de Monopoly. Canal+ a été repris en main par Vivendi qui a des ambitions renouvelées. Le Monde et L'Obs sont tombés dans l’escarcelle de Matthieu Pigasse, l’associé-gérant de Lazard. Un touche à tout qui travaille avec l’argent des autres, en l’occurrence celui de Xavier Niels et le reste de la fortune de Pierre Berger. L’Express et Libération appartiennent désormais à Patrick Drahi, qui a par ailleurs pris une option d’achat sur le groupe NextRadio TV, donc RMC et BFM. Le secteur se consolide et il ne reste pas grand-chose à acheter, à part les médias du groupe Lagardère. La partie de Monopoly entame donc son dernier tour.

Enfin, et c’est la troisième raison, toutes ces acquisitions ont peu d’intérêts économiques et financiers. Elles ont un intérêt politique évident à un an et demi de la présidentielle où rien n’est joué.

La prochaine campagne politique ne pourra pas se jouer sur le mensonge comme la précédente. Elle se jouera obligatoirement, à droite comme à gauche, sur la vérité d’une situation à gérer et sur la cohérence financière d’une offre de programme politique. Bref, pas question de raconter n’importe quoi. Et c’est évidemment la presse d’influence politique ou d’opinion qui jugera de la qualité des diagnostics et de la cohérence des programmes. Enfin on peut l’espérer. C’est le seul moyen de faire barrage aux dérives extrémistes.  D’où la bagarre feutrée mais violente à laquelle on a déjà assisté.

Les investisseurs et ces industriels ne se battent pas pour espérer une rentabilité financière mais bien pour acquérir un levier de pouvoir.

Europe 1, Le JDD et Paris Match sont donc au cœur de toutes les convoitises. Ces médias sont tout sauf modernes. Ils sont tous en retard et mêmes dépassés par la vague digitale. Mais ils gardent une influence considérable par leur puissance éditoriale, dans les classes dirigeantes pour participer aux jeux de pouvoirs et façonner l’opinion.  

Il y a, aujourd'hui, trois candidats sérieux - presque officiels - à la reprise des médias du groupe Lagardère. Point intéressant qui explique la violence de leur rivalité, les trois groupes repreneurs naviguent dans des eaux politiques différentes. Aucun n’avouera, le candidat qu'il va aider, par prudence. Mais chacun sponsorise déjà une écurie avec un ou deux champions. Tout se sait et tout se sent.

1e groupe, celui qui sera le plus agressif : Vivendi ou plutôt Vincent Bolloré... puisque dans ce groupe, il ne fait confiance à personne. Il décide de tout, y compris des programmations, ce qui fait d’ailleurs rire tout Paris quand il se plante à Canal en refusant de faire appel à des professionnels. Bolloré sera forcément candidat au rachat d’Europe 1. C’est un projet dont il a déjà parlé avec Arnaud Lagardère avec qui il est en lien étroit. Pour Vivendi, présent dans le cinéma, la musique, les jeux vidéo et la télévision, la reprise d’Europe 1 lui permettrait  de disposer d’un levier de pouvoir incontournable. Vivendi a largement les moyens de reprendre Europe 1 et même de lui donner des moyens pour trouver un second souffle.

Politiquement, Vincent Bolloré a beau s’être fait photographié avec François Hollande ou Manuel Valls en Bretagne (il adore), personne n’est dupe. Vincent Bolloré n’a jamais caché sa proximité avec Nicolas Sarkozy. Ils se connaissent très bien, ils habitent deux maisons presque voisines dans la villa Montmorency  du 16E arrondissement. 

Il a déjà recadré l’éditorial de Canal+. Même si c’est un échec, il veillera à ce que l’on ne massacre pas trop Sarkozy. Cela dit, Vincent Bolloré est cynique, habile et prudent. Il soutiendra Nicolas Sarkozy s’il sent qu'il est "bankable". Sinon, il choisira un autre cheval. Mais pour l’instant il n’a personne d’autre.

2e groupe de repreneurs candidats : le trio Pigasse, Niel et Bergé. Ils ont déjà fait tomber dans leur jardin des médias, Le Monde et L’Obs. Ils ont besoin d’une radio politique écoutée par les CSP+ et les dirigeants d’entreprise. Europe 1 ferait leurs affaires pour un éditorial qui serait social, libéral de gauche. Bref, une option qui conviendrait aux bobos qui aiment l’argent. Du Bolloré mais moins cynique.   

Matthieu Pigasse est à la manœuvre et Xavier Niel garantit les financements. Mais il n'y a aucun risque. En attendant, un tel bouquet de médias permettrait d’intervenir dans la campagne présidentielle. Politiquement , ils se verraient bien sponsoriser une écurie drivée par Manuel Valls, avec des gens comme Emmanuel Macron ou même (surprise), Christine Lagarde qui sera libérée du FMI en mars 2016 et qui cherche à revenir dans le jeu.

Mais pour que cette écurie puisse prendre la ligne de départ, il faudra aussi que François Hollande ne soit pas en position de se présenter. Cela n’est pas impossible, ses résultats sont minables. Manuel Valls ne peut pas le mettre à la porte de l’Elysée, mais des lobbies peuvent s’y employer. C’est l’espoir de tous les gens de gauche qui aiment l’Europe, Le Monde, L'Obs, l’argent... et le peuple bien sûr !  

3e groupe candidat : Fimalac, la holding de Marc Ladreit de Lacharrière. Ce dernier a fait étudier le projet Europe 1 de façon très sérieuse et a déjà pris contact avec le management de l’entreprise pour vérifier que le rapprochement avec ses propres équipes était compatible. Même si, par voie de communiqué, la holding dément catégoriquement étudier le projet Europe 1. Marc de Lacharrière est un homme discret qui a fait fortune tard après une carrière à L’Oréal. Il a investi dans l’industrie, le design et puis, il a tout revendu pour investir dans les médias et le showbiz.

Il avait par exemple racheté les "Zénith" de province. Pour les remplir, il avait pris le contrôle de la société de Gilbert Coullier qui possède les tournées de Johnny Hallyday, Francis Cabrel, Dany Boon et beaucoup d’autres. Marc de la Charrière a aussi acquis 50% du capital du groupe Barrière, les hôtels et les casinos. Mais le cœur du réacteur c’est le groupe multimédia, des sites internet avec de grosses fréquentations...  donc hyper rentables. Des sites où il manque un support d’information et un support éditorial. La Revue des Deux Mondes va être complètement transformée en une revue internet haut de gamme, mais Europe 1 apporterait évidement le contenu et la notoriété qui lui manque.

Politiquement, Marc de Lacharrière a toujours entretenu des relations pacifiques aves les leaders de la gauche comme ceux de la droite. Il a été très proche de Philippe Seguin, l’ancien président de l’Assemblée nationale jusqu’à sa mort, mais il n’a jamais adhéré et soutenu ses idées souverainistes. Marc de Lacharrière est foncièrement mondialiste, européen, libéral, pro business et partisan d’un état régulateur plus qu’interventionniste. Il a travaillé beaucoup avec François Fillon dans la préparation de son programme présidentiel.

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