Loi contre le port de la burqa, 5 ans après : où en est-on ?<!-- --> | Atlantico.fr
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200 verbalisations ont eu lieu depuis le début de l'année 2015.
200 verbalisations ont eu lieu depuis le début de l'année 2015.
©Reuters

Lever le voile

Le 11 octobre 2010 était promulguée la loi fréquemment appelée "loi anti burqa", interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. D'après le ministère de l'Intérieur, 332 verbalisations ont eu lieu en 2012, 383 en 2013, 397 en 2014 et 200 depuis le début de l'année 2015. Si le nombre de contrôles augmente légèrement chaque année, cela reste faible, et il s'agit souvent des mêmes femmes plusieurs fois verbalisées.

Denis Jacob

Denis Jacob

Major, ancien secrétaire administratif général du syndicat ALLIANCE Police Nationale, Denis Jacob est désormais le secrétaire général d'ALTERNATIVE Police – CFDT, syndicat qu'il a fondé.

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Atlantico : 5 ans après, quel bilan peut-on faire de l'application de la loi du 11 octobre 2010 ?

Denis Jacob : Tout d’abord il convient de rappeler que la loi du 11 octobre 2010 n’est pas spécifiquement ciblée sur le port de la burqa mais plus globalement sur le fait pour toute personne de dissimuler son visage comme par exemple des personnes cagoulées ou casquées sur des manifestations dont le seul objectif est d’en découdre avec les forces de police et de se livrer à des actes de pillages et de vandalisme. En clair, cette loi a pour objectif de sanctionner toute personne qui, dans le but de commettre une infraction, dissimule son visage pour ne pas être identifiée.

Malheureusement, cette loi a été dévoyée par certains biens pensants, notamment par certaines personnes de milieu associatif et politique, pour l’orienter uniquement sur le port de la burqa. Cela a notamment fait le buzz médiatique sur quelques cas, à la marge, qui a conduit à des rapports particulièrement tendus avec la police dans le cadre de contrôles d’identité.

Aujourd’hui, il ne faut pas parler de bilan positif ou négatif d’ailleurs car très objectivement les policiers ne se sont pas lancés « à la chasse à la burqa » pour le simple plaisir de contrôler cette partie minoritaire de la population française.

D’ailleurs, cela ne concerne que très peu de personnes puisque le nombre de femmes porteurs de la burqa est estimé à 2000. C’est pourquoi il y a ce risque de contrôle répété d’une même personne par plusieurs patrouilles de police différentes.

De plus, le niveau relevé de VIGIPIRATE au regard, d’une part, du risque géopolitique international d’attentats et, d’autre part, les attentats de janvier 2015 en France, implique une vigilance accrue et de fait une augmentation du contrôle qui peut intervenir sur les femmes portant la burqa.

Rappelons également que la loi a pour but de rappeler que la France est un pays laïque qui respecte toutes les formes de religions. Cependant son rôle est aussi de lutter contre toute forme de religion extrême, asservissante, pour des femmes notamment, comme c’est le cas avec la burqa et de lutter contre toute tentative d’imposer un type de religion sur une autre part un affichage ostentatoire.

A ce jour, la loi du 11 octobre 2010 est « banalisée » comme toute autre loi qui permet aux forces de l’ordre d’intervenir et de prévenir, de dissuader ou de réprimer toute action qui aurait pour objet de commettre une infraction.

Les faits de récidives telles qu’ils sont rapportées apparaissent plus comme la volonté de contrevenir à la loi sur la burqa que la volonté de policiers à focaliser sur une minorité de la population par simple plaisir de les contrôler et de les verbaliser plusieurs fois. Les policiers sont républicains et leur priorité est avant tout d’assurer la sécurité de leurs concitoyens dans un contexte particulièrement difficile. S’ils doivent pour cela, contrôler plusieurs fois une personne identique du fait de l’impossibilité de l’identifier visuellement alors ils se doivent de le faire car rien ne garantit que sous une telle tenue ne se cache pas une personne susceptible de dissimuler tout type d’armes en vue de commettre un attentat, tout autre acte criminel ou de délinquance.

Il s'agirait souvent des mêmes femmes contrôlées parfois plusieurs fois. Ainsi une femme aurait été contrôlée 33 fois. Cette forme de multi-récidivisme marque-t-elle l'échec de la loi ?

Non il ne s’agit pas d’un échec mais quand on se trouve dans une situation, telle que je l’ai décrite ci-dessus, les policiers doivent s’assurer que l’on a bien à faire à la bonne personne. La difficulté de ne pas pouvoir identifier visuellement la personne oblige les policiers à s’assurer que la personne dissimulée par cette tenue n’est pas un terroriste ou un délinquant, possiblement armé, près à commettre un acte grave. Si la même personne est contrôlée plusieurs fois c’est qu’elle a la ferme volonté de ne pas respecter la loi française. Le rôle des policiers est de rappeler que personne n’est au-dessus de la loi et que nul n’y sensé l’ignorer. Lorsqu’on réside en France, les lois de la République doivent être respectées.

Sur le terrain, comment se déroule l'application de la loi pour les forces de l'ordre ? 

Sur le terrain, l’application de la loi s’applique comme tout autre texte et règlement, sans ostracisme ni dogmatisme. Comme je l’ai écrit plus haut. Les policiers sont républicains et respectueux des lois. Ils ne sont pas « chasseurs de Burqa ». S’ils constatent une infraction, ils la verbalisent le cas échéant comme tout autre infraction. Si le contrôle se passe bien, il n’y a pas forcément lieu à verbaliser. Tout est question de discernement comme savent le faire quotidiennement les policiers sur le terrain. Par contre, si la personne contrôlée est particulièrement connue des services de police pour faire habituellement obstruction à tout contrôle et se soustraire à l’application de la loi alors il est clair que le rôle des policiers est que force reste à la loi surtout dans un climat terroriste particulièrement prégnant.

Certains jugent cette loi insuffisante. Partagez-vous cet avis ?

Je pense que le problème n’est pas pénal mais sociétal. Le fait de porter une burqa est avant tout avilissant pour une femme qui la porte. Pour certaines ce choix a été imposé, pour d’autres l’endoctrinement religieux semble être à l’origine d’un tel choix enfin d’autres ont fait un choix personnel assumer de s’orienter vers un extrémisme religieux. Ce n’est pas un durcissement de la loi qui changera cela, on prendrait même le risque de durcir encore plus cette radicalisation religieuse du fait de l’interdit.

Il ne m’appartient pas en tant que policier de juger de l’efficacité ou non de la loi, il appartient au législateur d’étudier cette problématique sur le fond et de mesurer toutes les conséquence que pourrait engendrer une modification en prenant en compte les aspects négatifs et positifs d’une telle modification si elle devait intervenir.

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