Finis les mots d'excuse, bientôt la pilule qui dispensera de sport (mais pourra-t-elle quelque chose contre la perte du sens de l'effort ?) <!-- --> | Atlantico.fr
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Un pilule pourrait bientôt remplacer le sport.
Un pilule pourrait bientôt remplacer le sport.
©Pixabay

Sans effort !

Faire du sport sans fatigue ni transpiration : il ne s'agit plus d'un fantasme mais d'une recherche scientifique sérieuse. Une équipe de chercheurs de l'université de Sydney vient de trouver un moyen de reproduire la réaction musculaire d'un corps à une activité. Reste que le sport n'agit pas que sur les muscles, et qu'il serait dangereux de penser pouvoir échapper à l'effort.

Xavier Bigard

Xavier Bigard

Pr. Xavier Bigard est professeur agrégé du Val de Grâce, conseiller scientifique à l'Agence française de lutte contre le dopage et président de la Société française de médecine de l'exercice et du sport.

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Jean-Cyrille  Lecoq

Jean-Cyrille Lecoq

Jean-Cyrille Lecoq est psychologue du sport, coach et préparateur mental. 

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Atlantico : Les résultats des expériences menées par l'équipe du docteur Nolan Hoffman, chercheur associé à l'Ecole de la bioscience moléculaire de l'Université de Sydney, explique que les changements moléculaires dans les muscles lors d'une activité physique pourraient être reproduite à l'aide de médicaments. Cette nouvelle est-elle révolutionnaire ? Comment est-ce concrètement possible ?

Xavier Bigard : Non, ce n'est pas nouveau. Cette idée Nord-américaine émerge depuis la fin des années 2000. Le premier article très important qui collectait des données scientifiques date de 2008. Les auteurs de cette recherche – qui avait été réalisée sur des modèles rongeurs – concluaient qu'ils avaient enfin trouvé des substances qui permettaient d'obtenir les effets de l'entrainement physique sans s'entrainer.

L'idée est toute simple. A partir du moment où la population est de plus en plus exposée à des facteurs de risques de maladies chroniques (cardio-vasculaire, pulmonaire, métabolique, etc.), nous avons deux solutions:

- les mettre à l'exercice. Cela peut parfois se révéler difficile.

- leur donner un médicament qui reproduit  les effets de l'exercice. Pour certain, la deuxième solution apparaissait plus simple. Dès lors, des chercheurs se sont mis à chercher un médicament, susceptible de reproduire les effets de l'activité physique.

Où en sommes-nous aujourd'hui dans cette recherche ?

Xavier Bigard : Actuellement, il s'agit encore d'un défi pour les équipes de recherche et l'objectif n'est pas encore réellement atteint, car cela se révèle très compliqué. Ils ont trouvé des gènes cibles qui sont contrôlés par système enzymatique qui lui-même est activé au cours de l'exercice. Les chercheurs envisagent d'utiliser des substances chimiques qui puissent jouer sur ces gènes, de manière à reproduire les effets de l'exercice.

Nous n'avons pas encore trouvé de molécule qui permette de reproduire les effets de l'exercice, à ce jour.

Quelles sont les limites/dangers que peuvent présenter une telle recherche ?

Xavier Bigard : A cela, s'opposent plusieurs obstacles majeurs.

Le premier est de nature technique. Cela va s'avérer très compliqué de trouver cette molécule chimique qui permettra de reproduire les effets d'un conditionnement général de l'organisme. Lorsque vous réalisez un exercice, vous avez une réponse musculaire, endocrinienne, cardiovasculaire, pulmonaire, neurologique. Vous avez donc une réponse coordonnée de l'ensemble des organes du corps humain. Pour le moment, l'idée expérimentale est centrée sur la réponse musculaire, indépendamment des autres réponses, qui concourent pourtant à l'amélioration de l'état de santé.

Cette recherche est assez biaisée, car ses équipes se focalisent sur les effets métaboliques de l'exercice, c'est-à-dire le surpoids et éventuellement l'état de diabète, mais pas du tout sur les autres effets qu'à l'activité sportive sur la santé. Cette approche est ainsi très réductionniste.

Aujourd'hui, nous savons bien identifier les bienfaits de l'activité physique sur la santé mentale, qui regroupe en particulier l'ensemble des manifestations cliniques du stress, c'est-à-dire l'anxiété et la dépression. Nous savons que chez les personnes régulièrement actives, il y a une réduction de l'incidence de l'anxiété et de la dépression. Cela ne peut pas être reproduit par une molécule qui touche au muscle.

Cela ne remplacera jamais le sport.

Ce que l'on peut envisager en revanche – et beaucoup d'industrie de médicament recherchent en ce sens – est de trouver une molécule qui va permettre de consommer de l'énergie en surplus et d'éviter le surpoids. Mais l'obésité et le diabète de type 2, ne sont qu'une partie de l'ensemble des maladies chroniques non transmissibles qui sont à risque chez les sujets sédentaires. Ils sont exposés à beaucoup d'autres risques: cardio-vasculaires, neurologiques, ainsi qu'à la survenue de cancer. Toutes ces pathologies sont liées au manque d'activité, et ce seul effet musculaire développé par les scientifiques ne répondra en rien à ces problèmes.

Quelle place tient l'effort et le mental dans l'effet positif du sport sur la santé ?

Jean-Cyrille Lecoq : Plusieurs interrogations, tout d'abord nous savons grâce à de nombreuses études que le cerveau ne fait pas la différence entre un geste réalisé physiquement et mentalement, on remarque une légère contraction des cellules musculaires et une dégradation du glucose. C'est l'un des effets de l'imagerie mentale. On peut alors faire l'hypothèse que cette pillule ferait de même mais cela ne remplace pas l'effort physique. C'est une aide permettant l'accès à la pratique physique pour ceux qui ont des difficultés.

Rien ne remplacera pour le moment les effets de la pratique sportive et ses bénéfices lorsque l'on reste dans un pratique saine pour la personne.

La création d'une telle pilule peut alors être un tremplin mais en aucun cas remplacera la psychologie de la personne se préparant à faire son sport. D'autres part, quels seront les effets secondaires d'une telle pilule ? Va-t-elle rendre la personne dépendante et ensuite créer une situation oû la personne souhaite expérimenter d'autres substance, ce qui est alors une porte ouverte au dopage et à la toxicomanie.

L'effet principal de la pratique sportive vient essentiellement de la libération d'endorphines qui procurent du plaisir et bien être à la personne mais vous avez aussi le plaisir de faire du sport avec d'autres personnes et cela n'est pas remplacé par une pilule de même l'importance de changer d'environnement (de passer d'un environnement professionnel à sportif).

Si, à long terme, ce sens de l'effort disparaît dans une partie de notre société, quelles en seraient les conséquences ?

Jean-Cyrille Lecoq :Une société où la notion d'effort disparait aurait les mêmes conséquences qu'une société ou les gens seraient immortels c'est à dire une perte des valeurs et surtout un manque de considération pour ce qui est important et essentiel. Bref une banalisation de ce qui coûte pour ètre soi et ne plus avoir le cheminement pour être.

Car ce qui est important ce n'est pas seulement l'objectif à atteindre mais le chemin que je réalise pour l'atteindre car il est à la fois physique mais aussi et surtout mental et spirituel.

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