Plainte de particuliers contre Volkswagen : un pari difficile mais possible en cas de class action<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Un avocat spécialisé en droit automobile a recensé les premières plaintes de particuliers Français contre Volkswagen.
Un avocat spécialisé en droit automobile a recensé les premières plaintes de particuliers Français contre Volkswagen.
©Reuters

L'union fait la force

Le combat de David contre Goliath. Volkswagen l'immense, le puissant, l'inébranlable (par delà les scandales), attaqué par quatre petits particuliers marseillais, qui s'estiment lésés, trahis, arnaqués. Un affrontement juridique au dénouement jusqu'ici certain : un particulier qui s'en prend à une firme d'une telle taille finit toujours broyé, faute de moyens financiers suffisants. Du moins, c'était le cas avant les class action.

Frédéric Pelouze

Frédéric Pelouze

Frédéric Pelouze est ancien Avocat au Barreau de Paris, Fondateur d'Alter Litigation Funding, société de financement de litiges.
Voir la bio »
Bruno Deffains

Bruno Deffains

Bruno Deffains est économiste, professeur à l'Université Panthéon-Assas et directeur du laboratoire d'économie du Droit. 

Voir la bio »

Atlantico : Récemment, un avocat spécialisé en droit automobile a recensé les premières plaintes de particuliers Français contre Volkswagen, comme le rapportent France Info et Europe 1. Au vu et au su des moyens dont dispose la firme, à quoi faut-il s'attendre dans le cadre d'un procès opposant un particulier à Volkswagen ?

Bruno Deffains : Il est bien difficile de répondre à cette question tant l’incertitude est grande dans ce type de dossier. Il convient notamment de faire la part des choses entre procédures au civil ou au pénal. Au civil, la démarche est nécessairement longue, lourde et fait porter au demandeur le fardeau de la preuve. En outre, se porter partie civile ne permet pas nécessairement de viser directement l’entreprise Volkswagen, mais plutôt les garages qui, dans un second temps, pourraient à leur tour se retourner contre le constructeur allemand. Au pénal, les choses sont différentes dans la mesure où les faits semblent assez clairement établis de l’aveu même de la firme allemande. C’est ce qui explique notamment qu’une plainte pour tromperie aggravée et mise en danger de la vie d’autrui a déjà été déposée mercredi par l’ONG "Ecologie sans Frontière" auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris. Il n’en demeure pas moins que le risque du procès est important d’autant plus qu’il existe un déséquilibre entre les particuliers, en tant que victimes individuelles, et Volkswagen. Les moyens sont clairement disproportionnés.

Frédéric Pelouze : Cet avocat fait son métier et c'est louable. Cela étant, notre expérience en matière de litiges de masse montre que les ressources humaines financières et surtout technologiques sont des facteurs clé de réussite dès lors qu'on dépasse un certain nombre de demandeurs.

Pour autant, avec l'arrivée des Class Action, le combat est-il rééquilibré ? Dans quelle mesure un collectif de particuliers pourrait s'en prendre, et potentiellement gagner face à Volkswagen ou une autre firme de la même trempe ?

Bruno Deffains : Les actions collectives constituent effectivement un moyen de rééquilibrer les moyens des forces en présence. La logique économique qui prévaut dans le cadre de ce type de procédure repose sur un partage des coûts et de l’information entre les victimes qui améliore les conditions dans lesquelles les victimes vont pouvoir s’organiser pour agir en justice. C’est précisément ce qui contribue à faire des actions collectives un moyen de promouvoir l’efficacité de la justice en assurant une meilleure prise en charge de la réparation des préjudices et en renforçant les incitations des auteurs de dommages à changer leurs comportements. Le dossier Volkswagen présente toutes les caractéristiques qui justifient de s’engager dans ce type de procédure, ce qui semble déjà le cas dans plusieurs pays. L’argument est d’autant plus fort que les victimes se chiffrent en millions...

Frédéric Pelouze :Les actions de groupe instaurées par la loi Hamon sont un outil intéressant pour les associations de consommateurs mais il est imparfait. Très imparfait. Les actions de groupe sont limitées à l'indemnisation des préjudices patrimoniaux ce qui veut dire que certains préjudices nés du scandale VW ne seront jamais indemnisés si une association de consommateur agit. 

Les associations de consommateurs ne peuvent pas non plus agir en matière boursière : impossible avec les actions de groupe d'indemniser les actionnaires. 

Quelle alternative ? 

La possibilité pour les avocats de pouvoir conduire des actions collectives de droit commun en démarchant des clients est un outil bien plus puissant surtout si l'avocat agrège ses clients via des plateformes dédiées dont c'est le métier, qui peuvent financer les frais et honoraires et fournir des services de gestion des pièces, de génération automatique de documents etc. 

WECLAIM est une start-up spécialisée dans les litiges qui fournit ces services: tout est donc réuni pour qu'une action d'envergure nationale voire européenne puisse être engagée: les consommateurs n'auraient qu'à cliquer en ligne pour être indemnisé

Les Class Action existent depuis maintenant un an en France, pourtant elles font assez peu de bruit. Faut-il voir dans le scandale Volkswagen l'occasion de lancer véritablement cette procédure ?

Bruno Deffains : Les actions collectives font peu de bruit en France car les conditions de mise en oeuvre sont assez restrictives mais aussi parce que la Loi consommation qui les a introduites ne date que de 2014 et les pratiques évoluent assez lentement. Il y a néanmoins de nombreuses actions en cours pour lesquelles il convient d’attendre l’issue. Mais il est vrai qu’une affaire comme celle née du scandale Volkswagen devrait contribuer à faire mieux connaître les "class actions" à la française et contribuer à leur développement.

Frédéric Pelouze :  Le mécanisme des class actions à la française a ses limites quel que soit l’importance du contentieux en jeu, c’est bien pourquoi nous avons avec weclaim une approche plus large et délibérément moins frontale et contentieuse…

S'agissant de VW il est trop tôt pour dire si ce contentieux va lancer les class actions en France. Si Volkswagen a certes reconnu la fraude, il reste à déterminer la nature et le quantum des préjudices : les actes du groupe VW dans les prochains jours seront précieux pour voir ce qui est vraiment envisageable.

Existe-t-il d'autres armes juridiques que la Class Action dont la visée est d'équilibrer le combat juridique entre petits et grands ? Comment ces alternatives parviennent-elles à mettre en tort la célèbre maxime de la Fontaine "Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir." ?

Bruno Deffains : La question de fond est surtout celle de l’accès à la justice. Le débat existe depuis longtemps est pose la question du financement des conditions d’accès au juge. Dès lors que les moyens sont déséquilibrés, il est évident que le risque est de voir certaines victimes renoncer à agir soit qu’elle considère que le jeu n’en vaut pas la chandelle (gain attendu inférieurs au coût supporté en termes financiers mais aussi de délai ou de coût psychologique), soit tout simplement parce qu’elle n’ont pas les moyens suffisants. Ce problème général est bien entendu aggravé si l’autre partie dispose de moyens considérables. Comment rétablir l’équilibre ? Les solutions sont multiples et plus ou moins sophistiquées (on pense par exemple immédiatement à des mécanismes assurantiels). Les actions collectives répondent en partie à ce soucis de rééquilibrage au même titre que d’autres instruments comme les dommages-intérêts punitifs (ou amende civile), le pacte de quota lits (honoraires proportionnels aux résultats) ou encore le financement du contentieux par des tiers. Chaque mécanisme présente ses propres avantages et limites mais pour s’en tenir à la question du rééquilbre des forces en présence, ils présentent un intérêt potentiel du point de vue de l’organisation de la justice. 

Frédéric Pelouze : Plutôt que des armes juridiques alternatives, il s'agit plus d une conjugaison d'outils qui rendent les armes juridiques existantes désormais efficaces. 

Hier, il fallait payer les honoraires des avocats. Quand une plateforme comme WECLAIM propose de financer l'action, l'argent ne joue plus en faveur de Goliath. 

Hier, il était impossible de regrouper les victimes: aujourd'hui les victimes sont à un clic d'être représenté par un avocat. 

Hier, les entreprises géraient leur communication unilatéralement. Aujourd'hui, les consommateurs peuvent interpeller l'entreprise via les réseaux sociaux : imaginez si les clients tweetent chaque jour la trace qu'ils vont laisser pour les années à venir.

Dans ce nouvel environnement, peu d'entreprise se risqueront à un bras de fer car elles ne peuvent plus tirer parti de leur puissance financière. Une approche CRM des litiges va naître.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !