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Le monde ne comprend pas la décision de la FED, grogne contre la Suisse mais encense Patrick Drahi
©Reuters

Quelle semaine !

Pendant que l’Europe se disloque, les affaires continuent mais ailleurs. Cette semaine, c’est une fois de plus, la FED qui a tracé les grandes lignes de la politique mondiale. Un homme d’affaires français a enflammé Wall-Street et la Suisse nous a donné des leçons de morale en baissant une fois pour toutes le secret bancaire. Ce n’est pas une réforme, c’est une révolution.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Après un faux suspens de plusieurs mois, la FED a donc laissé inchangés ses taux directeurs, proches de zéro. Pour une partie du monde des affaires, c’est une bonne nouvelle. Pour l’autre, elle est évidemment mauvaise.

Cela va faire huit ans maintenant, que la banque centrale américaine pratique ce que l’on appelle pudiquement une politique accommodante. C’est-à-dire qu’elle distribue des liquidités de façon très généreuse et maintien des taux d’intérêt très bas. Cette politique a eu le mérité d’éviter à l’économie américaine de s’asphyxier après la crise des subprimes. Cette politique monétaire a été pratiquée par la banque centrale d’Angleterre, la banque du Japon et, plus récemment, par la Banque centrale Européenne.

La crise financière a été résolue dans la plupart des pays. L’économie mondiale s’est redressée un peu partout sauf en Europe, qui a du mal à redécoller. Néanmoins, le vieux continent réussi à capter les vents de la reprise.

En toute logique, compte tenu des indicateurs macroéconomiques et des performances de l’économie américaine, la majorité des opérateurs s’attendaient à ce que la FED modifie sa politique monétaire en remontant les taux d’intérêt. Janet Yellen a expliqué depuis plus d’un an, que les politiques monétaires accommodantes étaient faites pour aider une économie à sortir de la dépression, mais qu'une fois sortie de la crise il fallait revenir progressivement à des conditions normales. Une économie ne peut pas durablement vivre avec des taux d’intérêt zéro. Il faut à un moment que le capital investi soit rémunéré, sinon, les investisseurs baissent les bras ou consacrent leurs liquidités gratuites à spéculer sur les actifs.

Depuis un an, la croissance américaine est revenue, le taux d’emploi est quasiment optimum et l’inflation réapparait doucement. Tous les signaux de la reprise sont au rendez-vous.

Tous, sauf les indicateurs financiers et boursiers. Après trois ans de rallye exceptionnels, Wall-Street a retrouvé et doublé ses niveaux d’avant la crise. Quand, en août dernier, les boursiers ont trébuché en percevant les premiers signes d’une crise grave en Chine. A partir du mois d’août donc, la banque centrale américaine a été sous la pression, pour ne pas relever ses taux, des milieux  financiers internationaux, des grandes banques new-yorkaises, et même du FMI.

Si la FED relève ses taux, c’est la catastrophe, expliquait-on chez Goldman Sachs. Les entreprises n’auront plus de liquidités et certains Etats en Europe sont tellement endettés, comme la France, qu’ils risquent la faillite.

La FED, et notamment Janet Yellen, a cédé au marché en considérant que la Chine était source d’inquiétudes et était en mesure de déséquilibrer les bourses internationales dont New-York.

Le communiqué est intéressant parce que, pour la première fois, la banque centrale américaine ne fonde pas ses décisions sur les critères habituels prévus dans ses statuts : à savoir le niveau de l’emploi américain et le niveau de l’inflation, mais aussi sur l’Etat de l’économie chinoise, de la bourse de Shanghaï et des prévisions mondiales du FMI. La banque centrale américaine assume un rôle de pilote et de régulateur de l’économie mondiale. Janet Yellen a donc haussé le ton contre les Chinois mais pas les taux

En attendant, d’autres experts beaucoup plus cyniques, expliquent que la FED a tout simplement cédé au lobby de Wall-Street qui commençait à pleurer dans la perspective de voir le Dow-Jones retomber. Comme quoi, les marchés financiers sont bien les premiers bénéficiaires des liquidités distribuées par les banquiers centraux.

Ce qui est intéressant c’est que Jeudi, au même moment à New-York, un milliardaire français réunissait la communauté financière de Wall-Street pour expliquer sa deuxième acquisition aux États-Unis dans le câble en quatre mois. Patrick Drahi fait de son groupe Alice le quatrième câblo-opérateur américain. Le géant européen détient désormais Suddenlink, racheté pour plus de 9 milliards de dollars et Cablevision à 17,7 milliards.

Patrick Drahi a fait un triomphe devant les jeunes traders,  analystes et investisseurs réunis dans une salle surchauffée et surexcitée de rencontrer la star de la finance internationale. Patrick Drahi est une immense star à New-York. Dans un anglais parfait, ce polyethnique a mis ce public difficile dans sa poche disant que son projet était d’exporter «le rendement des Américains en Europe» une Europe qui en avait bien besoin. Et comme tous les businessmen qui réussissent, il a distillé quelques-uns de ses secrets. Les américains adorent ça !

«Un, j’aime l’argent comme tous les entrepreneurs. Deux, je fais 100% confiance à mes collaborateurs. Si la confiance tombe à 99% : je les vire. Et trois, si un de mes managers vient me présenter un consultant, je vire le manager et je garde le consultant.»

Pour terminer, un jeune demande « s’il pourra tenir son endettement » : le temps imparti est dépassé et le communiqué de la FED indiquant que les taux directeurs étaient inchangés vient de tomber…

Au même moment, la Suisse a enterré son sacro-saint secret bancaire. Tous les députés, sauf ceux de l’extrême droite, ont voté la mort du secret bancaire qui a pourtant fait depuis 1930 la fortune et la prospérité du pays. C’était la première industrie du pays que de gérer l’argent dont on ne voulait pas savoir l’origine et même la destination. Recyclage, camouflage et blanchiment étaient à la base de ce commerce.

Donc c’est fini depuis mercredi dernier minuit. Si la France, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Grèce, demandent des renseignements sur un compte en Suisse, ils pourront l’obtenir très vite.

Ceci dit, les Suisses qui ne sont pas des sauvages, ont laissé aux fraudeurs jusqu’au 1er janvier 2018 pour régulariser leur situation avec leur pays d’origine. Bercy déclare que 41.000 dossiers de régularisations des avoirs français détenus à l’étranger ont été déposés depuis deux ans. Ce qui va permettre de financer, dit-on, la baisse d’impôts annoncée.

D’autres détenteurs de comptes en Suisse se sont arrangés pour transférer leurs avoirs dans un autre pays, Singapour par exemple. Pour les Suisses eux-mêmes, c’est un déchirement. Depuis les années 1930, la banque Suisse s’était fait une spécialité de gérer l’argent des non-résidents étrangers. La Suisse détenait ainsi 27% de la fortune mondiale.

Le gouvernement s’agite pour trouver et développer des industries et des activités de replacement.

Détail, le gouvernement helvète a accepté un amendement au principe de la suppression du secret bancaire. Le secret s’appliquera à tout le monde sauf aux Suisses eux-mêmes qui pourront donc garder leur bas de laine au chaud. Comme quoi, en Suisse aussi, les élus ont certes des principes moraux et des valeurs mais ils pensent à leurs électeurs. Tout va bien, ou presque.

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