Ce que nous réserve le retour de l'Iran sur les marchés pétroliers<!-- --> | Atlantico.fr
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Il faudra des mois, voire des années, pour que l’Iran reconstitue un outil de production à la hauteur de ses ambitions, c’est-à-dire les 4,8 Mbbl/j (millions de barils par jour) annoncés par le pouvoir.
Il faudra des mois, voire des années, pour que l’Iran reconstitue un outil de production à la hauteur de ses ambitions, c’est-à-dire les 4,8 Mbbl/j (millions de barils par jour) annoncés par le pouvoir.
©Reuters

Retour sur le marché

Avec la conclusion des accords sur le nucléaire, la perspective d'un retour sur le marché du pétrole se profile pour l'Iran. Accès aux circuits financiers, acquisition de devises convertibles... Il faudra cependant plusieurs mois pour que le pays reconstitue son outil de production, délabré par des décennies d'embargo.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Les Etats-Unis sont sur le point de signer un accord nucléaire avec l'Iran, qui s'est engagé à ne pas se doter de l'arme atomique en échange de la fin de l'embargo économique. En quoi cet accord permettra-t-il de relancer l'industrie pétrolière ?

Stephan Silvestre : L’Iran peut espérer de cet accord trois effets bénéfiques. D’abord, la possibilité de vendre librement son or noir sur les marchés internationaux. En dépit de la parole officielle qui soutenait ne pas souffrir de cette situation, l’Iran a fortement pâti de ces restrictions. Ensuite, l’Iran va pouvoir, progressivement, retrouver un accès aux circuits financiers internationaux. Une bonne partie du pétrole qu’il parvenait à écouler a été troqué contre divers biens et le pays manque de devises. Enfin, l’Iran pourra réaccéder au marché des pièces et équipements de production. Car même si le pays a l’autorisation de commercer, il n’en a plus les capacités en raison de l’obsolescence de ses infrastructures.

Cependant, il faudra des mois, voire des années, pour que l’Iran reconstitue un outil de production à la hauteur de ses ambitions, c’est-à-dire les 4,8 Mbbl/j (millions de barils par jour) annoncés par le pouvoir.

Quel impact cela pourrait-il avoir sur les marchés mondiaux du pétrole ? Pourrait-on s'attendre à voir baisser les prix du pétrole ?  

L’impact sera assez modeste au regard des prétentions des autorités iraniennes. La consommation interne du pays est de plus en plus élevée et seulement une partie de la production est exportée. À court terme, la production additionnelle sur les marchés mondiaux restera inférieure à 1 Mbbl/j. C’est significatif, mais cela représente moins de 1% du marché. Cet impact est d’ores et déjà dans les cours, très bas, du pétrole et il n’y aura pas d’autre effet.

En revanche, les décisions de l’OPEP continueront de peser sur les cours. L’Iran pourrait demander une hausse de son quota (4 Mbbl/j), ce qui serait plutôt ironique de la part du chantre des prix élevés, mais cela sera rejeté par les riverains du Golfe.

L'industrie pétrolière d'Iran peut-elle prétendre à reprendre la part de marché qu'elle avait avant l'embargo ?

Sa part de marché, non, sans aucun doute. Au mieux, l’Iran pourrait rêver de revenir aux 6 Mbbl/j de ses heures de gloire (les années 1970). À cette époque, il en exportait 5,4 Mbbl/j, soit près de 10% du marché mondial. Aujourd’hui, il est peu probable qu’il atteigne les 4 Mbbl/j, alors que le marché est monté à 93 Mbbl/j. De plus, la production mondiale continue de croître, aux États-Unis, au Canada, en Russie, au Brésil, et de nombreux clients choisiront un fournisseur moins risqué.

Pourquoi faut-il malgré tout rester prudent ?

Pour commencer, la demande mondiale est peu dynamique en ce moment, alors que l’offre est pléthorique. Même après l’accord sur le nucléaire, il est peu probable que les Occidentaux se ruent sur le brut iranien. Reste la Chine, mais dans une période de tassement de sa croissance, son marché n’est plus aussi prometteur.

Ensuite, il faudra de lourds investissements pour redresser le secteur pétrolier iranien : plus de 200 milliards de dollars, selon l’Agence Internationale de l’Énergie. Mais industriels et financiers internationaux vont y regarder à deux fois avant d’investir dans ce pays. L’accord sur le nucléaire est conditionné à un certain nombre d’engagements que l’Iran devra tenir pour éviter une rechute diplomatique. Il reste par ailleurs de nombreux dossiers régionaux susceptibles de raviver les tensions (l’Irak, Daesh, Israël, l’Arabie Saoudite…). Dans un contexte de baril bradé et de réduction des investissements partout dans le monde, l’Iran devra faire face à la frilosité des investisseurs, alors même que ses propres caisses sont vides.

Ajoutons à ce tableau l’hostilité de plus en plus marquée des pays du Golfe, Arabie Saoudite en tête, sur fond de guerre des religions. Celle-ci fera tout son possible pour savonner la planche à l’Iran, à commencer par le priver de sa rente pétrolière.

Reste à l’Iran le gaz naturel, dont les réserves sont énormes et qui pourrait constituer un marché plus prometteur. Le marché mondial est en croissance, il existe une demande en Europe et son transport sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié) est en plein essor.

Propos recueillis par Cécile Picco

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