Université d’été de la Baule : Sarkozy-Juppé, quand la force de l’un est la faiblesse de l’autre (et réciproquement)<!-- --> | Atlantico.fr
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Alain Juppé et Nicolas Sarkozy sont favoris pour la primaire à droite et au centre.
Alain Juppé et Nicolas Sarkozy sont favoris pour la primaire à droite et au centre.
©Reuters

Qualités de ses défauts

Malgré la multiplication des déclarations de candidature ces derniers mois, les deux candidats en tête des sondages dans le cadre de la primaire à droite restent Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. L'un séduit par ses positions politiques, l'autre par sa personnalité, mais les deux atouts ne semblent pas pouvoir se combiner aujourd'hui.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Atlantico : Alain Juppé reste en tête du baromètre CSA pour "Les Echos" publié le 3 septembre, aussi bien auprès de l’ensemble des Français que des sympathisants de droite. Si sa personnalité plaît, son positionnement politique semble séduire davantage les sympathisants de centre droit que les militants des Républicains. Est-ce là l'un des handicaps de Juppé ?

Buno Jeudy : Il est incontestable qu'Alain Juppé est devenu - pendant l'année 2014 et cela s'est renforcé nettement depuis le début de 2015 - l'homme politique préféré des Français, loin devant Nicolas Sarkozy. Ensuite, lorsqu'on analyse les préférences des sympathisants de droite et même les préférences des sympathisants des Républicains, les choses se resserrent entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, et c'est variable selon les sondages. Globalement, il s'agit d'un rapport 50-50 même si selon les dernières études dont celle d'Odoxa pour Itele, il y a un léger avantage pour Nicolas Sarkozy chez les sympathisants de droite et un avantage un peu plus large pour le président des Républicains au sein de son parti.

SI l'on s'en tient à l'opinion des gens de droite et des Républicains en particulier, Nicolas Sarkozy semble rester légèrement devant Alain Juppé, même si ce dernier a plutôt comblé son retard depuis le retour de Nicolas Sarkozy en septembre dernier. Le match dans l'opinion est globalement favorable au maire de Bordeaux, mais le match dans l'opinion des sympathisants de droite et des sympathisants du parti Les Républicains est quand même encore plutôt favorable à Nicolas Sarkozy.

Cela me fait dire que si la primaire devait se dérouler demain, le résultat serait probablement serré, peut-être un peu à l'avantage de Nicolas Sarkozy aujourd'hui mais on ne sait pas exactement quel sera le corps électoral, combien de centristes se déplaceront pour voter à la primaire… C'est la grande inconnue de cette primaire, la première pour la droite.

La stratégie d'Alain Juppé est d'aller séduire l'électorat modéré de l'opposition, c'est-à-dire les centristes, et d'élargir même aux déçus de François Hollande. Le maire de Bordeaux sait vraisemblablement que ce n'est pas au niveau de la frange la plus à droite des Républicains, et a fortiori du côté du FN, qu'il va trouver des soutiens. Sa stratégie est d'essayer de bétonner ce socle républicain modéré, centriste et même de l'élargir à gauche. C'est son pari, la voie qu'il a trouvé pour contourner et dépasser un Nicolas Sarkozy qui lui, au contraire, a un noyau dur chez les Républicains. Son sentiment est que la France s'est radicalisée, la droite aussi et c'est plutôt vers la droite qu'il va trouver les voix pour distancer et emporter la course à la primaire.

Nicolas Sarkozy et Alain Juppé sont donc à front inversé quant à leur façon d'aller chercher les électeurs pour la primaire. Alain Juppé fait le pari de l'apaisement et de la modération à travers ses prises de position avec son choix de rentrée politique notamment, mettre en avant la "mère des réforme" pour le citer, c'est-à-dire la réforme de l'école. Il s'agit d'un thème qui peut trouver des oreilles favorables du côté des électeurs modérés et des déçus de Hollande par exemple. Pourtant aujourd'hui, on attend peut-être davantage des leaders de la droite qu'ils interviennent sur le terrain migratoire et celui des questions régaliennes. 

Nicolas Sarkozy, au contraire, est davantage en accord avec l'électorat de droite sur le plan des idées, mais sa personnalité paraît encore poser problème. Comment cela se manifeste-il ? Peut-il inverser cette tendance ?

Même si la personnalité du président des Républicains peut en déranger certains, Nicolas Sarkozy veut mettre en avant ses propres qualités, son charisme, son autorité. Nicolas Sarkozy n'essaye pas d'inverser cette tendance d'après moi, il veut déjà retrouver le soutien de sa famille politique, soutien obtenu en partie suite à son élection l'année dernière au sein de l'UMP, renforcé avec le changement de nom Les Républicains avant l'été. Il a accordé une longue interview à Valeurs Actuelles pendant l'été. Il a posé le périmètre des électeurs qu'il essaye d'élargir avec les anciens électeurs du FN par exemple.

Il laisse avancer ses rivaux comme Alain Juppé et l'école, ou François Fillon et le libéralisme, sur des positions qui d'après moi ne correspondent pas exactement à ce qu'attendent les électeurs de droite aujourd’hui.

A l'aune de ces forces et faiblesses, quelle personnalité a le plus de chance de séduire l'électorat de droite ?

Il est clair que sur les thématiques qui font résonnance avec les Français, comme l’immigration, l’insécurité, la protection des frontières… Nicolas Sarkozy sera plus à l'aise qu'Alain Juppé, même si les deux hommes n'ont pas beaucoup de propositions différentes à formuler que celles que l'exécutif met en œuvre. L’opposition reste assez silencieuse, sur les questions migratoires par exemple. L'ancien président de la République me paraît pouvoir davantage tirer parti de la situation car l’opinion est davantage inquiète au sujet des questions relatives aux migrants ou au terrorisme qu'au sujet du seul terrain économique. François Fillon a fait le pari du redressement économique et peine à remonter dans les sondages. Alain Juppé représente un mélange des deux : il met en avant l'école, tout en traitant les questions migratoires, il n'est pas absent des enjeux européens… Or, pour le moment, l’opinion est assez radicalisée.

Peut-on distinguer des divergences à l'égard de Nicolas Sarkozy et Alain Juppé entre militants et sympathisants de droite ? Comment les expliquer ?

Ce phénomène est classique. Plus on se rapproche du cœur militant, plus la base est radicalisée, surtout dans les mouvements de droite. Nicolas Sarkozy tient aujourd’hui les rennes du cœur et si l’on s’en tient aux seuls adhérents, le président du parti est devant Alain Juppé. Plus on s'éloigne de ce cercle de cartés, important mais qui ne représente que quelques centaines de milliers de personnes quand les dirigeants de droite évoquent la possibilité de voir 3 millions de votants à la primaire, plus on s’éloigne de ce cercle, plus cela se resserre entre les deux candidats en tête. Des sympathisants de droite moins radicalisés, pas encartés, ont une analyse pouvant diverger sur certains sujets. Il est difficile de mesurer cela puisque c’est la première fois que la droite va tester l’exercice de la primaire. La gauche en a déjà 2 à son actif, une premier fermée, une deuxième ouverte.

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