Allemagne, le maillon trop fort ? Ce que viennent de révéler les chiffres manufacturiers sur l’état de l’économie européenne<!-- --> | Atlantico.fr
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"L’euro est une machine à gagner pour l’Allemagne, au détriment des pays les plus fragiles."
"L’euro est une machine à gagner pour l’Allemagne, au détriment des pays les plus fragiles."
©Reuters

Anti-modèle

La publication des derniers chiffres manufacturiers européens montrent l’existence d’une Europe à deux vitesses, entre l’Allemagne et le reste de la zone euro. Et cette fracture est moins la conséquence d'une bonne gestion allemande que le résultat de déséquilibres provoqués par une mauvaise maîtrise des effets la monnaie unique.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La dernière livraison des indices de directeurs d’achats pour la zone euro, publiés par le cabinet Markit le 1er septembre, permet de conforter la position favorable de l’Allemagne dans le secteur manufacturier européen. En s’affichant à un plus haut de 16 mois, c’est-à-dire un niveau de 53.3 points (un chiffre supérieur à 50 indique une période de croissance du secteur, et un relevé inférieur à 50 marque une récession), l’industrie d’outre-rhin creuse l’écart. Notamment face à la France, soumise une nouvelle fois à une période de contraction (48.3 points, un plus bas de 4 mois), ou à d’autres pays pourtant considérés comme "sortis d’affaire", comme l’Irlande, avec un plus bas de 18 mois (53.6 points) ou encore l’Espagne, avec un plus bas de 10 mois (53.2 points).

Ainsi, encore une fois, l’Europe semble coupée en deux, entre l’Allemagne et quelques pays du nord, et le reste du continent. Cette fracture européenne avait pu être mise en avant dans un article du Brookings Center, publié le 17 juillet dernier, écrit par l’ancien Président de la Réserve fédérale des Etats-Unis, Ben Bernanke. La simple observation du taux de chômage comparé entre l’Allemagne et le reste de la zone euro permet de mettre en évidence cette Europe à deux vitesses.

Taux de chômage comparé. Allemagne et Zone euro (à l’exclusion de l’Allemagne).

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Alors que l’Allemagne voit son taux de chômage baisser depuis plusieurs années, pour atteindre un niveau de 4.7%, ce qui peut être apparenté à une situation de plein emploi, le reste de la zone euro conserve un taux supérieur à 13% (soit près de trois fois plus que l’Allemagne), c’est-à-dire une situation de chômage de masse.

La réponse la plus simpliste à cette situation consiste à conclure que l’Allemagne a fait les bonnes réformes et les bons choix, et que les autres ont encore du travail avant d’en arriver au même niveau. C’est-à-dire la réponse du fameux "modèle allemand" qui fait tant rêver les dirigeants européens. L’économie allemande est en effet hyper-productive, tournée largement vers l’exportation, bénéficie d’un maillage industriel de premier plan mondial, et en récolte ainsi les fruits. Ces éléments peuvent décrire une "certaine" réalité, mais ils sont totalement insuffisants pour permettre de justifier un tel écart.

Selon Ben Bernanke, deux raisons principales viennent expliquer cette situation. En premier lieu, l’euro. "L’Allemagne a bénéficié d’une monnaie, l’euro, dont la valeur internationale est bien inférieure à celle d’une hypothétique monnaie exclusivement allemande. La participation de l’Allemagne à la zone euro a permis une accélération majeure des exportations allemandes, en comparaison avec ce qu’elles auraient été avec une monnaie indépendante."

Comment est-il possible d’en arriver à une telle conclusion ? Il existe un indice, qui ressemble plutôt à une preuve de cet avantage dont profite l’Allemagne. Il s’agit de sa balance commerciale.

Différence entre exportations et importations, sur PIB. En % 

Au début de l’aventure "euro", l’Allemagne affiche une balance commerciale de 2.8%, elle est de 7.5% pour l’année 2014. S’il ne s’agit pas de contester les efforts faits par le pays pour soutenir son industrie et ses exportations, il reste évident que l’euro a joué un rôle crucial dans cette performance. Dans l’hypothèse d’une Allemagne qui aurait conservé le Deutschemark, la valeur de la monnaie aurait progressé en fonction des chiffres de la balance commerciale du pays. Ainsi, avec un Mark toujours plus fort, l’avantage concurrentiel allemand aurait été progressivement amputé. Les records actuels ne seraient alors qu’un rêve inatteignable. Parce que l’euro est partagé par un ensemble de pays, dont certains sont bien moins "compétitifs" que l’Allemagne, la valeur de l’euro a progressé par rapport à l’ensemble, et non par rapport à l’Allemagne. Le plus fort est avantagé, et les plus faibles sont fragilisés.

Afin de répondre à une telle différence de traitement, la solution pourrait être de voir le principal bénéficiaire de la situation, c’est-à-dire l’Allemagne, soutenir la croissance européenne. Ceci afin de compenser le bénéfice "indu" qui lui offert par l’euro. Pour y parvenir, il suffirait de voir le pays soutenir la croissance européenne au travers de sa propre demande intérieure. Il s’agit du second point développé par Ben Bernanke :

"L’Allemagne pourrait aider à restaurer l’équilibre au sein de la zone euro et relever le rythme de croissance de l’ensemble en augmentant ses dépenses domestiques, à travers certaines mesures comme une augmentation des investissements en infrastructure, le soutien à des hausses de salaires pour les travailleurs allemands (pour soutenir la consommation) et engager des réformes structurelles permettant d’encourager la demande intérieure. De telles mesures n’entraineraient que peu ou pas de sacrifices pour les allemands, et serviront les intérêts à long terme du pays en réduisant le risque d’une explosion de la zone euro".

Mais pour le moment, l’Allemagne n’en fait rien. L’objectif du 0% déficit est une priorité pour le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, qui prône une telle politique tout au long des 5 prochaines années. Quant aux employés ; alors que la part des salaires dans le revenu était supérieure à 53% en 2000, elle est inférieure à 50% aujourd’hui. Dans sa forme actuelle, et en raison des politiques menées par le pays, l’euro est une machine à gagner pour l’Allemagne, au détriment des pays les plus fragiles. Et les réformes structurelles des pays du sud n’y changeront rien.

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