François Hollande/Éva Joly : deux candidats, un même talon d'Achille<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
François Hollande/Éva Joly :
deux candidats,
un même talon d'Achille
©

Politique partisane

"Eva Joly se trouve dans la même situation que François Hollande : elle est la candidate d’un parti dirigé par d’autres". Et si la polémique Joly n'était pas là où on l'imagine ?

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

Voir la bio »

Atlantico : Débutante en politique, ancienne juge d’instruction originaire de Norvège, Éva Joly pèche-t-elle par un manque de maîtrise du compromis inhérent à la politique ?

David Valence : La question est un peu vaine car, vu d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), le rôle d’Eva Joly n’était pas de conclure un accord avec le PS en vue des élections législatives de 2012. L’objectif qui lui est assigné est de faire un score qui soit le plus haut possible au premier tour de l’élection présidentielle. Si son résultat est bon et que la gauche gagne au second tour, alors EELV sera en situation d’exiger un peu plus du PS que ce qui apparaît dans l’accord dont on a tant parlé ces derniers temps et d’en renégocier une partie.

En réalité, il n’y pas de "problème Eva Joly" pour EELV. Tout autre candidat aurait eu les mêmes difficultés qu’elle. D’une certaine manière, la candidate d’EELV se trouve dans la même situation que François Hollande : elle est la candidate d’un parti dirigé par d’autres. L’opinion, qui ne saisit pas toujours ces subtilités, pourrait leur imputer la responsabilité d’accords conclus par d’autres. D’où, pour l’un comme pour l’autre, la nécessité de mettre les choses au clair, de se distinguer, y compris en affaiblissant momentanément leurs formations politiques respectives par ces prises de distance ponctuelles.

Au reste, je ne crois pas qu’il faille surinterpréter les critiques adressées à Eva Joly par un Noël Mamère -mal placé, lui qui tapa comme un sourd sur Lionel Jospin en 2002-, pour donner à Eva Joly des leçons de conduite avec les socialistes ou un Daniel Cohn-Bendit, qui était hostile depuis le début à l’idée d’une candidature écologiste autonome.

On la sent mal à l’aise face à l’accord avec le PS. EELV peut-il aller aux élections sans un compromis ferme et précis ?

La confusion de ces derniers jours autour de l’accord PS-EELV et de la candidature d’Eva Joly tient au carambolage entre deux calendriers, celui de la présidentielle et celui des législatives de 2012.

Les dirigeants d’EELV comme Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé ont pour objectif, et c’est normal, d’imposer leur parti comme une grande formation politique de gauche capable, à terme, de faire jeu égal ou presque avec le PS. A l’image des Grünen allemands.

Pour cela, il leur faut jouer très serré, au risque de la confusion. Soit négocier d’une part avec le PS pour obtenir une meilleure représentation au Parlement, tout en gardant leur spécificité et en évitant d’être "avalé" par le PS. Bref, jeter des assiettes en l’air en s’arrangeant pour les rattraper avant qu’elles s’écrasent au sol !

Il était donc dans l’intérêt d’EELV de ne pas trop obtenir du PS dans l’accord conclu en vue des législatives, sous peine de vider la candidature à la présidentielle d’Eva Joly de son sens. Et il reste dans l’intérêt d’EELV d’avoir un candidat à la présidentielle, car l’expérience a montré que les partis qui "passaient leur tour" au profit d’un allié dominateur finissaient par disparaître : pensez au PCF, qui n’eut de candidats ni en 1965, ni en 1974, ou à l’UDF, qui n’en eut pas en tant quel tel en 1995…

Les électeurs écologistes sont-ils favorables à un accord avec les socialistes ?

L’électorat écologiste est très volatile, on le sait. Comme celui du Modem de François Bayrou. Combien d’ électeurs écologistes de 2009 se retrouveront dans les urnes en 2012 ? Assez peu sans doute. Beaucoup voteront utile quoi qu’il en soit, comme en 2007. Et ce n’est pas en portant un message identique à celui du PS qu’EELV réussira à conserver une part significative de cet électorat. Tel est le raisonnement d’Eva Joly. Elle n’est pas seule à le tenir chez les Verts, loin de là !

En dénonçant implicitement l’influence d’Areva sur les positions du PS sur le nucléaire comme en qualifiant Charles Pasqua de "criminel" lors d’un débat récent avec Henri Guaino, Eva Joly a souhaité réaffirmer la singularité de sa candidature, l’originalité de son profil : celui d’une ancienne juge, connue pour son hostilité aux lobbies, pour son intransigeance. Certes, la voie est étroite pour elle, entre la fuite en avant qui la couperait des plus réalistes des écologistes, et la trop grande complaisance à l’égard du PS. Mais Nicolas Hulot aurait eu exactement les mêmes difficultés.


Le PS est-il crédible lorsqu’il évoque une ouverture à l’écologie ?

Le PS est mal à l’aise sur les enjeux écologiques. Il souhaiterait faire entendre, comme l’UMP, une voix sur ce sujet, mais est « borné » par ses alliés écologistes, plus radicaux que lui. D’où une hésitation permanente entre la tentation de sous-traiter l’écologie aux Verts, d’une part, ou de leur « voler » ce thème, comme essayait de le faire Ségolène Royal en 2007, d’autre part ! Ce balancement fait que le discours du PS sur l’écologie est aujourd’hui inaudible. 

Propos recueillis par Romain Mielcarek

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !